SAUT à la percheFace au GOAT Armand Duplantis, la lutte compliquée des autres perchistes

Athlétisme : « Oui, je l’ai battu une fois, mais… » Face à Armand Duplantis, la lutte compliquée des autres perchistes

SAUT à la percheArmand Duplantis, recordman du monde du saut à la perche, sera ce mercredi au meeting de Liévin (Pas-de-Calais) pour tenter d’améliorer encore son record
Cet homme domine le monde et vient juste de sauter au-dessus de votre immeuble.
Cet homme domine le monde et vient juste de sauter au-dessus de votre immeuble. - AFP / AFP
Antoine Huot de Saint Albin

Antoine Huot de Saint Albin

L'essentiel

  • Armand Duplantis sera ce mercredi soir au meeting de Liévin dans le but d’améliorer son record du monde à la perche (6,21 mètres).
  • Sur une autre planète que le reste de la concurrence, le Suédois a-t-il fait perdre tout intérêt pour le saut à la perche ?
  • Comment ses concurrents gèrent-ils la présence de cet « extraterrestre » ?

C’est bien connu. Après une petite pause, il est nécessaire de reprendre le sport et la compétition en douceur, histoire de ne pas infliger à votre corps d’atroces souffrances. La douceur, Armand Duplantis ne connaît pas vraiment. Pour son premier concours de la saison, chez lui en Suède il y a quelques semaines, « Mondo » a passé une barre à 6,10 m. Une semaine plus tard, à Berlin cette fois, Duplantis s’est contenté d’un « petit » 6,06 m. Petit, oui, car le bonhomme, qui détient le record du monde de la discipline, avec 6,21 m, nous a habitués à plus haut.

D’ailleurs, ce record est l’obsession du gamin (oui, il n’a que 23 ans). S’il a tenté, en vain, une barre à 6,22 m à Uppsala et à Berlin, Armand Duplantis a fait de cette quête son grand objectif. « Ce que j’essaie vraiment de faire pendant cette saison en salle, c’est de battre le record du monde, confiait le Suédois après sa première sortie de l’hiver. C’est l’objectif principal et quasiment le seul but que j’ai en tête. » Dans cet objectif, il sera donc au meeting de Liévin, ce mercredi, et à Clermont-Ferrand dans dix jours.

Intouchable, ou presque

L’occasion pour le public français d’admirer le meilleur perchiste de tous les temps et, peut-être, de voir un record du monde tomber. Car, pour ce qui est de la « lutte » pour la première place, tout semble écrit d’avance. On va la faire courte : Armand Duplantis finira premier, seul au-dessus de 6 m. « S’il n’est pas blessé, malade ou dans un jour sans, il est tellement au-dessus des autres que, normalement, il doit gagner », assure Philippe Collet, ancien perchiste français, dont les fils Mathieu et Thibaut côtoient Mondo sur les sautoirs.


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Depuis août 2021, Armand Duplantis a été devancé une seule fois (à 5,91 m), en septembre 2022 à Bruxelles, au bout d’une saison éreintante. L’hérétique s’appelle Ernest Obiena, troisième des Mondiaux de Eugene, en août, remportés par… Duplantis, évidemment. « Moi, j’étais content d’avoir gagné, mais je n’étais pas dans une pensée du style : “Oh, j’ai battu Mondo”, nous raconte le perchiste philippin, qui a un record à 5,94 m. Oui, je l’ai battu une fois, et la probabilité pour que je le refasse est infime, mais quand je suis en bout de piste, je pense à aller le plus haut possible. »

« Je ne me bats jamais pour la deuxième place »

Avant de débarquer dans le Pas-de-Calais, Duplantis a sauté 42 fois à six mètres ou plus. Ce qui laisse la concurrence, qui peine à atteindre avec régularité cette barre symbolique, obligée de se battre pour les miettes et les deux autres places sur le podium. « C’est le meilleur en ce moment, et il risque de le rester encore un bon bout de temps, mais tout le monde essaie de se battre et de se rapprocher le plus vite de lui, affirme à 20 Minutes le Norvégien Sondre Guttormsen, qui a sauté 5,90 m à Albuquerque, début février. Même si, au final, tu te bats pour la deuxième place, tu ne peux pas dire que c’est difficile de l’affronter juste parce qu’il est meilleur. »

« Peut-être que je suis un peu stupide de dire ça, mais, moi, je ne me bats jamais pour la seconde place, reprend Ernest Obiena. Quand je vais en meeting, j’y vais pour gagner, même si je sais que Mondo existe et qu’il fera un truc énorme. Évidemment que c’est compliqué d’être dans la même compétition que le GOAT, avec la meilleure génération de perchistes au monde, mais ça me motive et m’encourage à donner le meilleur de moi-même. » »

Mais toutes les bonnes volontés se heurtent à une donnée simple. Pour venir batailler avec le Suédois, il faut sortir un saut stratosphérique, ce que peu de perchistes sont capables de faire. « S’il y a une possibilité de le chatouiller, il faut être là, développe Philippe Collet. Le problème, c’est qu’on ne peut pas le chatouiller à 5,80, mais à 6 m et plus. Et, là, il n’y en a pas beaucoup qui puissent jouer dans sa cour. Renaud Lavillenie, s’il est dans son meilleur jour, Chris Nilsen et… » Oui, et pas beaucoup d’autres. « Ils n’acceptent pas le principe, a priori, d’être battu, mais ils savent tous que, sauf miracle, blessure, Mondo doit gagner », reprend Collet.

La même sentence qu’avec Bubka ?

Etre le faire valoir du meilleur perchiste du monde, la discipline a déjà connu pareil scénario, avec Sergueï Bubka, qui sautait sur tout ce qui bougeait dans les années 1980-1990 et enchaînait les records du monde. « La différence entre Mondo et Sergueï, c’est que Mondo, il a encore une plus grande maîtrise technique de la perche que n’avait Sergueï, explique Philippe Collet, qui a ferraillé avec l’Ukrainien. Il était vraiment au-dessus au niveau potentiel, mais il y avait cette faille technique, qui fait qu’il pouvait passer à côté, car il pouvait “mal sauter”. Le problème, c’est que Mondo ne sait pas mal sauter. »



Et vu qu’il ne sait pas « mal sauter », le sort de la compétition demeure figé. Au point de rendre la discipline moins attractive ? « Je ne pense pas qu’il ait tué ce sport, estime Obiena. Il l’a sûrement rendu un peu plus prévisible, mais il le rend surtout beaucoup plus visible. Voir un mec qui tente des records du monde, ce n’est pas un truc normal, donc le voir faire ça aussi souvent, ça met forcément en lumière le saut à la perche. » Le meeting de Liévin affichera ainsi complet pour accueillir le Suédois, mais aussi Karsten Warholm, Femke Bol ou Jakob Ingebrigtsen.

« On banalise un saut à 6,10 m »

« Même s’il n’y a pas de suspense, Mondo arrive à ramener de l’attention sur ce sport, et c’est super, reprend Sondre Guttormsen. Maintenant, il faut espérer que certains gars, que ça soit moi ou d’autres, arrivent à se rapprocher de plus en plus de lui et, parfois, le battent. » »

« A l’époque, quand Sergueï était là, nous qui étions face à lui, on avait l’impression qu’il défonçait la discipline, que ça n’avait pas de sens, conclut Philippe Collet. Pour autant, c’était une discipline qui marchait bien, que les gens appréciaient, et ça n’a pas tué la perche. C’est juste que, quand on te demande combien tu sautes et que t’annonces 20 cm en dessous de celui de Bubka, les gens ne comprennent pas forcément. Aujourd’hui, avec Mondo, ça banalise complètement les sauts à 6 m ou 6,10. Mais ça reste une performance exceptionnelle. » Et que dire du saut à 6,23 que le Suédois va nous sortir ce soir.