procesLe conducteur qui a percuté des soldats conteste avoir commis un attentat

Militaires renversés à Levallois : « Je ne reconnais rien »… Hamou Benlatreche conteste avoir commis un attentat

procesAu premier jour de son procès en appel, cet Algérien de 42 ans s’est défendu d’avoir intentionnellement percuté des militaires avec son véhicule en août 2017 à Levallois (Hauts-de-Seine)
Six militaires de l'opération sentinelle appartenant au 35e régiment d'infanterie de Belfort ont été fauchés par un véhicule à Levallois Perret en août 2017
Six militaires de l'opération sentinelle appartenant au 35e régiment d'infanterie de Belfort ont été fauchés par un véhicule à Levallois Perret en août 2017 - JEROME MARS / JDD/SIPA
Thibaut Chevillard

Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • Le procès en appel de Hamou Benlatreche, accusé d’avoir blessé six soldats de l’opération Sentinelle en août 2017 en les renversant avec sa voiture à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) avant de prendre la fuite, s’est ouvert lundi devant la cour d’assises spéciale de Paris.
  • En première instance, cet Algérien de 42 ans, en fauteuil roulant depuis les blessures par balles reçues lors de son interpellation, a été condamné à trente ans de réclusion assortis d’une peine de sûreté de vingt ans, pour « tentative d’assassinats terroriste ».
  • L’accusé a une nouvelle fois soutenu qu’il s’agissait d’un accident. Selon lui, il a perdu le contrôle de son véhicule à cause d’un malaise, sa jambe droite restant enfoncée sur l’accélérateur. Le procès est prévu jusqu’au 17 février. Hamou Benlatreche encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

A la cour d’appel spécialement constituée,

Grande première à la cour d’assises spécialement constituée. Comme le permet désormais la loi, « les débats seront enregistrés », annonce la présidente, Emmanuelle Bessone. Tandis que l’huissier allume la caméra, une interprète traduit en arabe les propos de la magistrate à l’accusé, cloué dans son fauteuil roulant depuis qu’il a été blessé au cours de son arrestation. Les cheveux noirs, coiffés très court, chemise grise, moustache, Hamou Benlatreche, un Algérien de 42 ans, est jugé en appel pour « tentative d’assassinats terroriste ». En première instance, cet ancien chauffeur VTC avait été condamné à trente ans de réclusion assortis d’une peine de sûreté de vingt ans, pour avoir foncé avec sa voiture dans un groupe de militaires participant à l’opération Sentinelle, à Levallois (Hauts-de-Seine) en août 2017. Six d’entre eux ont été blessés, dont deux grièvement.

« Est-ce que, aujourd’hui, vous reconnaissez les faits ou vous les contestez toujours ? » lui demande la présidente après avoir résumé les faits. « Je ne reconnais rien de ce que vous avez dit », répond l’accusé par la voix de son interprète. Hamou Benlatreche, qui souffre d’une grave malformation des vaisseaux sanguins du cerveau, a toujours prétendu qu’il s’agissait d’un « accident ». Selon lui, il circulait au volant de sa BMW série 2 Gran Tourer à la recherche de clients lorsque vers 8h, il a été pris d’un malaise au niveau de la place de Verdun. « J’ai perdu connaissance à la porte de Champerret, et d’ailleurs j’ai cassé le pare-brise de mon véhicule. J’ai regardé dans le rétroviseur et j’ai vu les militaires sur la route. J’ai voulu faire un demi-tour mais j’ai eu peur qu’ils tirent sur moi. J’ai continué la route. Je ne me suis pas arrêté », a-t-il expliqué au magistrat instructeur.

« Le regard de quelqu’un qui voulait en découdre »

Hamou Benlatreche prend ensuite la fuite en empruntant une rue à contresens. Son véhicule, équipé d’un système de géolocalisation, est quelques heures plus tard dans le Nord de la France, circulant sur l’autoroute A16. Les policiers de la BRI de Rouen et de Lille, dépêchés sur place, l’encerclent pour le forcer à s’arrêter près de Calais (Pas-de-Calais). Mais l’accusé refuse d’obtempérer et de couper le contact. Craignant qu’il ne saisisse une arme ou ne déclenche un engin explosif, les fonctionnaires ouvrent le feu sur lui à une dizaine de reprises. Hamou Benlatreche est touché de cinq balles notamment au thorax, au bras droit et à l’épaule gauche. Une balle sera retrouvée logée au niveau du rachis.



Mais ses explications peinent à convaincre la justice, qui a toujours estimé qu’il s’agissait d’un attentat terroriste. Deux experts ont en effet conclu que sa version des faits, survenus en pleine vague d’attentats djihadistes en France, « n’était pas plausible sur le plan médical ». D’autre part, les images captées par les caméras de surveillance de la ville montrent qu’il roulait à faible allure puis qu’il a accéléré brusquement tout en se déportant vers la droite en direction des soldats. Les victimes assurent d’ailleurs qu’il n’avait pas perdu connaissance : elles se rappellent bien avoir perçu « le regard de quelqu’un qui voulait en découdre ».

De troublantes recherches sur Internet

L’enquête a aussi révélé qu’Hamou Benlatreche avait effectué des repérages sur les lieux trois jours auparavant. Le juge d’instruction notait dans son réquisitoire que « l’utilisation d’un véhicule bélier pour faucher des piétons était préconisée dès 2010 dans le magazine Inspire d’AI-Qaida, et répond précisément à l’appel de Mohammed al-Adnani du 22 septembre 2014 invitant à tuer des Occidentaux par tous moyens ».

Ses proches ont décrit aux enquêteurs un musulman très pratiquant mais qui n’était « pas du tout radicalisé ». En revanche, certains le trouvaient « bizarre », un peu « dérangé ». En exploitant les téléphones et le matériel informatique saisi au cours des perquisitions, les policiers ont découvert plusieurs éléments troublants. Hamou Benlatreche avait envisagé de se rendre en Turquie, regardé sur Google Maps le plan d’une ville syrienne, consulté des pages intitulées : « quand est-il licite de tuer un musulman ? /L’appel de la croyance », « les cas dans lesquels il est licite de tuer dans l’Islam », « quel est le verdict pour celui qui tue un mécréant ». Ils ont aussi trouvé plusieurs photographies en rapport avec Daesh. Enfin, plusieurs de ses contacts étaient déjà apparus dans des dossiers de nature terroriste.

Avant les faits, Hamou Benlatreche n’avait aucun antécédent judiciaire. Il a depuis été condamné pour plusieurs incidents survenus en détention. Le procès est prévu jusqu’au 17 février. Hamou Benlatreche encourt la réclusion criminelle à perpétuité.