MALAISEL’affaire Adrien Quatennens divise toujours chez les insoumis

L’affaire Adrien Quatennens n’en finit plus de diviser les insoumis

MALAISELe retour du député dans l’Hémicycle remet la lumière sur la fracture au sein du groupe LFI à l’Assemblée
Adrien Quatennens lors de sa première intervention en séance, mardi soir, entouré par plusieurs députés LFI.
Adrien Quatennens lors de sa première intervention en séance, mardi soir, entouré par plusieurs députés LFI. - LUDOVIC MARIN / AFP / AFP
Rachel Garrat-Valcarcel

Rachel Garrat-Valcarcel

L'essentiel

  • L’intervention d’Adrien Quatennens dans l’Hémicycle, mardi, a provoqué un incident de séance, entre huées macronistes et applaudissements insoumis. Jean-Luc Mélenchon a, une nouvelle fois, apporté son soutien au député du Nord.
  • L’épisode a remis en lumière les divisions au sein du groupe LFI, entre ceux qui considèrent que le débat est clos et les autres.
  • Mais personne ne pense sérieusement que ni LFI, ni la Nupes ne vont se déchirer sur cette question.

Au groupe insoumis, la gestion du cas Quatennens, ce n’est bien sûr pas le sujet sur lequel on s’étale le plus. Mais on peut dire qu’il y a globalement deux catégories : ceux et celles qui considèrent que l’affaire est terminée ; et les autres. Peu de doute sur le fait que Jean-Luc Mélenchon se trouve dans la première catégorie. Jeudi soir, sur BFMTV, il a peu apprécié de devoir répondre à des questions sur cette affaire. « Foutez-lui la paix ! », a lancé le leader insoumis avant, tout simplement, de quitter le plateau. Chez ses proches, ce vendredi, on donnait raison au chef sur la critique du traitement médiatique de l’affaire : « Peut-être que quand on aura retrouvé Adrien pendu dans son garage, vous prendrez conscience de ce qui a été fait », ose même un dirigeant de la France insoumise auprès de journalistes.

Sur BFMTV, donc, Jean-Luc Mélenchon était invité à réagir à l’incident de séance créé mardi soir lors de la toute première intervention d’Adrien Quatennens dans l’Hémicycle depuis son retour. Il a été hué par les députés et députées de la majorité, et applaudi debout par une vingtaine de parlementaires insoumis. Certains, comme Sophia Chikirou ou Sébastien Delogu, se sont même déplacés pour entourer et soutenir le député du Nord. Cette scène, où l’on applaudit un homme qui vient d’être condamné pour violences conjugales, a de quoi mettre mal à l’aise, même quand on n’est pas en pointe du combat féministe. Rien de choquant pourtant pour le dirigeant de LFI interrogé ce vendredi : « Je ne crois pas que l’image soit terrible. On savait qu’Aurore Bergé [la présidente du groupe Renaissance] préparait quelque chose. Des camarades ont considéré qu’il fallait couvrir les hués. » D’autres considèrent que ces insoumis sont tombés dans le piège tendu par les macronistes.

Malaise

Le malaise, lui, n’est pas nouveau. Palpable depuis septembre, il s’est sérieusement intensifié suite aux deux interviews qu’a données Adrien Quatennens immédiatement après sa condamnation, à La Voix du Nord et à BFMTV en décembre. Lors de ses deux interventions, le député se place en victime et utilise des arguments antiféministes classiques, en totale contradiction avec le programme des insoumis sur le sujet. « J’ai été accompagnatrice sociale avant d’être députée et j’ai eu à gérer des dossiers de violences conjugales. Adrien Quatennens a prononcé certains des mêmes mots que les agresseurs », expliquait il y a quelques jours, en colère, une insoumise favorable à une sanction forte contre le député du Nord, pour laquelle ces interviews ont changé la donne.

Elles sont en effet arrivées juste après que le groupe LFI a pris la décision d’exclure pour quatre mois, jusqu’à mi-avril, Adrien Quatennens, et lui a demandé de suivre un stage sur les violences sexistes et sexuelles avant de revenir. Mais mi-avril, s’agira-t-il d’une réintégration automatique, d’une clause de revoyure ou d’autre chose ? Les interprétations divergent totalement. Pour un député francilien de la direction, c’est un retour automatique. Pour un membre de la direction un peu gêné aux entournures, c’est une clause de revoyure, avec potentiellement un nouveau vote. La députée en colère citée plus haut ne sait pas s’il faut exclure définitivement Quatennens, mais elle a « besoin de parler, avec le groupe. Les interviews ont beaucoup heurté. Mais je ne suis pas capable de dire si ça en a retourné ou pas. »

Feuilletons

Côté direction, pas de problème : si le groupe décide souverainement qu’il veut rediscuter du sujet mi-avril, le sujet sera rediscuté. Mais on souligne tout de même que « les gens qui ont plaidé pour une sanction plus lourde, comme ceux qui en voulaient une moindre, ont perdu, et qu’une décision doit être respectée. » Mais est-elle encore crédible, cette décision, quand des députés insoumis viennent physiquement soutenir Quatennens dans l’Hémicycle ? « Oui », et le dirigeant relativise : « Adrien doit vivre avec l’injustice qui lui est faite de son point de vue. Il a été décrit comme un homme violent, ce qu’il n’est pas, et il a voulu corriger son image. Mais il n’est pas entendable qu’il se pose en victime. Il s’est trompé de registre. »

Si l’on a bien compris que pour les pro-Quatennens, ce feuilleton qui plombe les insoumis est avant tout alimenté par les journalistes, d’autres considèrent que c’est la direction qui en est à l’origine : « Ce sont eux qui n’en finissent pas de faire fuiter chaque étape de son retour », expliquait en janvier une insoumise francilienne. Plusieurs journaux se sont fait l’écho de l’information selon laquelle c’est Sophia Chikirou, une députée proche de Jean-Luc Mélenchon, qui a orchestré le plan com' d’Adrien Quatennens. « La vérité, c’est qu’il se fait trahir par ceux qui prétendent le défendre. Ce sont eux qui l’enfoncent. Le seul qui en profite, c’est Manuel Bompard, qui a repris la coordination du mouvement », poursuit la même.

Sujet mineur

Tout porte à penser que la stratégie de ceux et celles qui veulent ardemment le retour d’Adrien Quatennens tient en quatre mots : ça va se tasser. « La politique, ce sont aussi des états de fait, il va revenir, c’est comme ça, décrit un insoumis en vue de la direction, pourtant opposé à son retour. Il n’y a pas d’état d’âme à avoir. On va faire quoi, fronder ? Ça ne marchera pas. Et puis il y a des choses plus grandes… » S’il avait été coupable de fraude fiscale, aurait-il déjà été exclu définitivement ? « Ah c’est clair ! », s’exclame le même, d’ailleurs pas le seul à le dire. La clef est là : l’affaire Quatennens prouve que les violences sexistes et sexuelles restent un sujet mineur. En conséquence, personne n’est prêt à dépenser une part de son capital politique pour faire d’une question féministe une question de principe.



Mardi soir, plusieurs députées écologistes et communistes ont quitté l’Hémicycle au moment de l’intervention du député du Nord, pour marquer leur désapprobation. Une marque d’impuissance, aussi : « Il s’agissait de marquer le coup pour la première fois », a expliqué l’une d’elles, Marie-Charlotte Garin, députée écolo de Lyon. Une autre élue de la Nupes, connue pour son engagement féministe, le reconnaissait il y a quelques semaines : « L’alliance ne se brisera pas là-dessus. » Et la France insoumise probablement pas plus. « Elles m’emmerdent, vos questions, souffle à des journalistes un cadre insoumis tiraillé. Mais la vérité, c’est que si j’étais à votre place, je poserai les mêmes ». Comme un symbole d’une position intenable, mais qui sera probablement tenue.