LOISIRSAfrö, le jeu de cartes avec des personnages de couleur

Afrö, le jeu de 54 cartes avec des personnages de couleur

LOISIRSUne artiste nantaise a réalisé un jeu de cartes traditionnel avec des rois, dames et valets de couleur. Le projet, commandé au départ pour les Etats-Unis, vise à insuffler de la diversité et à questionner les images du quotidien
Les rois, dames et valets sont représentés par des personnages de peau noire.
Les rois, dames et valets sont représentés par des personnages de peau noire. - F.Brenon/20Minutes / 20 Minutes
Frédéric Brenon

Frédéric Brenon

L'essentiel

  • Afrö est un jeu de 54 cartes, de type poker, avec des personnages afro-métissés.
  • Sa créatrice est Maéva Tchibinda, une illustratrice-designeuse nantaise.
  • Le jeu Afrö est commercialisé depuis un an sur le Net ou en boutiques.

Elles sont employées au poker, à la bataille, au bridge, à la belote, au rami ou au tarot… Les cartes sont probablement l’un des jeux les plus anciens et les plus populaires du monde occidental. Il existe plusieurs déclinaisons, des formats différents, mais les personnages qu’elles représentent, inspirés de l’Histoire ou de la Bible, sont systématiquement blancs de peau. C’est pour « prendre le contre-pied » de ces représentations habituelles et insuffler de la « diversité » que Maéva Tchibinda, une illustratrice montreuilloise désormais domiciliée à Nantes, a lancé le jeu Afrö. Composé de 54 cartes (quatre familles de treize et deux jokers), Afrö est semblable au jeu traditionnel, sauf qu’il se distingue par ses rois, reines et valets illustrés par des personnes noires ou métis.

« L’idée m’a été proposée début 2021 par mon oncle, commerçant afro-américain installé près de Boston (Etats-Unis), raconte l’artiste, âgée d’une trentaine d’années. Comme j’aime bien jouer avec les codes, j’ai décidé de relever le défi. J’ai dessiné les visages de manière spontanée, sans imiter qui que ce soit, avec des coiffures et des caractéristiques différentes afin que toutes les personnes de couleur puissent se reconnaître. » Les habits des personnages, colorés et emplis de motifs, rappellent certaines tenues guerrières africaines. « C’est un jeu militant, certes, mais un jeu avant tout. Il n’y a pas d’intention communautaire. J’ai voulu créer quelque chose de ludique, accessible, qui rentre dans tous les foyers. Tout le monde peut se l’approprier, » insiste Maéva Tchibinda.

« Beaucoup de remerciements »

La commande initiale étant destinée au marché américain, la dessinatrice est incitée par un ami à développer le concept pour la France, où il n’y avait pas réellement d’équivalent. Plus de 3.100 euros seront ainsi récoltés, via une campagne de financement participatif, pour lancer la production. « J’ai reçu beaucoup d’encouragements, des remerciements, on me disait que ça répondait à un besoin… A un moment, ça m’a un peu dépassée », confie l’ancienne étudiante des beaux-arts.


Maéva Tchibinda, illustratrice et créatrice du jeu de cartes Afrö.
Maéva Tchibinda, illustratrice et créatrice du jeu de cartes Afrö. - F.Brenon/20Minutes

Imprimé en Alsace, le jeu est, depuis un an, distribué sur Internet, ainsi que dans quelques magasins à Paris et à Nantes. Si le succès commercial demeure modeste (420 exemplaires vendus), les retours, venus de toute l’Europe, sont « très positifs ». « J’adore ce jeu et nos clients aussi l’apprécient beaucoup. Il est original, le trait est très joli et il permet de mettre en valeur les minorités », commente Isabelle, gérante de la boutique Singa, association spécialisée dans la promotion des « talents issus des migrations ».

« Les images nous influencent au quotidien »

« Ce jeu Afrö, c’est aussi une manière de questionner le monde, est convaincue Maéva Tchibinda. Bien avant ce projet, j’avais l’habitude de me balader avec des dés ou un jeu de cartes dans ma poche. Mais je ne m’étais jamais interrogée sur ces représentations blanches. Quand on pense à une personne noire, on a vite fait de tirer des raccourcis : c’est le musicien, le sportif, le pauvre, l’immigré. On n’imagine pas forcément le banquier, le roi ou la reine. »


Après Afrö, l’illustratrice aimerait proposer une nouvelle gamme de cartes avec « du métissage, des femmes, des enfants… Pas forcément le côté afro. » Et, pourquoi pas, détourner d’autres jeux ou symboles par son coup de crayon. « Les images qui nous entourent dans la société ne sont pas anodines. Elles nous influencent au quotidien, elles deviennent des paroles, puis des actes. Elles peuvent nous diviser ou, au contraire, servir à transmettre de l’amour. »