votre vie votre avis« C'est de la survie »... Elles touchent une petite pension de retraite

Réforme des retraites : « A la fin du mois, il me reste entre 2 et 4 euros »… Elles vivent avec une petite pension

votre vie votre avisSi la pension de retraite moyenne en France s’élevait à 1.400 euros nets par mois fin 2020, beaucoup de seniors perçoivent nettement moins
Selon l’étude de la Drees, 44 % des femmes de la génération 1950, sont parties à la retraite avec une carrière incomplète, contre 32 % chez les hommes.
Selon l’étude de la Drees, 44 % des femmes de la génération 1950, sont parties à la retraite avec une carrière incomplète, contre 32 % chez les hommes.  - Canva / Canva
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • En plein débat sur la réforme des retraites et à l’heure où certains futurs retraités craignent de devoir vivre avec une petite pension dans les années à venir, les regards se tournent vers les seniors qui subsistent avec peu.
  • Car certains retraités n’ont pas validé tous leurs trimestres, en raison d’une carrière hachée.
  • Les femmes sont surreprésentées dans cette catégorie, comme en témoignent nos lectrices.

Pour eux, les fins de mois sont toujours difficiles. Si la pension de retraite moyenne en France s’élevait à 1.400 euros nets par mois fin 2020, selon une étude du ministère des Affaires sociales (Drees), certains retraités sont loin de toucher ce montant. En premier lieu, ceux qui ne touchent pas une retraite à taux plein (c’est-à-dire une pension calculée sur la base de 50 % de leur salaire brut annuel moyen).

Plusieurs raisons expliquent que certains retraités n’aient pas validé tous leurs trimestres : ils ont interrompu leur activité plusieurs années pour élever leurs enfants ou aider un proche, n’ont pas retrouvé de travail en fin de carrière, ont commencé à travailler tard… C’est le cas de Françoise, 68 ans, qui a répondu à notre appel à témoins : « Ma pension s’élève à 1.009 euros, en comptant ma retraite complémentaire. Je n’ai pas eu assez de trimestres », explique cette ancienne commerçante.

« Je n’ose pas divulguer le montrant de ma pension à mes amis »

C’est aussi parfois les carrières hachées, avec des passages entre le salariat, l’entrepreneuriat et le chômage, qui expliquent le fait que certains Français n’aient pas cotisé suffisamment. A l’instar de Marie, 70 ans, qui a pourtant commencé à travailler à 20 ans et touche une pension qui n’atteint même pas les 1.000 euros. « J’ai passé quinze ans dans la même entreprise. Puis j’ai été un an au chômage, avant d’entamer une formation ambulancière et de travailler à temps partiel. J’ai ensuite ouvert un restaurant rapide que j’ai géré deux ans, puis un bar que j’ai tenu quatre ans. J’ai fini avec 155 trimestres validés, alors qu’il m’en fallait 161 pour partir à taux plein. »

Parmi ces titulaires d’une faible pension, les femmes sont surreprésentées. Toujours selon l’étude de la Drees, 44 % des femmes de la génération 1950 sont ainsi parties à la retraite avec une carrière incomplète, contre 32 % chez les hommes. Car elles occupent plus souvent des postes à temps partiel et s’interrompent parfois plusieurs années pour élever leurs enfants. C’est le cas de Betty, 69 ans, qui en paye le prix désormais : « Je n’ose pas divulguer le montrant de ma pension à mes amis tellement il me paraît invraisemblable. Je perçois une retraite de 250 euros pour vingt-deux ans de cotisation. Nous avons eu deux enfants et si j’ai pris la décision de ne pas continuer à travailler, c’est pour me consacrer à leur éducation. Je ne trouve pas le montant ma retraite très équitable par rapport à celle de mon mari », estime-t-elle.

« Je suis obligée de travailler à temps partiel pour compenser »

Patricia, 61 ans, qui s’apprête à partir à la retraite, sait aussi qu’elle devra se serrer la ceinture. « Je vais devoir vivre avec une retraite de 450 euros, car je me suis arrêtée de travailler pour élever mes 3 enfants », s’inquiète-t-elle.



Et certains, touchant une pension de misère, n’ont pas d’autre choix que de remonter en selle. Françoise est ainsi obligée de travailler : « Je ne peux pas faire autrement, car je ne perçois aucune aide sociale. J’effectue donc des missions d’auxiliaire de vie et des heures de ménages dans un établissement privé ». Yamina, 62 ans, est censée profiter de sa retraite. Mais vivant seule et n’ayant pas validé tous ses trimestres, elle a été contrainte de poursuivre une activité : « Ma pension est de 342 euros. Je suis obligée de travailler à temps partiel pour compenser. Mais c’est très compliqué car je suis malentendante et j’ai de l'arthrose. » Brigitte, 73 ans, qui a travaillé à la mairie de Toulon jusqu’à 66 ans, n’a pas pu se reposer au soleil ensuite. « Je suis locataire. Pour pouvoir payer toutes mes charges, j’ai repris un emploi dans un magasin jusqu’à mes 70 ans. J’étais debout toute la journée. Aujourd’hui, je suis épuisée et pauvre. Je n’irai pas en maison de retraite, je préfère me jeter d’un pont », lance-t-elle.

« Je ne fais rien, je respire et je m’emmerde »

Quant à ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas travailler à l’heure où ils devraient profiter de la vie, leur petite pension les oblige à tout compter. C’est ce que fait Marie, 70 ans : « Je paie 185 euros de loyer, 170 euros d’APL, 45 euros de box Internet, 24 euros d’assurance voiture, 13 euros d’assurance habitation, 50 euros d’électricité, 8 euros par jour pour l’alimentation. Je ne fais rien, je respire et je m’emmerde », décrit-elle. Marie-Thérèse, 63 ans, qui touche environ 690 euros, est désespérée : « Je suis sous curatelle depuis décembre 2022. Je n’ai pas assez pour vivre correctement. »

Quant à Michèle, 75 ans, ses comptes sont vite faits : « Je touche 1.092 de retraite et mon loyer s’élève à 650 euros. A la fin de mois, après avoir réglé tout ce que je dois, il me reste entre 2 et 4 euros », observe-t-elle. Brigitte, 63 ans, est elle aussi amère : « Je ne touche que 1.100 euros. Etant seule et locataire, ma retraite me paie mes factures, mais pour me nourrir c’est dur. Je ne touche aucune aide sociale et je ne fais que survivre. Mon entourage trouve ma situation honteuse : j’ai pourtant tant travaillé ! »