Star WarsL’espace, nouveau terrain de jeux des militaires français face aux menaces

La défense de l’espace, nouveau terrain de jeux des militaires français face aux menaces

Star WarsAlors que depuis plusieurs jours, 7.000 soldats réalisent partout en France un exercice militaire de grande envergure, le commandement de l’espace a livré durant quinze jours une bataille spatiale fictive face à des menaces bien réelles
Lors de l'exercice AsterX mené par le Commandement de l'Espace au sein du CNES;
Lors de l'exercice AsterX mené par le Commandement de l'Espace au sein du CNES; - B. Colin / 20 Minutes / 20 Minutes
Béatrice Colin

Béatrice Colin

L'essentiel

  • Du 21 février au 10 mars, le Commandement de l’Espace (CDE) français a mené un exercice de simulation de menaces spatiales, le volet « espace » de l’opération militaire Orion.
  • Un an après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’espace devient de plus en plus « un domaine de conflictualité » selon le patron du CDE, avec des manœuvres de plus en plus inamicales, sans compter les cyberattaques.
  • Pour y faire face, les militaires testent leur capacité à répondre en s’appuyant notamment sur le secteur privé et les innovations de jeunes pousses.

Depuis plusieurs mois, Mersat 5, un satellite lancé en 2020, sommeillait dans l’orbite cimetière, à 36.300 km de la Terre, là où sont envoyés les satellites en fin de vie. Jusqu’à ce qu’il se réveille ces derniers jours et procède aux lâchers de deux nanosatellites qui se sont rapprochés dangereusement de deux satellites militaires français, avec des ambitions pas vraiment pacifiques. Tandis qu’au sol des lasers superpuissants ennemis tentaient de gêner la collecte de données d’autres satellites en les aveuglant et que des actions de brouillage étaient lancées.

De quoi mettre sur les charbons les membres du Commandement de l’Espace face à cette attaque spatiale coordonnée. Ce qui était le but de l’exercice AsterX, une opération fictive destinée à préparer les troupes face aux menaces spatiales, bien réelles. Cette année, il se déroulait dans le cadre de l’opération militaire de grande envergure « Orion », qui a mis en situation sur le sol français plus de 7.000 militaires de toutes les armées.


L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Depuis le Centre spatial de Toulouse, là où les futurs locaux du Commandement de l’Espace sortiront de terre en 2025, les spécialistes militaires de ces questions ont tout fait pour déjouer plus d’une vingtaine d’attaques factices de toutes sortes diligentées par l’Etat, tout aussi fictif, baptisé Mercure.

Préparer des scénarios de riposte

Une des solutions a été de viser le site qui gérait depuis le sol les satellites ennemis ou encore « de faire des manœuvres évasives afin d’être loin de celui qui nous attaque », indique le lieutenant Léa, cheffe de l’évaluation de la menace pour cet événement qui a mobilisé plus de 200 personnes, parmi lesquels des civils, membres du CNES ou encore d’entreprises privées du secteur spatial. Comme la société spécialisée dans la conception de missiles MBDA qui a proposé une solution de lancement réactif qui permet de mettre rapidement des objets en orbite. Ou encore d’autres qui planchent sur les cyberattaques.

« Dans le cadre du conflit ukrainien, le premier coup de feu a eu lieu dans le domaine spatial, une attaque cybernétique, les Russes ont ainsi montré leur volonté d’utiliser l’espace comme un vecteur de leur puissance. Le temps joue contre nous, pas pour savoir si on fera un jour la guerre dans l’espace ou si c’est une zone de conflictualité, plutôt quand car c’est déjà arrivé, nous y sommes. L’espace devient un domaine de conflictualité », assure le général Philippe Adam, le patron du Commandement de l’Espace.



Au cours de la dernière année, ses équipes ont pu constater des comportements anormaux dans cette « zone grise », des menaces de rapprochement faites par les Russes, des actions de brouillage contre le réseau de communication par satellite Starlink. Le Kremlin a lancé à tours de bras ces derniers mois des satellites, principalement militaires, et en orbite basse relevait la note de décembre du centre d’Etudes Stratégiques Aérospatiales (CESA). Sur les onze premiers mois de l’année 2022, treize satellites ont ainsi été lancés, dotés de radars ou encore en capacité de « localiser et identifier de potentielles cibles en mer ». De quoi collecter beaucoup de renseignements.

« À plusieurs reprises depuis 2013, la Russie a déployé des satellites inspecteurs, dont le plus connu est sans doute Louch Olymp. De même, un sous-satellite Kosmos-2543, lui-même « libéré » directement en orbite par le 2542 le 6 décembre 2019, a suivi à plusieurs reprises la trajectoire du satellite d’imagerie américain USA 245 », rappelle le CESA. Et en août dernier, Moscou a placé un nouveau satellite espion, Kosmos-2558, sur la même orbite que celui d’un satellite de l’armée américaine, USA-326.

« Aujourd’hui, on voit bien que l’attention des Chinois est portée sur une compétition avec les Etats-Unis, c’est probablement le cas des Russes aussi, mais le problème c’est que quand les Russes eux font la guerre ils la font en Europe, et ça, ça nous préoccupe plus particulièrement. Aujourd’hui, notre attention est donc plus portée sur ce que fait la Russie car ils peuvent menacer directement nos intérêts », poursuit le général Philippe Adam.

Yoda, un cerbère pour les satellites militaires français

D’autant que cette dernière à un coup d’avance technologique dans le domaine spatial militaire. Elle a en effet le fameux Louch Olymp, le patrouilleur qui est en orbite depuis 2014 et va renifler régulièrement dans le sillage des satellites d’autres pays. En 2017, il s’était même rapproché d’un peu trop près du satellite militaire français Athena-Fidus, spécialisé dans les communications militaires sécurisées.

Pour rattraper son retard, l’Armée française planche sur son propre patrouilleur baptisé Yoda, l’acronyme de « Yeux en Orbite pour un Démonstrateur Agile ». Chargé de jouer les gardes du corps de nos installations en orbite, il devrait être en orbite géostationnaire à l’horizon 2025. Mais ce n’est pas le seul projet dans les cartons du Laboratoire d’innovation spatiale des armées qui planchent sur les meilleurs moyens de débusquer les espions de l’espace ou de faire réagir l’ennemi.

Et pour cela, ses équipes n’hésitent pas à se tourner vers le monde des start-up. Comme la jeune pousse Exotrail. « Nous coopérons avec elle pour simuler des manœuvres satellitaires afin de connaître les délais d’intervention, mais aussi la consommation d’énergie que cela va entraîner pour le satellite, car cette consommation réduit sa durée de vie », indique Colonel Quéant, chef de la division capacités au sein du Commandement de l’Espace. Ou encore des balises issues de la technologie de l’internet des objets qui vont permettre de détecter depuis l’espace où se trouvent les hommes ou encore si un container est ouvert au fin fond de l’Afrique.

Car si la bataille se joue à des centaines de kilomètres au-dessus de nos têtes, elle a des conséquences réelles sur Terre aussi, que ce soit pour les militaires ou les civils. Car si un belligérant avait la mauvaise idée de toucher des satellites du système GPS, un pan de l’économie mondiale s’effondrerait.