INTERVIEWUne Niçoise se confie sur son combat contre les tocs

« L’anxiété devient tellement ingérable qu’on trouve des parades », une Niçoise se confie sur son combat contre les tocs

INTERVIEWStéfanie, 41 ans, souffre de troubles obsessionnels compulsifs depuis l’âge de 7 ans. Cette Niçoise, qui vient de lancer une association destinée aux malades se confie ce lundi soir dans l’émission « Dans les yeux d’Olivier », sur France 2
Stéfanie intervient, ce lundi soir, dans un nouveau numéro de l'émission « Dans les yeux d'Olivier » consacrée aux troubles psychiques
Stéfanie intervient, ce lundi soir, dans un nouveau numéro de l'émission « Dans les yeux d'Olivier » consacrée aux troubles psychiques - C’est comme ça production / FTV / C’est comme ça production / FTV
Fabien Binacchi

Propos recueillis par Fabien Binacchi

L'essentiel

  • Stéfanie, une Niçoise de 41 ans qui souffre de troubles obsessionnels compulsifs, vient de lancer une association pour aider les malades.
  • « L’anxiété devient tellement ingérable qu’on trouve des parades, des techniques pour pouvoir la diminuer et les tocs, ce n’est que pour retrouver du contrôle », explique la jeune femme.
  • « L’idée de l’association Toc to me, c’est d’aider ceux qui en souffrent à sortir un peu de la maladie en essayant de faire des choses autour de l’art, de la culture, qui vont leur apporter du bien-être. »

Elle le dit elle-même. Sa maladie lui a valu « un parcours de vie un peu atypique ». Handicapant, le mal dont souffre Stéfanie ne se voit pas. Mais il est là. Partout. Tout le temps. A 41 ans, cette Niçoise apprend toujours à faire avec les troubles obsessionnels compulsifs (toc) qui ont conditionné son quotidien depuis qu’elle en a 7.

Un combat de tous les instants qu’elle a choisi de raconter ce lundi soir, à 22h55, sur France 2, dans un nouveau numéro de l’émission Dans les yeux d’Olivier. Et qu’elle veut faire avancer aussi pour tous ceux qui, comme elle, doivent faire avec. La jeune femme vient de lancer une association, Toc to me, destinée aux malades.

Vous expliquez que vous souffrez de toc depuis l’âge de 7 ans. Comment les choses se sont matérialisées ?

En fait, quand on a des tocs, on est prédisposé. Des recherches ont été faites et un problème physiologique a été identifié. On a repéré des zones du cerveau qui dysfonctionnaient. Ce n’est pas quelque chose qui arrive par hasard. On peut tous avoir des petits tocs quand on est enfant, mais ça passe. Chez nous, ça empire. Mes parents ont vu qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas et m’ont fait consulter. J’ai eu la chance d’être reçue à l’époque par un psychiatre qui connaissait les tocs, donc on a pu mettre un nom sur la maladie. La suite a été plus compliquée. Je n’ai pas eu un suivi thérapeutique vraiment adapté. Et malheureusement, si on ne traite pas tôt, ça s’installe durablement. Il faut en parler, le plus tôt possible et agir. Il y a des traitements qui existent.

Souffrir de troubles obsessionnels compulsifs, ça veut dire quoi ?

L’anxiété est vraiment très forte, généralisée. Il y a une déficience de la sérotonine, une substance qui permet justement de combattre un petit peu cette anxiété et de reprendre le dessus. Chez nous, elle devient tellement ingérable qu’on trouve des parades, des techniques pour pouvoir la diminuer. Les tocs, ce n’est que pour retrouver du contrôle. Un contrôle permanent. Et une fois qu’on commence à rentrer là-dedans, surtout quand on est enfant, on croit dur comme fer que c’est la solution. Je compare cela à la religion. Si, quelqu’un qui prie depuis qu’il est enfant, vous lui dites à 40 ans d’arrêter de prier, il va se sentir mal, complètement perdu. Pour nous, arrêter les tocs, c’est pareil.



Est-ce que vous vous parleriez de cette maladie comme d’un handicap ?

Complètement. Ça ne peut être que handicapant. Le cerveau est malade. D’ailleurs, les personnes qui en souffrent ont droit à une allocation. Ça commence par le fait de pas pouvoir aller au lycée, de ne pas pouvoir faire d’études. Moi, j’ai même eu des tocs à l’écriture. J’ai redoublé une année. J’ai toujours essayé. Mais c’était dur. Et puis, il y a des tocs physiques, qui entraînent des douleurs. En fait, c’est éreintant. Et puis, les traitements médicamenteux ajoutent également de la fatiguent.

Quels sont les traitements ?

En ce qui me concerne, c’est un antidépresseur à forte dose qui limite un peu les effets de la maladie. Les médicaments nous permettent de nous maintenir à un niveau vivable, de pouvoir prendre du recul. Et on le voit dès qu’il y a des interruptions de traitement. Moi, j’ai arrêté pour ma grossesse. Ça a été une chute vers la dépression et c’est le combo qu’il faut absolument éviter.

Aujourd’hui, votre fils a 16 ans. La vie de famille, c’est facile quand on souffre de tocs ?

C’est un challenge. Tout le temps. J’ai toujours voulu le protéger au maximum de ça. J’ai beaucoup intériorisé mes tocs pour le préserver, mais c’est dur. Même dans la vie de couple, il y a des périodes où c’est très très compliqué. J’ai au moins eu la chance d’avoir réussi à fonder quelque chose qui est solide et qui m’aide aussi à avancer. Chez les personnes qui sont seules, la maladie peut progresser et s’accentuer vers la dépression. Il y a beaucoup de choses qui peuvent rentrer en jeu dans cette maladie.

Une vie professionnelle est-elle possible ?

On vit avec des tocs en permanence. Moi, ça commence dès que je me lève. J’ai des rituels. Et plus on est stressé et angoissé, plus les tocs s’accentuent. Si, un matin, je me retrouve à devoir me dépêcher, ça va être catastrophique. J’ai essayé des petits boulots. J’ai toujours voulu me pousser. A l’extrême. Au final, j’ai trop tiré sur la corde. Aujourd’hui, tout de suite, je ne pourrais pas. J’essaie de sortir de chez moi et c’est déjà c’est un énorme travail. Du coup, j’essaie de faire le maximum d’activités chez moi. J’aimerais pourquoi pas, à terme, développer une entreprise autour du Web. Je travaille sur des sites Internet, et notamment celui de l’association que j’ai lancée.


Notre dossier sur la santé mentale

En quoi consiste-t-elle ?

Je suis à l’Aftoc, qui était la première association en France, depuis 1994. Je dirige un groupe de parole sur Facebook, avec à peu près 2.000 personnes. Avec deux autres personnes, on a voulu aller plus loin pour encore déstigmatiser cette maladie, en parler le plus possible. Les gens qui en souffrent sont souvent très sensibles avec une fibre artistique développée. Alors l’idée de Toc to me, c’est aussi de les aider à sortir un peu de la maladie en essayant de faire des choses autour de ça, de la culture, qui vont leur apporter du bien-être. Histoire de ne pas rester cantonné à des histoires de psychiatres et de traitements médicamenteux. On souhaite que l’association puisse fonctionner en collaboration avec l’Aftoc. On a déjà plusieurs projets, notamment monter une exposition de photos et réaliser un documentaire. Je me suis mis à fond là-dedans quand j’ai développé en plus un toc de contamination [autour de la méningite, qui a touché des membres de son entourage]. Je suis restée enfermée chez moi à peu près trois ans.

La période du Covid a été très compliquée pour vous ?

Depuis l’enfance, mes angoisses sont fixées sur la mort. Je vis avec ça en permanence, tout le temps. Alors quand le Covid est arrivé, bien évidemment, j’ai pris peur. Mais ce n’était pas vraiment une peur démesurée. Mon mari étant professeur des écoles, donc au contact des enfants, j’ai dû me faire à l’idée. Et puis, un autre sentiment a fini par prendre le dessus. J’étais en colère parce que je me suis dit : « là, [avec les confinements], ils sont en train de faire quelque chose qui va qui va coûter cher à certains ». Et on le voit aujourd’hui avec des jeunes qui ont développé certains troubles.

Ça a aussi entraîné une certaine prise de conscience autour de la santé mentale…

Le Covid a au moins boosté ça. On a compris que n’importe qui pouvait souffrir de dépression ou d’anxiété. Ça a un peu ramené la santé mentale dans les sujets à traiter. Alors oui, d’une certaine manière, ça a été positif. Ça peut faire avancer les choses.