santéUne IA, nouvel espoir pour les épileptiques résistants aux médicaments

Epilepsie : Une IA, nouvel espoir pour les patients dont les crises résistent aux médicaments

santéDes chercheurs toulousains ont mis au point un algorithme capable de détecter automatiquement chez les épileptiques la zone du cerveau responsable de leurs crises. Un gain temps phénoménal pour certains patients dont la chirurgie est l’ultime recours
L'épilepsie touche environ 1% de la population mondiale.
L'épilepsie touche environ 1% de la population mondiale.  - Illustration / PixaBbay
Hélène Ménal

Hélène Ménal

L'essentiel

  • Plus de 500.000 patients français sont atteints d’épilepsie et pour 30 % d’entre eux les médicaments n’ont pas d’effet pour réguler les crises.
  • Dans certains cas, la seule solution est chirurgicale avec l’ablation de la zone du cerveau responsable de la maladie.
  • La localiser précisément est un travail fastidieux pour les spécialistes. Mais trois chercheurs toulousains ont développé un algorithme capable de la détecter automatiquement et rapidement.

L’épilepsie, affection neurologique contraignante, n’est pas une maladie rare. Elle concerne environ 1 % de la population mondiale et plus de 500.000 patients en France, dont la moitié ont moins de 20 ans. Des neuroleptiques permettent dans la majorité des cas d’atténuer ou de faire cesser les crises. Mais « environ un tiers des patients sont résistants aux médicaments et pour plusieurs dizaines de milliers d’entre eux, l’épilepsie constitue un véritable handicap dans leur vie quotidienne », souligne Ludovic Gardy, ingénieur CNRS au Centre de recherche Cerveau et Cognition (CerCo) de Toulouse, dont les travaux de thèse sont sur le point d’aboutir à la création d’une start-up qui pourrait améliorer le sort de ces malades « pharmacorésistants ».

Pour ces derniers et s’ils répondent à certaines conditions, il existe en dernier recours une solution chirurgicale : l’ablation, directement dans le cerveau, de la zone dite « épileptogène », à l’origine des crises. Mais cette option, qui concerne « près d’un millier de patients par an en France », est laborieuse, très fastidueuse. Car, souvent, pour localiser précisément la zone à opérer, il faut d’abord être hospitalisé « dix à quinze jours » de jours pour l’implantation d’une dizaine d’électrodes intracérébrales – de longs bâtonnets d’une dizaine de centimètres en moyenne – bardées de capteurs pour enregistrer l’activité neuronale. Le spécialiste se retrouve ensuite avec des liasses de courbes d’électroencéphalogramme (EEG) qu’il doit décrypter, compiler pour établir son diagnostic. Une enquête « colossale » et fastidieuse qui peut prendre plusieurs mois. « C’est un peu comme si l’épileptologue devait ingurgiter tous les jours un roman de 500 pages, d’en faire un résumé et, en plus, surligner chaque apparition du mot "maison" », dit Ludovic Gardy.

Une hospitalisation au lieu de deux ?

Le spécialiste peut utiliser comme « boussole » différents biomarqueurs de l’épilepsie. Selon « la littérature actuelle », les plus efficaces sont les « fast ripples », des oscillations physiopathologiques très rapides. Mais elles sont si microscopiques qu’elles sont « strictement invisibles à l’œil nu » sur les courbes.


L'algorithme détecte des oscillations invisibles à l'œil nu sur les électroencéphalogrammes. Illustration.
L'algorithme détecte des oscillations invisibles à l'œil nu sur les électroencéphalogrammes. Illustration. - Nome Visualizzato

Et c’est là qu’intervient l’algorithme mis au point par Ludovic Gardy et ses deux maîtres de thèse Emmanuel Barbeau du CerCo et Christophe Hurter, chercheur en intelligence artificielle à l’Ecole nationale d’aviation civile (Enac).  « Non seulement l’algorithme est capable « de détecter automatiquement les fast ripples mais on l’a enveloppé dans un logiciel qui permet une manipulation classique des données », précise l’ingénieur. Cet « outil » a été testé a posteriori sur les EEG d’une trentaine de patients « implantés ». Il a bien localisé les fast ripples dans les zones déterminées par les spécialistes grâce à leurs biomarqueurs classiques visibles à l’œil nu. Mais en quelques jours au lieu de quelques mois.

D’ici l’été, les trois chercheurs doivent créer la start-up Avrio MedTech, filiale du CNRS, qui améliorera puis commercialisera le logiciel. Pour les épileptiques « implantés », les EEG et l’opération pourraient se faire en un seul et même séjour à l’hôpital alors que le processus peut prendre un an actuellement.