NOCES D’ARC-EN-CIELCe qu’ont changé les couples lesbiens et gays à l’économie du mariage

Mariage pour tous : Ce qu’ont changé les couples lesbiens et gays à l’économie du mariage

NOCES D’ARC-EN-CIELEn 2013, certains professionnels du secteur estimaient que le mariage pour toutes et tous allait « rapporter gros ». Une décennie plus tard, les couples LGBT+ ne représentent en réalité qu’une petite part du gâteau de ce marché très lucratif
Un couple lesbien en robe de mariées lors de la Marche des fiertés de Lyon en 2013. (archives)
Un couple lesbien en robe de mariées lors de la Marche des fiertés de Lyon en 2013. (archives) - FAYOLLE PASCAL/SIPA / SIPA
Elise Martin

Elise Martin

L'essentiel

  • Dix ans après l’ouverture du mariage aux couples lesbiens et gays, 20 Minutes consacre une série d’articles, de vidéos, de podcasts… autour de cet anniversaire. Sous des angles politiques, sociétaux, culturels ou encore économiques.
  • Figurines en haut de la pièce montée, costumes et robes ou encore alliances. Même si l’événement peut sembler similaire, quelques détails ont dû être changés, adaptés ou même oubliés pour célébrer l’union de deux personnes de même genre.
  • En 2013, certains professionnels du mariage prévoyaient alors l’émergence d’un marché « juteux » grâce au vote de la loi. Des prévisions trop ambitieuses ? 20 Minutes a posé la question aux personnes concernées, avec une décennie de recul.

Son adoption dans la loi devait développer « un business juteux » et promettait de « rapporter gros », titrait la presse à l’époque. Wedding planner, bijoutiers et DJs, selon les prévisions, les professionnels du secteur allaient profiter de l’adoption de la loi du mariage pour toutes et tous pour accroître leur affaire. Qu’en est-il dix ans plus tard ? Quelle place occupe les célébrations LGBT+ dans ce marché déjà très lucratif ?

3 % de la totalité des mariages

La réponse se trouve d’abord dans les chiffres. D’après les habitués du domaine, un mariage coûte - en fonction de nombreux critères propres à chacun - entre 15.000 et 40.000 euros. Et 20 % de plus pour les couples homosexuels, qui auraient un budget plus élevé, selon mon-mariage-gay.com, l’équivalent queer de mariages.net. Une hypothèse confirmée par Christelle Cosson, spécialiste des gâteaux de mariage dans la région lyonnaise. « Ce sont souvent des fêtes en plus petit comité. Les moyens consacrés pour d’autres aspects de l’événement sont donc plus importants. »

Exit alors les « toppers » qui paraissent « kitsch » aujourd’hui. « Je m’équipe chaque année d’une dizaine de figurines représentant deux hommes et deux femmes, mais je les utilise rarement. Les futur.es marié.es viennent toujours avec leur propre idée. »

À l’échelle de son business, elle ne constate pas de différence depuis le vote de la loi. Elle développe : « Environ 10 % des commandes sont pour des mariages de même genre. C’est à peu près 4 % des prestations pour les traiteurs du coin d’après ce qu’ils m’ont dit. Donc, effectivement, ça a permis d’avoir une nouvelle demande qui n’existait pas à cause de la législation, mais elle n’a pas permis une explosion du marché en proportion aux autres célébrations. »



Même constat du côté des salons de mariage. En 2013, quelques jours après l’adoption de la loi, le premier « G-day » s’était tenu à Paris, exclusivement à destination des unions entre hommes. Une première… Qui n’a pas eu le succès escompté. « Pas étonnant », pour Philippe Steed, fondateur du plus gros organisateur de salons du mariage, ID organisation.

Spécialiste du domaine depuis quinze ans, il trouve « stigmatisant » de faire des événements à part, ou même d’avoir des stands étiquetés. « Si on met un Rainbow flag - identifié comme le drapeau LGBT+ –, ça envoie un mauvais message et les couples hétérosexuels pensent que le salon n’est pas pour eux, affirme-t-il. Surtout que ces derniers représentent tout de même la grande majorité des visiteurs, même dix ans après la loi. » Selon Mariages.net, sur les 244.000 unions réalisées en 2022, 7.000 étaient de couples de même genre. C’est en moyenne, les mêmes données chaque année depuis une décennie.

Des prestataires spécialisés pour éviter le jugement

L’expert des salons conclut : « Et puis, quand on regarde le mariage en tant que célébration, il n’y a rien qui change. Les prestataires effectuent les mêmes missions. Un DJ doit faire danser les gens, un traiteur doit fournir de la nourriture et un photographe, faire passer des émotions. »

Peut-être. Quoi qu'il en soit, dans la réalité, ce n’est pas toujours le cas. « En 2019, lors d’un mariage entre deux femmes, le DJ a lancé “mais alors quand on est bi, on se marie à trois ?” en pensant faire une blague, se souvient Sophie, encore gênée. C’est typiquement le genre de détails sur lequel les couples LGBT+ ne veulent pas tomber. » Sophie fait partie de la team Sophie wedding planner, spécialisée dans les mariages LGBT « mais pas que ». Dès le lancement de sa société, elle a exposé cette « compétence », elle-même faisant partie du milieu, mais sans « l’idée de se faire de l’argent grâce à ça », souligne-t-elle.

« Quand j’ai lancé ma boîte, on m’a fait une place sur le char de la pride, j’ai eu le droit à un stand à chaque événement,raconte-t-elle. Mon travail et ma notoriété se sont vraiment développés grâce à la communauté. Mais je ne voulais pas m’enfermer en ne m’occupant que de couples gays et lesbiens. Dans le milieu, on prône la liberté de chacun, je n’allais donc pas refuser des clients parce qu’ils étaient hétéros. »


NOTRE DOSSIER SUR LE MARIAGE POUR TOUS

Récompensée chaque année par Mariages.net, l’experte devient vite « la référence » en France, sans « presque aucune concurrence ». « On a environ cent demandes par an et on en fait une vingtaine, lance-t-elle. Parmi cette vingtaine, quatre ou cinq seront LGBT+ quand mes homologues vont en avoir un tous les quatre ans. »

Pour Sophie, se spécialiser n’est pas une question de business, mais de ressentis. « Aujourd’hui, tous les organisateurs prennent des couples homos. Et heureusement ! Mais quand c’est quelqu’un de la communauté qui s’occupe du plus beau jour de votre vie, vous-mêmes LGBT+, c’est plus crédible. On sait. On se soutient. Et puis, vous êtes sûrs qu’il n’y aura pas de jugement. »

67 % de nouveaux officiants de cérémonies laïques

Mais tous les prestataires ne doivent pas être LGBT+ pour faire un mariage d'un couple de même sexe, nuance Sophie. « Et avec la nouvelle demande, certains s’adaptent, poursuit-elle. Depuis quelques années, une boutique de Lyon spécialisée à l’origine, dans les vêtements masculins, a fini par intégrer des tailleurs pour femmes après de nombreuses demandes de clientes pour leur mariage. » Aujourd’hui, mon-mariage-gay.com a référencé 345 partenaires « gay-friendly ».

Finalement, le seul domaine qui a vraiment explosé depuis le vote, c’est celui des cérémonies laïques. Selon Mariages.net, le mariage pour toutes et tous a entraîné « l’essor de la profession d’officiant » avec « 67 % de nouveaux professionnels » enregistré en un an.


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L’impact économique de l’adoption de la loi ne se ressent pas directement au sein du marché du mariage. Mais l’ouverture de ces droits aux couples gays et lesbiennes a tout de même eu, inconsciemment, des conséquences sur la croissance économique française. C’est ce que prouve le rapport Open for business, publié en avril 2020. Plus un pays a des politiques en faveur des droits LGBT+, plus il prospère. Conclusion ? Vive les marié.es !