MISE EN GARDELe succès d’un antidiabétique utilisé pour mincir inquiète les médecins

Sur TikTok, le succès d’un antidiabétique utilisé pour mincir inquiète les médecins

MISE EN GARDEL’Ozempic, prescrit normalement pour le traitement du diabète, fait fureur sur les réseaux sociaux pour ses propriétés amaigrissantes
L'Ozempic est un produit injectable indiqué pour le traitement du diabète.
L'Ozempic est un produit injectable indiqué pour le traitement du diabète. - Jason Bergman/Sipa USA/SIPA / Sipa USA
20 Minutes avec agences

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Le phénomène inquiète les médecins et engendre des tensions d’approvisionnement. Sur TikTok, le mot-clé #Ozempic culmine à plus de 500 millions de vues. Cet antidiabétique fait fureur sur le réseau social pour ses propriétés amaigrissantes. « J’ai commencé Ozempic il y a six semaines », raconte ainsi une tiktokeuse américaine dans une vidéo vue près de 100.000 fois. En legging et brassière de sport, la jeune femme, visiblement bien plus mince que sur ses photos d'« avant » continue : « je n’ai fait aucun exercice, je me suis juste injecté le produit ! ».

L’Ozempic serait-ce donc un remède miracle ? A l’origine, il est prescrit pour un tout autre usage.

Pour le traitement du diabète

Ce produit injectable est en réalité indiqué pour « le traitement du diabète de type 2 insuffisamment contrôlé » chez les adultes, précise le laboratoire Novo Nordisk, qui le commercialise en France depuis 2019. Le sémaglutide, son principe actif, agit en se fixant sur les récepteurs d’une hormone qui a un rôle dans le contrôle de la glycémie et stimule la libération d’insuline lorsque le taux de glucose dans le sang est élevé.

Il ralentit aussi la vidange de l’estomac, diminuant de fait l’appétit et engendrant des pertes de poids importantes, de l’ordre de 10 % en un an. Une propriété qui a permis à l’industriel d’obtenir la commercialisation du sémaglutide dans de nombreux pays, dont les États-Unis, à une dose plus forte et sous un autre nom, Wegovy, pour le traitement de l’obésité. En France, le Wegovy a reçu un avis favorable de la Haute autorité de santé (HAS) dans le traitement de l’obésité fin décembre. Il est pour le moment limité aux personnes très obèses avec une maladie associée.

Tensions d’approvisionnement

En attendant une décision des autorités sur son prix et son remboursement, Wegovy est délivré au compte-gouttes, « contrairement à l’Ozempic qui est disponible avec une ordonnance normale », constate le professeur Jean-Luc Faillie, de l’université de Montpellier. Résultat : « des pharmaciens ont constaté des ordonnances » d’Ozempic pour des personnes non diabétiques ainsi que « des ordonnances falsifiées, utilisées par plusieurs personnes ». L’Agence nationale du médicament (ANSM) a rappelé à l’ordre les médecins, leur demandant de respecter strictement l’indication de diabète pour la prescription.

L’ANSM ne constate pas de « pic particulier ou hausse brutale ces derniers mois de la consommation », mais l’Ozempic a connu des « tensions d’approvisionnement » dues à l’augmentation de la demande mondiale. Jean-François Thébaut, de la Fédération des diabétiques, s’inquiète d’une éventuelle « ruée » des Français sur le Wegovy quand il sera sur le marché national, d’autant que le sémaglutide est « extrêmement efficace » contre le diabète. De son côté, la spécialiste de l’obésité Karine Clément, de l’Inserm, insiste sur la nécessité de « bien cadrer sa prescription ». « Il ne s’agit pas d’un médicament 'magique'. Comme toujours dans l’obésité, il doit être accompagné d’une prise en charge globale ».



Effets secondaires « sous-notifiés »

Les médecins s’inquiètent aussi des effets secondaires du sémaglutide, qui sont « sous-notifiés » selon Jean-Luc Faillie. Outre des nausées, « il existe aussi des risques plus rares mais plus graves comme des pancréatites aiguës, qui peuvent survenir même à doses faibles, des troubles biliaires, de rares cas de constipation sévère qui peuvent conduire à l’obstruction intestinale », relève-t-il. Est aussi pointé un « risque accru de cancer de la thyroïde » après plusieurs années de traitement.

Si les risques du sémaglutide sont « maîtrisés » au vu des bénéfices dans le diabète, « il y a toujours des incertitudes, notamment chez les patients obèses sur le long terme », selon le professeur, qui met en garde : « si on l’utilise pour perdre quelques kilos, là le bénéfice thérapeutique est nul, c’est juste de l’esthétique alors que les risques sont toujours présents ».