Dans une interview accordée à Yolaine de la Bigne sur le site L’animal & l’homme, l’historien Éric Baratay parle de la notion “chatchien”. Cette expression nous vient des pays anglophones d’Océanie. Deux pays, la Nouvelle-Zélande, dotée d’un environnement très riche, et l’Australie, dont l’environnement est au contraire en train de se déliter, ont été confrontés à l’expansion démographique du chat et au problème de prédation sur la faune que cela entraînait. Ils ont donc lancé un programme d’éradication des chats errants et de contrôle plus fort des chats de compagnie. Petit à petit, les gens ont préféré se tourner vers des chats plus solliciteurs et plus joueurs. Par sélection, par éducation, mais aussi par choix des tempéraments adaptés, des “chatchiens” sont apparus. Ces chats ont alors commencé à connaître l’anxiété de séparation, très bien décrite par les vétérinaires chez les chiens de compagnie. Au XIXe siècle, les chats ne connaissaient pas ce problème, ils souffraient plutôt d’anxiété de rapprochement car ils savaient que s’ils croisaient des hommes, ça ne se passait pas bien pour eux. Aujourd’hui, de plus en plus de chats sollicitent leurs maîtres, demandent à jouer, les suivent, et acceptent même d’être promenés en laisse.

Nous faisons aux chats ce que nous avons fait aux chiens. Au XIXe siècle, la plupart d’entre eux étaient des chiens vagabonds ou errants, il y avait très peu de chiens de compagnie. Dans Béatrix, un roman d’Honoré de Balzac publié en 1839, un aristocrate revenu au pays après la Révolution promène sa chienne dans la ville et il fait rire tous les habitants qui se demandent comment on peut être assez stupide pour promener un chien en laisse ! Aujourd’hui, il nous semble au contraire tout à fait normal de le faire.

Cette évolution des chats vers les “chatchiens” s’accompagne d’inconvénients, puisqu’ils peuvent souffrir d’anxiété de séparation, mais aussi d’avantages : ils ne connaissent plus la violence d’autrefois, ils souffrent moins de la faim, de la galle et de la teigne. Il faut donc veiller à ne pas trop enjoliver le passé où les chats d’autrefois étaient plus indépendants ; ils vivaient d’ailleurs très peu de temps, guère plus de deux ou trois ans.

Un reflet de notre comportement

Le chat devient plus joueur et plus solliciteur, tout comme nous, humains, jouons davantage avec nos enfants que nos grands-parents ou arrière-grands-parents. Cette nouvelle façon de faire, que nous avons développée avec nos enfants, nous l’avons déportée sur nos chats et nos chiens.

Dans un de ses ouvrages, Thomas Mann parle de son chien : il se promène avec lui, mais il ne songe pas à jouer avec et à lui parler. Dans les mémoires des enfants de l’écrivain, ceux-ci racontent qu’ils ne voyaient leur père qu’une fois par jour à l’un des repas, et qu’ils ne parlaient que si on leur en donnait le droit.

De même, la population occidentale d’aujourd’hui fait beaucoup plus de sport, joue plus et reste jeune plus longtemps. Cette façon de vivre se reporte sur les chiens et les chats. Le chat a toutefois l’intelligence de s’y adapter ; c’est un animal qui arrive à vivre partout. C’est ce qui lui a permis de conquérir le monde !

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