pouvoir d’achat« Mars rouge » ou « Mars pas rouge » , on n’en a pas fini avec l’inflation

Inflation : « Mars rouge » ou pas, la France n’en a pas fini avec la hausse des prix

pouvoir d’achatLes consommateurs français s’inquiètent d’un possible « mars rouge » au niveau de l’inflation. En réalité, c’est tout le printemps qui risque d’être salé
Les courses alimentaires vont-elles exploser en mars ? En tout cas, elles devraient sacrément augmenter d'ici à l'été.
Les courses alimentaires vont-elles exploser en mars ? En tout cas, elles devraient sacrément augmenter d'ici à l'été. - Allison Dinner/AP/SIPA / SIPA
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • Si l’inflation commence enfin à stagner, les négociations entre les fournisseurs et la grande distribution – qui se terminent – pourraient bien lui donner un nouvel élan.
  • Faut-il dès lors s’inquiéter d’un « mars rouge » ? En réalité, les conséquences de ces négociations risque de déferler au moins jusqu’à juillet, préviennent différents acteurs économiques.
  • Si, pour les courses alimentaires, le verdict semble sans appel, reste à voir si d’autres secteurs permettront de baisser – ou d’empirer – la facture.

Il y a un an, l’invasion russe de l’Ukraine dopait une inflation française déjà galopante. La hausse des prix a connu dans la foulée des niveaux records depuis les années 1980, avant de se stabiliser autour de 6 %. La France guette « le pic d’inflation », comme jadis celui du coronavirus, et voilà que les radars s’alertent autour d’un « mars rouge », qui verrait une nouvelle hausse massive des prix.

La raison de tant de craintes ? Les négociations entre les fournisseurs et la grande distribution, débutées le 1er décembre 2022, et qui se terminent. Dans une interview au Figaro, le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, s’étranglait mi-février devant les prix négociés : « Les industriels demandent des hausses de tarifs délirantes de 20 % alors que les prix des matières premières, des transports et de l’énergie sont désormais significativement à la baisse ». Quelques jours plus tard, dans La Tribune, Michel-Édouard Leclerc, président des centres E.Leclerc, fustigeait des « augmentations énormes » demandés par les industriels.

La conclusion de ces négos, sans grande surprise, « devrait aboutir à une hausse des prix encore plus marquée sur certains produits », confirme Isabelle Senand, directrice des études à la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution. En ligne de mire, les produits de grande consommation – PGC de leurs petits noms –, qui ont déjà augmenté de 13 % sur un an. Certes, on ne peut pas prédire l’avenir, « mais on pourrait avoir une augmentation des prix de 20 % par rapport à début 2021 sur les denrées alimentaires », synthétise Isabelle Senand.

Un deuxième trimestre rouge ?

Vous l’aurez compris, on n’en a pas fini avec l’inflation : « Cela fait des mois qu’on nous promet un pic et qu’il ne vient pas », peste l’économiste Marc Touati. L’expert s’attend à une hausse des prix jusqu’à l’été au minimum. « On parle de mars rouge, mais c’est tout le printemps qui risque d’être marqué par l’inflation », appuie Sylvain Bersinger, économiste chez Astérès. Un constat qui rejoint celui de Michel Edouard-Leclerc, déclarant : « Il n’y aura pas de mars rouge, mais un deuxième trimestre rouge », avec une hausse des prix jusqu’à juillet.

Bonne ou mauvaise nouvelle ? A vous de voir, mais mars ne devrait donc pas être pire qu’avril ou mai. On s’oriente plutôt vers le contraire. « Même si les prix sont renégociés à la hausse, les étiquettes ne vont pas changer au 1er mars. Ce sera un mouvement diffus et progressif, peut-être même plus représentatif en avril qu’en mars », explique Isabelle Senand.



Pas (trop) de panique pour les jours à venir donc, on est plus sur un marathon que sur un sprint. « Dans les prévisions de l’Insee, on ne voit aucune trace d’un quelconque mars rouge », rassure d’ailleurs Sylvain Bersinger. Au niveau des denrées alimentaires, les estimations ne font état que d’une hausse légère : de 13,2 % sur un an en janvier à 13,4 % en mars. Rendez-vous en juin alors ? Le panéliste NielsenIQ table pour sa part sur une augmentation des prix alimentaires de 15 % en juin 2023 par rapport à 2021. Cette hausse entraînerait un surcoût annuel de l’ordre de 800 euros pour les mêmes achats qu’en 2021 pour un ménage avec deux enfants. En 2022, ce surcoût était de « seulement » 280 euros.

Et le reste ?

Voilà, c’est à peu près foutu pour les courses. Mais « si les prix des produits alimentaires augmentent, il ne faut pas oublier qu’ils ne représentent que 15 % de l’inflation globale, cette dernière étant davantage portée par les services et l’énergie », poursuit Sylvain Bersinger. Comment alors vont se comporter les autres postes de dépenses ? Là, les avis divergent. Pour Sylvain Bersinger, « l’inflation autour des services et de l’énergie devrait baisser petit à petit, ce qui soulagera les ménages. » En Europe, la hausse des prix de l’énergie, porteuse de l’inflation l’an passé, marque le pas. Elle a chuté de 34,9 % à 25,7 % entre décembre 2022 et janvier 2023.

Un avis bien trop optimiste dixit Marc Touati, qui se réfère lui à l’inflation sous-jacente [qui concerne les biens et les services hors énergie et denrées alimentaires, jugés trop volatiles]. Or, cette inflation sous-jacente augmente sur un an en France, atteignant 5,6 % en janvier 2023, après 5,3 % en décembre, selon l’Insee. « L’inflation se généralise », s’inquiète l’économiste, pour qui les prochains mois s’annoncent, sans surprise, « très difficile pour les Français ».