UrbanismePourquoi un bâtiment Eiffel se retrouve vendu aux enchères à Marseille

Marseille : Comment un bâtiment Eiffel se retrouve-t-il vendu six millions d'euros aux enchères ?

UrbanismeLa « Station Alexandre », centre d’affaires des quartiers nord installé dans une ancienne gare de triage, n’a pas survécu à la fin de la zone franche
La Station Alexandre ( au premier plan )
La Station Alexandre ( au premier plan )  - PATRICE MAGNIEN / 20 MINUTES / PATRICE MAGNIEN / 20 MINUTES
Caroline Delabroy

Caroline Delabroy

L'essentiel

  • Le tribunal judiciaire de Marseille met aux enchères ce mercredi, à six millions d’euros, la Station Alexandre, un centre d’affaires et de services inauguré en 2007 dans les quartiers nord.
  • Les derniers occupants des lieux déplorent l’abandon du quartier et une gestion catastrophique.
  • Selon la ville, l’établissement public foncier régional travaille sur un projet d’aménagement du terrain de deux hectares sur lequel se trouve le site.

«C’est un grand tournant, une page qui se tourne. » La voix pressée par la fin du service, Laurent Amoroso prend tout de même le temps d’évoquer ses dix-sept années à tenir la brasserie Efl Café, au rez-de-chaussée de la Station Alexandre, un centre d’affaires et de services situé dans les quartiers nord de Marseille. Son bail, comme celui d’une dizaine d’occupants des lieux, continue de courir. Mais il en est terminé de l’ère Sylvie Caulet, une experte-comptable qui avait sauvé de l’oubli et entièrement réhabilité cette ancienne gare de triage des huileries Régis, avec une charpente métallique attribuée à Gustave Eiffel. De fait, le tribunal judiciaire de Marseille procède ce mercredi à la vente aux enchères du site, comme l’a annoncé La Provence.

La mise à prix de ce site de 10.000 m² est fixée à six millions d’euros, mais elle peut descendre en cas d’absence d’acquéreurs. Derrière l’histoire de la Station Alexandre, nom donné par Sylvie Caulet en hommage à son grand-père, il y a celle d’un quartier d’arrière-port, Le Canet, et d’une zone franche urbaine. « Armateur et négociant, Victor Régis faisait débarquer à la Joliette ses chargements d’arachide et de copra qu’une ligne de train privée amenait directement dans cette garde au cœur de l’huilerie », écrit Dominique Milherou, sur son blog Tourisme-Marseille.com qui raconte l’histoire de Marseille. L’industriel fait construire la gare au début du XXe siècle.

« Il y a eu beaucoup d’effet d’aubaine »

Début des années 2000, le lieu est à l’état de friche, et au cœur de la deuxième zone franche urbaine créée à Marseille pour relancer l’activité économique. « En 2003, la zone franche venait de se créer, et je cherchais un lieu pour mon cabinet, raconte Sylvie Caulet à 20 Minutes lors du lancement de Station Alexandre. Quand j’ai aperçu le bâtiment, le coup d’œil a été magique : j’ai décidé de l’acheter. » Tant que les avantages fiscaux liés à la zone franche sont là, le bâtiment remplit son office, attirant jusqu’à 70 sociétés, avocats, informaticiens, graphistes.



« Il y a eu beaucoup d’effet d’aubaine, des cabinets d’avocat sont repartis à partir du moment où l’affaire n’était plus bonne au niveau fiscal », regrette Laurent Lhardit, adjoint au maire chargé de l’économie. La ville a été sollicitée par l’établissement public foncier régional pour un projet d’aménagement du terrain de deux hectares, sur lequel se trouve la Station Alexandre. « Nous sommes éventuellement intéressés à condition que la métropole le souhaite aussi et ce soit un projet économique », indique-t-il.


tout sur marseille par ici

A écouter Laurent Amoroso, la fin de la zone franche a été un véritable tournant. Il pointe dès lors « une gestion catastrophique » : « Elle n’a pas négocié ni revu les loyers à la baisse. Vous ne pouvez pas demander 1.000 euros pour 50 mètres carrés. De grosses sociétés ont fini par partir et, elle, à ne plus être rentable. » La Station Alexandre illustre aussi selon lui « l’abandon » du quartier. « A l’Estaque, la première zone franche a marché car elle a été accompagnée par les pouvoirs publics, estime-t-il. Ici, il y a tout à faire. Il nous manque des transports, des aménagements. Rien n’a été fait autour depuis vingt ans. »