SURPRISESIl fait un carton en vendant des colis perdus sans révéler leur contenu

Flamingo Box fait un carton en vendant des colis perdus sans révéler leur contenu

SURPRISESBasée en Normandie, la société Flamingo Box rachète des colis perdus qu’elle revend au poids sans même les ouvrir. Un drôle de pari pour les acheteurs
William Mourrière, cofondateur de Flamingo Box, devant ses palettes de colis non réclamés dans son entrepôt dans l'Orne.
William Mourrière, cofondateur de Flamingo Box, devant ses palettes de colis non réclamés dans son entrepôt dans l'Orne. - Flamingo Box / Flamingo Box
Frédéric Brenon

Frédéric Brenon

L'essentiel

  • Des dizaines de milliers de colis sont perdus chaque année en raison d’une mauvaise adresse ou d’une erreur de distribution.
  • Flamingo Box rachète des palettes entières de colis égarés pour les revendre en lot surprise à des particuliers.
  • Les acheteurs sont principalement intéressés par la possibilité d’en faire du bénéfice à la revente.

L’activité n’est réellement lancée que depuis octobre mais elle séduit déjà un nombre « très important » de clients. Et intrigue au moins autant de curieux. Il faut dire que la spécialité de Flamingo Box, société basée dans l’Orne, entre Rouen et Le Mans, a de quoi surprendre : la revente de lots de colis perdus. Initialement commandés sur Internet, ces paquets ne sont pas parvenus à leur destinataire en raison d’un changement d’adresse ou d’une erreur d’étiquetage. Et ils n’ont pas non plus été récupérés par leurs fournisseurs en raison du coût prohibitif d’un voyage retour. Des dizaines de milliers de colis égarés errent ainsi en permanence chez les transporteurs. « Ces colis sont conservés au moins 30 jours, la durée légale pour toute réclamation, explique William Mourrière, cofondateur de Flamingo Box. Mais, ensuite, les logisticiens les envoient à la destruction. C’est en visitant un grand entrepôt français que j’ai pris conscience de l’ampleur du phénomène. Des palettes entières partaient à l’incinérateur. Un véritable gâchis et une aberration écologique. »

Depuis la loi du 1er janvier 2022 interdisant la destruction d’invendus non alimentaires, les opérateurs français doivent théoriquement recycler cette marchandise ou en faire don à des associations. La Poste en revend une partie aux enchères. William Mourrière et son associé ont, eux, conclu un partenariat avec un « très gros logisticien » souhaitant « rester secret ». Ils lui rachètent chaque semaine son stock de colis perdus et les revendent ensuite au poids, par lot de 10 kg minimum, au prix de 108 euros.

Mais le plus surprenant c’est que ceux-ci ne sont pas déballés. L’acheteur ne sait donc pas ce qui se trouve à l’intérieur ! Il peut tomber aussi bien sur des ballons gonflables que sur des écouteurs sans fil ultra modernes. « C’est ce qui fait la force du concept, est convaincu William Mourrière. Il y a l’excitation de ce qu’on va trouver dans le paquet. C’est le même effet que la pochette-surprise ou le cadeau de Noël au pied du sapin. »

« Certains fidèles en font leur activité principale »

A en croire l’entrepreneur de 44 ans, la diversité des trouvailles semble en effet immense : objets de décoration, accessoires électroniques, matériel informatique, outillage, produits de beauté, linge de maison, articles culturels… La plupart proviennent des market place AliExpress, Amazon, Wish ou Joom. « On trouve absolument de tout, confirme William Mourrière. Ce ne sont que des articles neufs commandés récemment. On a beaucoup de vêtements ou de chaussures. Il est, par contre, rare de trouver des produits de grande valeur ou de grandes marques car, dans ce cas-là, les fournisseurs préfèrent faire revenir la marchandise. »


Exemples de lots en vente sur le site Internet de Flamingo Box.
Exemples de lots en vente sur le site Internet de Flamingo Box. - F.Brenon/20Minutes

Il n’empêche, l’espoir du pari gagnant attire rapidement les clients. Le « bouche à oreille » fait le reste. Depuis janvier, entre 700 kg et une tonne de colis mystère sont revendus chaque jour par Flamingo Box. « Je ne m’attendais pas du tout à cet engouement, confie William Mourrière. Les clients les plus proches ou les plus motivés viennent nous voir directement à l’entrepôt. Certains font le déplacement depuis Poitiers ou la Bretagne. Mais la plupart commandent en ligne [frais de livraison à leur charge]. »

Les profils se divisent en trois catégories. « Il y a les clients curieux qui achètent pour eux. Ceux qui le font pour offrir. Et ceux qui achètent uniquement pour revendre les produits via des sites marchands comme Leboncoin, Ebay ou Vinted. Ce sont de loin les plus nombreux. On a, par exemple, des fidèles qui prennent des commandes de 80 ou 100 kg par mois. Certains arrivent même à se dégager un salaire suffisant pour en faire leur activité principale. Comme vous achetez au poids, ça peut être vite rentable avec des articles légers. Vous pouvez multiplier par trois voire par quatre le prix d’achat d’un lot. »

Des locaux plus vastes pour se développer

Sur Internet, les commentaires sont mitigés. Il y a les ravis, comme Salah. « J’ai commandé deux fois et je n’ai pas été déçu. J’ai reçu des gadgets et quelques vêtements que j’ai pu revendre facilement. On ne sait pas ce qu’on va recevoir, ce n’est jamais la même chose, je trouve l’idée super. » « Je devrais rentrer facilement dans mes frais », se réjouit également Marie. D’autres sont franchement déçus. « Les colis n’ont malheureusement aucune valeur, tout vient de Chine, de mauvaise facture, quasiment invendable… Je ne pense pas récupérer 50 % du montant investi », regrette Eric. Des Internautes s'étonnent aussi d'avoir reçu des colis ayant visiblement été ouverts. « Les douanes ouvrent des colis dans le cadre de leurs contrôles, se défend l'entrepreneur. Nous, on ne fait pas de tri. Notre intérêt c’est que les clients s’y retrouvent. Si les gens ne gagnent pas leur vie, notre modèle ne fonctionnera plus. »



Des critiques visent également le concept en lui-même, reprochant à Flamingo Box de se faire de l’argent grâce au malheur des premiers clients lésés. « Dans 99 % des cas, ceux qui ont commandé le colis non distribué ont été remboursés par le site marchand ou le fournisseur, ils n’ont pas perdu d’argent, assure William Mourrière. Et puis vous préférez polluer en détruisant ces produits ou qu’on les fasse repartir sur le circuit ? Je sais qu’on crée de la jalousie. On n’y peut rien. Nous, on pense faire quelque chose de bien. »

Pour accompagner la demande et développer son activité, Flamingo Box, qui écoule aussi des colis auprès de professionnels du discount depuis un entrepôt proche de Versailles (Yvelines), s’apprête à déménager dans des locaux bien plus vastes dans l’Eure. « De plus en plus de gens achètent sur le Net, donc, obligatoirement, il y aura de plus en plus de colis perdus. Le potentiel est énorme », est persuadé William Mourrière.