LITTORALBon nombre de paillotes sont illégales, mais cruciales pour l’économie

Hérault : De nombreuses paillotes sont illégales… mais cruciales pour l’économie

LITTORALUne grande partie de ces plages privées sont installées sur des espaces protégées, à la biodiversité remarquable, au mépris de la loi Littoral
Une plage privée, près de Montpellier (Archives).
Une plage privée, près de Montpellier (Archives). - N. Bonzom / Agence Maxele Presse / Agence Maxele Presse
Nicolas Bonzom

Nicolas Bonzom

L'essentiel

  • Selon un rapport ministériel, dévoilé par la fédération France Nature Environnement, une grande partie des paillotes de l’Hérault sont installées sur des espaces protégées, à la biodiversité remarquable, au mépris de la loi Littoral.
  • Toutefois, note ce rapport, ces plages privées sont cruciales, économiquement.
  • Tandis que France Nature Environnement demande que le ménage soit fait, sur le littoral, les communes concernées rappellent à quel point ces paillotes sont importantes pour l’emploi et l’attractivité économique du territoire.

Sur le littoral héraultais, la bamboche, c’est terminé. Ou presque. Un rapport d’une mission d’inspection spéciale, diligentée au printemps dernier par l’ancien Premier ministre, Jean Castex, pointe les entorses à la loi causées par bon nombre de plages privées, ces paillotes où on bronze et où on fait la fête, l’été, au bord de la mer. Ces manquements à la réglementation avaient déjà été relevés par des décisions de justice.

20 Minutes n’a pas pu obtenir de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd), ni du ministère de la Transition écologique, ce précieux document. Mais il a été communiqué à France Nature Environnement (FNE), une fédération qui regroupe 9.000 associations environnementales, et farouchement opposée aux paillotes, qui l’a rendu public. Ce rapport constate que « de nombreux établissements de restauration ou d’activités balnéaires ont […] bénéficié de concessions d’occupation » sur des espaces protégées, à la biodiversité particulièrement sensible.

Un difficile équilibre entre l’économie et l’écologie

Ces occupations sont illicites, rappelle le document. « Les paillotes se sont installées en toute illégalité dans les années 1995-2005. L’Etat ne s’y est pas opposé (et perçoit toujours redevances et impôts) et les municipalités se font "rémunérer" […], sous forme de redevances. […] Les contrôles sont restés rares très longtemps, même si les mesures administratives sont très restrictives depuis quelques années : fermeture des boîtes de nuit, réduction du nombre d’établissements, etc. » En 2019, l’ex-préfet de l’Hérault, Pierre Pouëssel, avait quelque peu rafraîchi l’ambiance, en exigeant des plages privées qu’elle ne dépasse pas les 80 décibels, sous peine de sanctions. Ce fut la fin, ou presque, des boîtes de nuit en plein air, qui faisaient le plein, chaque soir de l’été, près de Montpellier.



Toutefois, le non-renouvellement des concessions de ces paillotes, dans les prochaines années, serait de nature, poursuit ce rapport ministériel, « à fragiliser une activité économique importante et obérer sensiblement les finances des communes concernées ». Alors, on fait comment ? L’audit propose, sur les 81 lots de restauration et de buvette présents sur le littoral héraultais, d’en maintenir une partie, en s’assurant que l’incidence sur l’environnement soit maîtrisée, d’en déplacer une autre partie sur des espaces qui ne sont pas protégés, et d’en supprimer d’autres. Le tout, dans « une transition apaisée ».

« Il est temps que le littoral soit plus exemplaire »

FNE et les communes concernées n’ont pas la même lecture du rapport. Simon Popy, président de la fédération environnementale en Languedoc-Roussillon, est « satisfait en grande partie », car cet audit « pointe clairement les incohérences des défenseurs des paillotes illégales ». « Nous serons attentifs à ce que ce rapport ne débouche pas sur une application de la loi Littoral "à la carte" ou complaisante, afin que l’intégralité des espaces remarquables du littoral soit protégée. […] Il est temps que le littoral héraultais soit plus exemplaire dans le respect de la loi Littoral », indique le président régional de la FNE.

De leur côté, dans un communiqué commun, les maires d’Agde, de Mauguio-Carnon et de La Grande-Motte, qui regrettent avoir appris que ce rapport avait été rendu public par FNE sans qu’ils l’aient reçu eux-mêmes, se réjouissent toutefois qu’il « confirme pleinement l’importance des paillotes et leur utilité dans le cadre d’une gestion raisonnée des plages et prône leur maintien dans la quasi-totalité des cas ». « Il ne conclut en rien à l’illégalité des paillotes, mais à leur nécessaire adaptation » au regard de la loi, notent les élus.

« Un pilier de notre attractivité »

Les trois maires rappellent, par ailleurs, que les paillotes sont primordiales, pour l’économie locale. Elles « sont pourvoyeuses de nombreux emplois locaux, elles travaillent de concert avec les producteurs du territoire et incarnent en cela un maillon fort des circuits courts ». Les plages privées sont également, assurent-ils, « un pilier de notre attractivité », et leur rôle est « prépondérant dans la sécurisation de nos plages ».


NOTRE DOSSIER SUR LA Méditerranée

Fera-t-on encore la fête, dans dix ou vingt ans, sur le sable héraultais ? Entre les défenseurs de l’environnement d’un côté, et les propriétaires de plages privées et les communes concernées de l’autre, le débat s’annonce particulièrement houleux.