ACCIDENTL’homicide involontaire peut-il être retenu après la mort d’un fœtus ?

Accident de Pierre Palmade : L’homicide involontaire peut-il être retenu après la mort d’un fœtus ?

ACCIDENTUne enquête a été ouverte par le parquet de Melun pour « blessures et homicides involontaires »
Une enquête pour « homicide et blessures involontaires par conducteur ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois » a été ouverte après un accident grave impliquant Pierre Palmade.
Une enquête pour « homicide et blessures involontaires par conducteur ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois » a été ouverte après un accident grave impliquant Pierre Palmade. - FRANCOIS GUILLOT / AFP
Caroline Politi

Caroline Politi

L'essentiel

  • Vendredi, un grave accident impliquant Pierre Palmade a eu lieu en Seine-et-Marne. Outre l’humoriste, trois personnes ont été grièvement blessées, parmi lesquelles une femme enceinte qui a perdu son enfant à naître.
  • Une enquête pour « homicide et blessures involontaires » a été ouverte par le parquet de Melun. Or, selon la jurisprudence, la mort d’un fœtus ne peut être qualifiée d’homicide.
  • En revanche, si l’accident a provoqué la naissance prématurée de l’enfant et que celui-ci est décédé peu après, la qualification d’homicide involontaire peut être retenue.

Derrière des drames humains se cachent souvent des questions de droits complexes. Et l’affaire Palmade ne déroge pas à cette règle. Samedi après-midi, le parquet de Melun a annoncé l’ouverture d’une enquête des « chefs d’homicide et blessures involontaires par conducteur ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois ». La veille au soir, l’humoriste qui se trouvait au volant de sa voiture et dont les analyses ont révélé la présence de cocaïne, s’est déporté sur la voie de gauche, percutant de face un autre véhicule. Le bilan humain est lourd : les trois passagers, dont un enfant, qui se trouvait à bord ont été grièvement blessés. L’une des victimes, enceinte, a perdu son enfant, a précisé le procureur, Jean-Michel Bourlès.

Le statut du fœtus en question

Reste que les qualifications retenues par le parquet ont surpris nombre d’observateurs. Le décès de ce fœtus, aussi dramatique soit-il, peut-il être considéré comme un « homicide involontaire » ? La jurisprudence, pourtant, est très claire sur ce point. Depuis un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation - la plus haute juridiction française - datant de 1999 et confirmé en 2001, la mort d’un fœtus ne peut être qualifiée d’homicide. Même si celui-ci était viable au moment du décès, même si le terme était proche. « Tant qu’un enfant n’est pas né, il n’est pas considéré comme un être humain à part entière, il n’a pas de personnalité juridique et ne peut donc pas être reconnu comme victime », explique Me Franck Samson, avocat spécialisé dans les délits routiers.

En 2014, pourtant, un automobiliste a été condamné par le tribunal correctionnel de Tarbes pour homicide involontaire sur un fœtus : cet homme qui suivait un traitement médical et avait bu deux verres de vin le jour du drame a perdu le contrôle de son véhicule et renversé une femme enceinte de 7 mois. Les expertises ont conclu que l’enfant à naître était « viable » et décédé à cause du « choc (…) contre la paroi utérine ». L’automobiliste n’a pas souhaité faire appel de cette décision, mais le parquet général, lui, l’a fait. L’année suivante, la cour d’appel de Pau a finalement infirmé cette condamnation.

Pourquoi alors retenir cette qualification ?

Comment expliquer, alors, la décision du parquet de Melun ? Tout dépend, en réalité, des conditions dans lesquelles cette femme a perdu son bébé. Si le fœtus est décédé in utero, la qualification d’homicide involontaire ne pourra être retenue. En revanche, « s’il est mort juste à sa naissance, même quelques secondes plus tard, la situation est très différente », estime Me Franck Samson. En clair : si l’accident a provoqué la naissance prématurée de l’enfant mais que celui-ci était vivant en sortant du ventre de sa mère, il a acquis une personnalité juridique. Et ce, même s’il était déjà dans un état critique. « Dès lors, il faudra prouver que le décès est consécutif de l’accident », poursuit le conseil. L’autopsie, qui devrait être réalisée ce lundi, devrait permettre d’éclaircir ces points.



Dans son arrêt de 2001, la Cour de cassation reconnaissait des « incohérences » et des « inéquités » dans cette distinction pénale : difficile, en effet, de comprendre, qu’un fœtus décédé « quelques secondes avant la naissance » ne puisse pas être reconnu victime d’homicide involontaire alors que s’il était décédé quelques instants après il l’aurait été. Reste que selon Me Frank Samson, dans les faits, cette distinction n’a finalement que peu d’impact sur la peine. Si la notion d’homicide involontaire est retenue, Pierre Palmade encourt jusqu’à dix ans de prison. Sinon, il risque trois ans. « D’expérience, il est très rare que les affaires d’homicides involontaires se soldent par de la prison ferme. Et ce, même en cas de consommation de produits stupéfiants », nuance le conseil.