SOLUTIONA Lyon, les tiny houses redonnent « de l’intimité » aux femmes sans-abri

Près de Lyon, les tiny houses redonnent « de l’intimité » aux femmes sans-abri

SOLUTIONDepuis mars 2021, la métropole de Lyon développe des « villages de tiny houses » pour lutter contre le sans-abrisme des femmes avec enfants de moins de trois ans
A Lyon, les tiny houses redonnent « de l’intimité » aux femmes sans-abri
Elise Martin

Elise Martin

L'essentiel

  • A Villeurbanne et à Vaise, deux villages de tiny houses ont pris place depuis 2021.
  • La métropole de Lyon a investi dans ces mini-maisons de 20 m2 démontables qui ressemblent à des bungalows pour offrir une solution aux femmes sans-abri et à leurs enfants de moins de trois ans.
  • Deux ans après, le succès est au rendez-vous mais cette solution d’hébergement d’urgence atteint aussi certaines limites.

«Je suis fière de dire que je vis ici. En tant que mère, je n’ai plus honte », résume en deux phrases Aissatou, 31 ans. Pendant quatre ans, elle a « visité tout Lyon » allant « d’hôtel en hôtel » pratiquement tous les mois, avec ses deux enfants, âgés de moins de trois ans. « Ma vie, et celle de ma famille, a complètement changé depuis que je suis arrivée ici en avril 2022 », affirme-t-elle. « Ici », c’est La Base, un ancien parking situé à Villeurbanne, à l’est de Lyon.

Depuis mars 2021, il a été réhabilité par la métropole de Lyon, en partenariat avec la commune et l’association Le Mas, pour y installer un « village » de 17 tiny houses, ces petites maisons transportables de 20 m2, afin d’y accueillir des femmes sans-abri avec leurs enfants. Depuis, plus de 2.500 personnes ont été mises à l’abri. A Villeurbanne, mais aussi dans le quartier de Vaise (Lyon 9e).

« J’ai un chez-moi »

« Au début, je ne comprenais pas quand on me parlait de vivre dans une tiny house, se souvient la trentenaire. J’ai compris le sens au moment d’emménager. Désormais, j’ai un chez-moi, j’ai une intimité et ça, ça change tout. » Dans les autres hébergements, les sanitaires et la cuisine sont collectifs.

Dans son petit bungalow de 20 m2, « il y a tout ce qu’il faut ». La femme d’origine sénégalaise y a même accroché des dessins de ses enfants. « Je n’aurais jamais fait ça dans les hôtels, je n’avais même pas le temps d’y penser », lance-t-elle. C’est dans la pièce principale qui sert de cuisine et de séjour, qu’elle dort dans un clic-clac. « Il y a une chambre avec des lits superposés pour les enfants, montre-t-elle. Et une salle de bains avec une douche, un WC et un lavabo. » La visite est rapide mais son sourire est grand. Sa minimaison inclut même un extérieur d’où elle échange parfois directement avec une voisine.

« Si je dois m’absenter une heure ou deux, je peux laisser sans problème mes enfants à ces femmes, explique-t-elle. On se rend des petits services et comme ça, nos enfants jouent ensemble. »

Le pari des tiny houses « réussi »

Au-delà de l’habitat, La Base permet aussi de créer des liens entre les habitantes. « C’est du collectif choisi avec une indépendance du logement, de l’autonomie tout en faisant partie d’une communauté », commente une des travailleuses sociales sur le site. Pour Aissatou, la présence de l’équipe du Mas tous les jours de la semaine est aussi une « immense chance ». L’association assure l’accompagnement et le suivi administratif de ces femmes et propose aussi des activités régulièrement.

Pour Etienne Prime, responsable de service de l’association qui existe depuis 60 ans, le « pari » est réussi. « On ne savait pas trop ce que ça allait donner, avoue-t-il. Notre principale crainte était sur le qualitatif car avoir un toit, ça ne suffit pas. Depuis deux ans maintenant, on travaille quotidiennement pour améliorer la vie sur ce qui est, à la base, un parking. »

« Les femmes n’ont pas vocation à rester toute leur vie ici »

La métropole, qui agit au nom de la protection de l’enfance, est également satisfaite d’avoir misé sur l’urbanisme transitoire. D’autres projets sont nés sur ce modèle de mobilisation des bâtiments et terrains vacants pour proposer de nouveaux lieux d’occupation temporaire.

« Pour La Base, c’est une convention de trois ans, renouvelable huit fois, précise le responsable de service. A Vaise, où un deuxième lieu s’est ouvert, le contrat se termine plus rapidement mais un autre terrain à Oullins vient d’être aménagé. » Il souligne que ces villages s’intègrent « très bien avec le voisinage » qui voit « un terrain inoccupé revivre dans de bonnes conditions ».

Malgré un confort et de la sécurité, les femmes accueillies n’ont pas vocation à y rester toute leur vie, rappelle Etienne Prime. « En 2022, on a eu 9 sorties positives. Les tiny houses doivent servir de tremplin, même s’il n’y a pas de maximum ou de minimum de temps d’hébergement. Ce qui bloque l’insertion totale, c’est la régularisation. »

La métropole demande plus de financement

Renaud Payre, vice-président de la métropole en charge du logement, aussi s’interroge sur la viabilité du système : « Qu’est-ce qu’on fait quand les enfants, qui sont scolarisés, atteignent les 4 ans ? ». Il est « bien conscient » que « tout ne passe pas par les tiny ».

« Surtout que, d’après le dernier rapport de la fondation abbé Pierre, il y a toujours 22.000 personnes en situation de mal logements sur notre territoire, appuie-t-il. Nous avons besoin d’autres sites pour progresser dans notre politique du logement d’abord et lutter contre le sans-abrisme. Et pour cela, nous devons être accompagnés. » Il interpelle l’Etat et l’Union européenne et demande « plus de financement ». Au total, 500.000 euros par la métropole sont investis rien que pour le site de Villeurbanne.