Pourquoi les hommes tiennent le volant du sport automobile

Sport Formule 1, rallye, endurance… Que ce soit sur la piste ou sur le bitume, on est très loin de la parité

Lisa Debernard
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Sarah Rumeau et Julie Amblard avec leur Opel Corsa Rally4, lors du Rallye Critérium des Cévennes 2022.
Sarah Rumeau et Julie Amblard avec leur Opel Corsa Rally4, lors du Rallye Critérium des Cévennes 2022. — Bastien Roux / DPPI

« Mon père m’a toujours considérée comme une pilote parmi les autres plutôt que comme une femme dans un milieu d’hommes », explique avec assurance Doriane Pin, étoile montante du sport automobile. Une pédagogie qui semble porter ses fruits, puisque à 19 ans, la jeune pilote cumule les réussites. Titre de championne de France de karting, passage par la Ferrari Academy et désormais contrat au sein de l’écurie des Iron Dames, l’athlète enchaîne les courses et est notamment attendue, les 10 et 11 juin, sur la grille de départ des 24H du Mans, qui célèbrent cette année leurs 100 ans. Néanmoins, son parcours reste un épiphénomène dans un sport à dominante masculine.

« Nous ne sommes pas si mal placés »

Avec 12,5 % de femmes licenciées en France, selon la Fédération Française du Sport Automobile (FFSA) et seulement 5 % à l’international, le constat est irréfutable : le volant est aux mains des hommes. Des données que le président de la FFSA, Nicolas Deschaux, nuance : « Nous sommes l’un des seuls sports mixtes avec la voile et l’équitation », rappelle-t-il, avant de poursuivre : Il faut mettre ces chiffres en perspective avec ceux d’autres sports pour se rendre compte que nous ne sommes pas si mal placés. » Il prend notamment en comparaison le foot qui, sur la saison 2021-2022, ne comptabilisait que 9 % de licences féminines, selon la fédération française de football (FFF).

Si le président se veut rassurant, il reconnaît en revanche travailler depuis plusieurs années à la féminisation de la discipline, grâce à des initiatives au sein de la FFSA, comme la création de courses 100 % féminines. Une fausse solution selon Marion Philippe, historienne du sport : « Créer des épreuves féminines dans un sport de tradition mixte ne le rendra pas plus paritaire. A mon sens, c’est une manière de compenser le manque de possibilités offertes aux femmes d’arriver en Formule 1. »

Une éducation à revoir

Pour Doriane Pin qui, dès l’âge de 3 ans, a nourri sa passion aux côtés de son père, c’est avant tout dans l’éducation que les choses se passent pour espérer recruter de nouvelles pilotes. « Il faut arrêter les poupées pour les filles et les voitures pour les garçons », assène-t-elle. Car, pour celle dont les idoles ont toujours été des hommes, il n’est pas question d’attendre d’avoir des rôles modèles pour intéresser les jeunes filles. « Ça ne m’a absolument pas manqué de ne pas avoir de femmes à qui m’identifier », assure la pilote des Iron Dames, toute première écurie 100 % féminine de l’histoire du sport automobile. Avec cette équipe et en partageant sa passion sur les réseaux sociaux, elle espère tout de même mobiliser de nouvelles recrues. « Je reçois énormément de messages de femmes me faisant part de leur admiration et de leur envie de commencer le karting ou ayant déjà sauté le pas », se réjouit-elle.



Un objectif qui semble loin d’être inatteignable, puisque sur les dix dernières années la FFSA enregistre « une hausse de 15 % de licenciées », selon Nicolas Deschaux. Marion Philippe ne partage qu’à moitié cette vision optimiste « car, malgré les évolutions, les stéréotypes comme femme au volant, mort au tournant, ont la dent dure », regrette-t-elle. Un sexisme auquel s’ajoutent des données historiques, telle que l’obtention du droit de conduire (sur les compétitions automobiles) plus tardif pour les femmes, « dont les conséquences se ressentent encore aujourd’hui ».