ClimatLe projet Tropicalia avance contre vents et opposants

Pas-de-Calais : Le projet Tropicalia avance contre vents et opposants

ClimatCinq ans après l’annonce de la construction d’une serre tropicale géante dans le Pas-de-Calais, le projet n’est toujours pas sorti de terre. Pour autant, son concepteur persiste, annonçant même avoir récemment acquis le terrain
Vue d'architecte du projet Tropicalia.
Vue d'architecte du projet Tropicalia. - Tropicalia / 20 Minutes
Mikaël Libert

Mikaël Libert

L'essentiel

  • Un ancien vétérinaire a le projet fou de bâtir une serre équatoriale géante, baptisée Tropicalia, dans le Pas-de-Calais.
  • Depuis sa présentation, en 2018, le projet a connu de nombreux aléas, notamment la crise sanitaire, et une farouche opposition.
  • Un collectif d’associations contre Tropicalia dénonce l' « aberration écologique » d’un projet « dépassé ».

Cela fait cinq ans que l’on entend parler du projet Tropicalia, ou l’idée folle d’un homme, le Dr Cédric Guérin, de bâtir une serre tropicale au beau milieu du Pas-de-Calais. A l’époque, déjà, et plus encore aujourd’hui, des associations avaient dénoncé ce qu’elles estimaient être un non-sens écologique. Mais leurs protestations n’ont pas empêché le projet d’avancer, au contraire de la conjoncture qui s’est chargé du boulot. Pourtant, bon an mal an, Tropicalia fait son chemin, même si ce n’est pas aussi rapide que prévu.

C’est quoi déjà Tropicalia ?

En mars 2018, Cédric Guérin, vétérinaire de formation, dévoilait les plans d’un concept qui, il faut bien le dire, avait laissé les observateurs pantois. Il ambitionnait d’élever un gigantesque dôme de 20.000 m2 sur la côte d’Opale, sous lequel il implanterait une faune et une flore tropicale. Autant d’oiseaux, d’insectes, de reptiles et de plantes plus habitués à une chaleur équatoriale qu’aux frimas du Pas-de-Calais. Pour le Dr Guérin, qui a passé une partie de son enfance en Afrique, le but est d’offrir aux visiteurs « une expérience unique et immersive dédiée à la faune et la flore de certaines zones les plus exceptionnelles de notre planète ».

Le but n’était pas non plus d’en faire un gouffre énergétique et financier, même si sur ce dernier point, le budget initial de 50 millions d’euros dépasse désormais les 90 millions. Tropicalia, sur le papier, promet d’être « 100 % autonome en énergie », notamment grâce à la géothermie qui doit permettre de chauffer l’hiver et réfrigérer l’été. Et pour absorber les émissions de CO2 de Tropicalia, la serre sera entourée d’une « zone équatoriale » de 200 hectares.

Pourquoi ce projet fait polémique ?

Ce sont près de 40 associations qui se sont rassemblées au sein d’un collectif sobrement baptisé « Non à Tropicalia ». « C’est un non-sens écologique et financier », assure Martine Minne, présidente d’Attac Flandres et membre du collectif. « Ils parlent de récupérer la chaleur pour chauffer des hôpitaux aux alentours, mais avec le réchauffement climatique, c’est plutôt de refroidir la serre qu’ils auront besoin », insiste-t-elle.



Ce que le collectif déplore avant tout est ailleurs. Alors que le projet doit s’étendre sur environ 10 hectares, « Non à Tropicalia » insiste sur le fait que « l’artificialisation des terres agricoles est l’une des causes principales de la perte de notre biodiversité ». « Le site a pu être déclassé en ZAC, il peut très bien l’être inversement en zone agricole et tout le monde serait content », poursuit Martine Minne. Et elle n’hésite pas à faire le parallèle avec les mégabassines ou l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : « Il ne faut plus développer ce type de projets destructeurs pour le climat. C’est dépassé tout ça », insiste-t-elle.

Tropicalia sortira-t-elle de terre ?

C’est la question à mille euros que nous nous posions déjà en janvier 2022. A l’époque, le Dr Guérin espérait que les travaux pourraient commencer à la fin de l’été 2022 pour une livraison en 2024. Encore une fois, les délais ont été allongés et plus aucune deadline n’a été annoncée dans la récente conférence de presse présentant les avancées du projet. Tout ce que l’on sait, c’est que les travaux, hormis les forages test pour la géothermie, n’ont pas été lancés.

Cédric Guérin souligne néanmoins que le projet est désormais entré dans une « phase concrète », avec notamment la fin des études de faisabilité et l’achat du terrain. Il lui reste à boucler un budget en constante augmentation qui a presque doublé en cinq ans. Alors que l’enveloppe pour les travaux, qui seront réalisés par Eiffage, devait être sécurisée à 63 millions en 2022, elle est passée aujourd’hui à plus de 70 millions. Cela n’entame pas l’enthousiasme du fondateur, lequel se félicite d’avoir traversé « la crise sanitaire et le contexte économique », et réussi à convaincre des investisseurs.