ALCOOLAu pays du vin, ces anciens éleveurs de chèvres fabriquent du rhum bio

Montpellier : Au pays du vin, ces anciens éleveurs de chèvres fabriquent du rhum bio

ALCOOLCédric et Nathalie Carpentier ont troqué leur machine à traire contre un alambic
Cédric et Nathalie Carpentier créent leur rhum bio artisanal de A à Z.
Cédric et Nathalie Carpentier créent leur rhum bio artisanal de A à Z. - N. Bonzom / Maxele Presse / Maxele Presse
Nicolas Bonzom

Nicolas Bonzom

L'essentiel

  • A Baillargues, près de Montpellier, Cédric et Nathalie Carpentier, deux anciens éleveurs de chèvres, fabriquent leur propre rhum artisanal bio.
  • En plein Covid-19, les Carpentier ont transformé de fond en comble leur grange et leur atelier, et y ont installé du matériel pour concevoir leur propre alcool.
  • Parmi les breuvages qui composent leur gamme, certains sont totalement inattendus : les Carpentier réalisent une liqueur de rhum au miel, une liqueur de rhum au lait de chèvre (évidemment) ou un rhum infusé au CBD.

«Et voici notre alambic, réalisé sur-mesure pour nous ! » Cédric et Nathalie Carpentier fabriquent, dans leur atelier, du rhum artisanal bio. Nous ne sommes pas dans les Caraïbes, ni en Louisiane, mais à Baillargues (Hérault), aux portes de Montpellier

Au pays du vin, ces deux agronomes ont fait le pari d’ouvrir, dans leur campagne, une distillerie, pour fabriquer leurs propres breuvages. « Le rhum est un alcool qui n’est jamais passé de mode, se réjouit Cédric Carpentier. Les distilleries comme la nôtre, je pense, vont bientôt connaître un essor similaire à celui que les brasseries artisanales ont connu, ces dernières années. Il y a les gros faiseurs, qui ont des produits standardisés, mais si on veut s’aventurer dans des chemins un peu différents, nous sommes là ! »


Nathalie et Cédric Carpentier avaient un élevage de chèvres, avant d'ouvrir leur distillerie.
Nathalie et Cédric Carpentier avaient un élevage de chèvres, avant d'ouvrir leur distillerie. - N. Bonzom / Maxele Presse

« On a remplacé la machine à traire par un alambic ! »

Mais les Carpentier n’ont pas toujours été sur la route du rhum. Il y a encore deux ans, ces deux Héraultais, formés pour travailler dans l’industrie laitière, étaient à la tête… d’un élevage de chèvres. Mais, à deux, leur entreprise, pourtant florissante, n’était plus gérable. Epuisés, prisonniers du rythme infernal que leur imposait leur cheptel, ils ont fini par rendre leurs tabliers. « On n’avait sans doute pas suffisamment envisagé l’ampleur que cette activité représentait, explique Cédric Carpentier. Pour vous donner une idée, la dernière année, on a produit environ 180.000 Pélardons, avec un troupeau qui passait de 100 à 300 chèvres, au moment des naissances… Ça a été une véritable désillusion. »

Mais les fermiers se sont rapidement remis en selle. Alors que le Covid-19 sévissait, et que les périodes de confinement et de couvre-feu se succédaient, ils ont eu la drôle d’idée de se mettre au rhum. « On a remplacé la machine à traire par un alambic ! », se marre Cédric Carpentier, qui, depuis toujours, avait une passion pour la distillerie.



« J’avais l’impression de revivre la Prohibition ! »

En pleine crise sanitaire, les Carpentier ont ainsi transformé de fond en comble leur immense grange et leur atelier, et y ont installé du matériel pour concevoir leur propre alcool. « On a monté le concept pendant le Covid-19, et j’avais l’impression, parfois, de revivre un peu la Prohibition ! Tout était interdit, il fallait avoir des papiers pour circuler ! », se marre le rhumier. Les entrepreneurs font d’ailleurs référence à cette filiation sur leurs bouteilles, et dans la marque qu’ils ont créée, Hidden distillery (« La distillerie cachée »). « Mais je vous assure, nous disposons, nous, de tous les agréments préfectoraux et douaniers nécessaires pour fabriquer du rhum ! », sourit Cédric Carpentier.

Parmi les breuvages qui composent leur gamme, certains sont totalement inattendus : les Carpentier réalisent une liqueur de rhum au miel, une liqueur de rhum au lait de chèvre (évidemment) ou un rhum infusé au CBD. De Perpignan à Marseille, une soixantaine de cavistes et une quinzaine d’établissements de nuit font, pour l’instant, confiance à cette nouvelle distillerie. A la fin du mois, un autre rhum, distribué dans d’étonnantes flasques en inox sous l’appellation Moonshine, sera mis en vente dans les grandes surfaces.


La gamme de Hidden Distillery est composée de certains arômes insolites, comme le lait de chèvre.
La gamme de Hidden Distillery est composée de certains arômes insolites, comme le lait de chèvre. - N. Bonzom / Maxele Presse

« Bien sûr, il faut goûter en permanence ! »

Et ces anciens fermiers font tout, de A à Z. Ou plutôt, de R à M. Ils reçoivent, dans leur exploitation, de la mélasse de canne à sucre bio en provenance de Cuba, plus écologique et équitable qu’ailleurs, et ils la mettent à fermenter, dans des fûts, avec de la levure. Cette mixture est confiée, ensuite, aux colonnes de l’alambic, qui séparent l’eau de l’alcool, avant qu’il ne mature tranquillement, pendant cinq semaines. Le rhum enfin obtenu, le couple est libre, ensuite, de l’aromatiser artisanalement, avec des produits du coin, ou de le placer dans des fûts, pour qu’il vieillisse, pendant, au moins, trois ans.

Tout ça, bien sûr, il a fallu l’apprendre. « Il y a beaucoup de littérature sur le métier, mais surtout, il y a une très belle communauté, les distillateurs sont très ouverts aux échanges, confie Cédric Carpentier. Régulièrement, on se donne des petites astuces. Car tous les jours, il y a de petites difficultés ou de bonnes surprises. Et, oui, bien sûr, il faut goûter, en permanence ! C’est un métier difficile, je sais ! » Et c’est souvent à Nathalie Carpentier qu’incombe cette tâche. L’Héraultaise, dont le goût est particulièrement développé, a participé aux Championnats du monde d’analyse sensorielle, aux Etats-Unis, il y a quelques années. « Elle a un palais hors du commun ! », sourit son conjoint. Pourtant, elle… ne boit pas d’alcool. « Il faut faire abstraction du degré d’alcool, et aller chercher les goûts, le parfum, les odeurs, etc. », confie-t-elle. Et dans cette distillerie, il y en a des tas.