DESTIN TRAGIQUEComment Navya est passée de « leader mondial » au redressement judiciaire ?

Comment Navya est passée de « la pépite de la French Tech » au redressement judiciaire ?

DESTIN TRAGIQUEMoins de dix ans après sa création, la start-up lyonnaise Navya se retrouve en redressement judiciaire alors qu’elle se revendiquait comme « leader mondial » dans le domaine des véhicules autonomes
L'entreprise Navya a démarré sur les chapeaux de roues avant de caler et de se retrouver en redressement judiciaire, moins de dix ans après sa création (Illustration)
L'entreprise Navya a démarré sur les chapeaux de roues avant de caler et de se retrouver en redressement judiciaire, moins de dix ans après sa création (Illustration) - Elisa Frisullo / 20 Minutes / 20 Minutes
Elise Martin

Elise Martin

L'essentiel

  • Moins de dix ans après sa création, la start-up lyonnaise Navya, spécialisée dans les véhicules autonomes, a été placée en redressement judiciaire.
  • Les potentiels repreneurs ont jusqu’au 21 février pour se manifester, les offres seront ensuite examinées le 7 mars prochain.
  • 20 Minutes s’est penché sur l’histoire de cette « pépite de la French tech » pour essayer de comprendre comment ce « leader mondial » dans le domaine a pu en arriver là.

Les jours de Navya sont comptés. Cette start-up lyonnaise créée en 2014 a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Lyon après s’être déclarée en cessation de paiements fin janvier. Les candidats pour la reprise avaient jusqu’à ce 21 février pour se manifester. Les offres seront examinées le 7 mars. 20 Minutes a retracé l’histoire de cette « pépite de la French Tech », qui est passée de « leader mondial » sur le marché de la navette autonome à un titre en bourse qui s’élève à trois centimes d’euros.

Un démarrage sans caler

Navya démarre sur les chapeaux de roues dès sa naissance. Moins d’un an après sa création, elle revendique « des années d’avance » sur ses concurrents avec ses navettes électriques. Elle s’autoproclame « première société au monde à commercialiser » ces engins. « En remettant les choses dans leur contexte, Navya n’est pas vraiment la première, rectifie François Marmoiton, ingénieur de recherche au CNRS, Institut Pascal à Clermont-Ferrand. En réalité, c’est Robosoft, au Pays basque, qui a lancé le premier transport du futur dans la fin des années 1990. Mais la société lyonnaise fait partie des deux constructeurs historiques en France, avec EasyMile, située à Toulouse. »



Tout comme sa « jumelle » de Toulouse, Navya se fraie un chemin vers la réussite. Ce qui distingue les deux sociétés, c’est leur stratégie de production. L’ingénieur développe : « EasyMile s’est associé à un constructeur automobile pour faire sa base roulante alors que Navya a misé sur l’internalisation de toute la production. Et c’est ce qui a peut-être fait toute la différence. »

A l’époque, ce détail n’est pas préoccupant. La start-up lyonnaise voit son chiffre d’affaires passer de 500.000 euros à 10 millions d’euros. Il atteint même 20 millions en 2017 avec « des carnets de commandes pleins » et une entrée en bourse l’année suivante. Navya vit son apogée. François Marmoiton rappelle qu’à ce moment-là, « on pensait qu’en 2025 tout le monde roulerait en véhicule autonome ».

Des problèmes techniques qui rendent l’avancée compliquée

Le retour du bâton arrive plus tard. De 2018 à 2022, le chiffre d’affaires ne dépasse pas les 10 millions, la société fait face à de lourdes pertes financières de 24 millions d’euros en 2020 et 2021 avec une chute de valeur de 90 % de son action en bourse en 2022. « Ce n’est pas si facile de développer cette technologie et en plus, c’est coûteux », explique-t-il. Malgré son implantation dans plusieurs grandes villes françaises et internationales, des problèmes techniques ont été ensuite constatés, notamment à La Défense à Paris.

« Les capteurs sont conçus pour naviguer sans infrastructure, analyse l’ingénieur. Les navettes ne sont donc pas complètement armées pour faire face à tous les éléments extérieurs d’une ville. C’est aussi pour cette raison qu’il était difficile de proposer des trajets sans un opérateur à bord pour la sécurité. »

Un piéton se déplace plus vite qu’une navette

Navya a quand même lancé des tests, en 2020, sur un « robot taxi ». Pour François Marmoiton, cette « dispersion » dans les domaines est aussi ce qui a pu handicaper la start-up lyonnaise contrairement à EasyMile. Navya s’est aussi associé au groupe Bolloré pour développer un bus autonome. « Ce sont des technologies coûteuses. L’entreprise aurait peut-être dû rester concentrée sur le corps de métier de base qu’elle voulait lancer », suppose-t-il.

Autre contrainte technique au développement de ces navettes : les piétons. Le chercheur à l’Institut Pascal lance : « Une personne va se déplacer plus vite à pied parce que la navette s’arrête à chaque obstacle. » Ainsi, ces véhicules autonomes « rendraient vraiment service si elles étaient déployées à la campagne », pointe l’ingénieur. Avant d’ajouter : « Les usagers, tels que des personnes âgées qui veulent se rendre chez le médecin, seraient moins exigeants sur le temps et les véhicules auraient moins de contraintes d’éléments pour aller plus vite. »