MUSIQUEUne victoire historique pour la Suède à l’Eurovision, mais avec un revers

Eurovision 2023 : Une victoire historique pour la Suède, mais avec un revers côté public

MUSIQUEGrâce à la deuxième victoire de Loreen au concours, la Suède égale le nombre record de victoire de l’Irlande. Mais elle n’est arrivée « que » deuxième du télévote
La Suédoise Loreen a remporté l'Eurovision 2023, le 14 mai à Liverpool, onze ans après sa première victoire au concours avec « Euphoria ».
La Suédoise Loreen a remporté l'Eurovision 2023, le 14 mai à Liverpool, onze ans après sa première victoire au concours avec « Euphoria ». - Martin Meissner/AP / Sipa
Fabien Randanne

Fabien Randanne

L'essentiel

  • Loreen a remporté, dans la nuit du 13 au 14 mai, l’Eurovision 2023, à Liverpool, avec la chanson Tattoo. C’est la septième victoire de la Suède au concours (le record irlandais est égalé) et la deuxième de la chanteuse. Historique.
  • « Ces derniers mois ont été un peu compliqués pour les Suédois. La Suède avait besoin d’une victoire. Et quoi de mieux que l’Eurovision quand on connaît le niveau d’engagement du public suédois », explique à 20 Minutes la journaliste Anne-Françoise Hivert.
  • Cependant, Loreen n’est pas arrivée en tête des votes du public, qui lui a préféré le Finlandais Käärijä.

De notre envoyé spécial à Liverpool (Royaume-Uni)

Si l’on paraphrasait le dicton sportif, on pourrait dire que l’Eurovision est une compétition qui se joue entre une trentaine ou quarantaine de pays et qu’à la fin, c’est toujours la Suède qui gagne. Depuis 2010, elle a remporté le concours trois fois : en 2012, 2015 et donc, 2023.

Loreen, qui s’est imposée dans la nuit de samedi à dimanche avec Tattoo, est d’ailleurs celle qui a brandi le trophée, le micro de cristal, il y a onze ans, pour Euphoria devenu un tube dans toute l’Europe à l’exception de quelques indifférents comme la France ou l’Italie.

La chanteuse de 39 ans est la seule artiste féminine à avoir inscrit son nom deux fois au palmarès. Alors le mot « historique » est celui qui revient le plus dans les colonnes de la presse suédoise ce dimanche. D’autant plus que le pays scandinave entre aussi dans l’histoire en égalant le record de victoires de l’Irlande (sept), prenant une petite longueur d’avance sur la France, le Royaume-Uni, le Luxembourg et les Pays-Bas.

« La Suède avait besoin d’une victoire »

« Les Suédois sont ravis et très fiers de ce qui était comparé depuis quelques semaines au "finnkampen" : la compétition annuelle d’athlétisme entre la Suède et la Finlande, qui se déroule à la fin de l’été. Ici, il ne faisait aucun doute que cela se jouerait entre les deux voisins. Et c’est effectivement ce qui s’est passé », nous décrit Anne-Françoise Hivert, correspondante du Monde pour les pays nordiques.

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La journaliste poursuit : « Ces derniers mois ont été un peu compliqués pour les Suédois qui se voient traditionnellement comme les "grands frères" des Finlandais. Mais c’est la Finlande qui les a entraînés dans le processus d’adhésion à l’Otan, et qui a intégré l’alliance avant eux. La Suède avait besoin d’une victoire. Et quoi de mieux que l’Eurovision quand on connaît le niveau d’engagement du public suédois. »

C’est qu’en Suède, l’Eurovision est une affaire particulièrement sérieuse. Le concours est suivi par des millions de téléspectateurs sur la chaîne SVT, lui offrant l’une des meilleures audiences de l’année. Elle est précédée, en février et mars, du Melodifestivalen, sorte de mini-Eurovision servant de sélection pour le concours. Cette année, la finale a été regardée par 3,4 millions de personnes, pour une part d’audience de 83 %.

Le « savoir faire » suédois

Pour les observateurs de la compétition, c’est la Suède qui a fait prendre, en l’accueillant en 1985, un tournant moderne à l’Eurovision. L’édition 2016, à Stockholm, est considérée, par beaucoup, comme l’une des meilleures, sinon la meilleure, jamais organisée : le savoir-faire local et l’efficacité y était à l’œuvre.

Depuis sa première participation en 1958, le royaume a garni son palmarès de vingt-sept places dans le top 5. Une réussite qui fait des envieux. Il n’est pas rare que certains pays aillent faire leur marché du côté des compositeurs suédois pour concevoir une chanson détenant la formule magique pour engranger un maximum de 12 points. La France a tenté le coup en 2020, avec Mon alliée (The Best in Me), dont la mélodie était signée Thomas G : Son - le même compositeur que les deux chansons gagnantes de Loreen et d’un bon paquet de morceaux du Melodifestivalen - et Peter Boström également derrière Euphoria. Mais la magie n’a pas marché. Les premiers retours sur cette chanson, qui devait être interprétée par Tom Leeb, étaient frileux et l’annulation de l’Eurovision cette année-là en raison de la pandémie de Covid-19 a peut-être évité à la France un sacré camouflet.

Car cette maestria (réelle ou surestimée) a son revers de la médaille. La Suède a marqué de son empreinte la production de l’Eurovision. Notamment à travers Christer Björkman qui a été aux manettes du Melodifestivalen de 2002 à 2021 et chef de la délégation suédoise pendant plusieurs années. Il a poussé à certaines évolutions du règlement et du déroulement de l’Eurovision. Depuis deux ans, le superviseur exécutif, Martin Österdhal, est lui aussi suédois. C’est sous son égide qu’ont été validés certains bouleversements, comme la possibilité de recourir aux chœurs préenregistrés - certaines délégations s’en donnent à coeur joie - ou la disparition des votes des jurys pour les demi-finales de l’Eurovision 2023.

Le public préférait le Finlandais

Cela inspire donc une forme de défiance plus ou moins officieuse. Et, dans l’histoire récente du concours, on remarque que les chansons suédoises ont toujours été mieux reçues par les jurys professionnels que par les téléspectateurs. Un exemple flagrant : en 2018, Benjamin Ingrosso s’est classé deuxième côté jurys avec 253 points mais seulement vingt-troisième au télévote avec 21 points, pour une septième place au palmarès final.

Cette année aussi, Loreen a fini en tête des suffrages des professionnels (340 points) et deuxième au télévote (243), reléguée derrière le Finlandais Käärijä (376 points), clairement le chouchou du public. Il n’y avait qu’à entendre le public de la M & S Arena de Liverpool scander « Cha Cha Cha » (le titre de la chanson finlandaise) avant l’annonce du résultat définitif… Autre statistique parlante : la Suédoise n’est arrivée en tête dans aucun des votes du public alors que 37 top 10 étaient possibles. Son adversaire musical venu d’Helsinki a, lui, récolté 18 fois la meilleure note auprès des téléspectateurs.

Loreen a gagné à la régulière - Käärijä n’ayant obtenu que 150 points des jurys - mais, sur les réseaux sociaux, la théorie du complot n’a pas tardé à apparaître : tout aurait été truqué pour que l’Eurovision 2024 se déroule en Suède, cinquante ans pile après la victoire d’ABBA avec Waterloo dans le même concours. C’est dire l’imagination dont peuvent faire preuve les détracteurs du pays.

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Ironie de l’histoire, la précédente victoire suédoise, celle de Mans Zelmerlöw avec Heroes, en 2015, avait aussi été due aux jurys : le public lui avait préféré le trio italien Il Volo et son opératique Grande Amore. Puis s’était ouverte une parenthèse de victoires à l’Eurovision de chansons prenant leurs distances avec les « suédoiseries » : 1944 de l’Ukrainienne Jamala en 2016, Amar Pelos Dois du Portugais Salvador Sobral en 2017, Zitti e Buoni des Italiens de Maneskin en 2021 ou Stephania du groupe ukrainien Kalush Orchestra l’an passé. Tattoo refermera-t-elle cette parenthèse qui a permis de voir s’imposer des chansons non-anglophones et marquera-t-elle l’entrée de l’Eurovision dans un nouveau cycle de titres plus formatés ? Réponse l’an prochain. En Suède.