préjudiceQui est responsable de l’accident qui a failli tuer un enfant à l’école ?

Ille-et-Vilaine : Qui est responsable de l’accident qui a transpercé la tête d’un enfant lors de la fête de l’école ?

préjudiceUn jeune élève de maternelle avait été grièvement blessé par un fil de fer dépassant d’un grillage alors qu’il jouait dans la cour de son école à Bourg-des-Comptes
Un enfant de 5 ans s'était grièvement blessé lors de la fête de l'école publique Les Rondines de Bourg-des-Comptes en juin 2013.
Un enfant de 5 ans s'était grièvement blessé lors de la fête de l'école publique Les Rondines de Bourg-des-Comptes en juin 2013. - Google Maps / Google Maps
Camille Allain

Camille Allain

L'essentiel

  • A Bourg-des-Comptes, près de Rennes, un enfant de 5 ans avait été grièvement blessé par une tige métallique dépassant de la clôture de la cour d’école.
  • La famille de Lucas réclame aujourd’hui réparation à la justice, qui jugera deux élus dix ans après les faits.
  • Plusieurs accidents impliquant cette même clôture avaient été signalés à la municipalité pendant l’année.

Edit du 24/05/2023. L'ancienne adjointe à la jeunesse a été condamnée à six mois de prison avec sursis pour « faute aggravée ». Quant à l'ancien premier adjoint, aujourd'hui devenu maire, il a été relaxé. Vous pouvez retrouver notre compte-rendu d'audience ici.

Jour de fête. Jour de drame. Le 22 juin 2013, la tranquille école des Rondines avait été le théâtre d’un atroce accident. Alors que l’école publique de Bourg-des-Comptes (Ille-et-Vilaine) accueillait sa traditionnelle fête de fin d’année, un enfant âgé de 5 ans qui était scolarisé dans l’établissement avait été grièvement blessé. En passant derrière un stand installé pour la fête, Lucas avait été la victime d’un horrible accident. Alors qu’il courrait avec ses copains, l’enfant avait heurté une tige métallique qui dépassait du grillage. Le morceau de métal de 40 cm de long était entré par son orbite et lui avait transpercé la tête et le cerveau, laissant le jeune enfant inanimé au sol. Alertée, sa mère l’avait retrouvé inconscient, ne sachant pas si son enfant allait survivre. Pris en charge par les secours, l’élève de maternelle avait frôlé la mort mais a survécu. Défectueux, le grillage avait fait l’objet de nombreuses alertes auprès de la municipalité, qui a été reconnue coupable de négligences. Dix ans après le drame, deux élus de la commune, dont l’actuel maire, s’apprêtent à comparaître devant le tribunal correctionnel de Rennes.

Dans cette affaire, le tribunal administratif a déjà rendu ses conclusions. « La responsabilité de la commune de Bourg-des-Comptes est engagée à raison de l’accident survenu le 22 juin 2013 », avait estimé la juridiction, saisie par la famille pour obtenir une réparation financière. Le montant de l’indemnisation de la victime ne sera connu que quand une expertise complète aura établi les séquelles subies par celui qui est désormais adolescent. D’après son entourage, le garçon souffre toujours de multiples difficultés : « troubles du comportement, troubles du langage, signes de rigidité cognitive et un niveau scolaire en dessous de son âge », selon les experts. « Il a souffert d’un grave traumatisme crânien et de lésions cérébrales qui ont entraîné des troubles cognitifs sévères. Lucas a été très suivi, il a subi plusieurs hospitalisations, c’était très handicapant. Aujourd’hui, il va mieux, mais il souffre toujours de troubles cognitifs », témoigne Me Fabienne Michelet, qui a assisté la famille lors de la procédure devant le tribunal administratif.

Déjà plusieurs accidents signalés la même année

Ce mardi, l'avocate rennaise demandera la condamnation des deux élus. « Il y a de la colère chez nos clients parce que la situation était connue. Un enfant s’était blessé là quatre jours plus tôt et la directrice avait écrit à la municipalité pour l’alerter du danger ». Rien n’avait été fait et la fête de l’école s’était tenue normalement, jusqu’à ce que le drame ne vienne assommer les parents d’élèves. L’enquête a révélé que « sept à huit » alertes avaient été lancées par la directrice au cours de l’année scolaire concernant cette même clôture. Inaugurée quatre ans plus tôt, l’école avait vu sa clôture se détériorer rapidement, faisant ressortir des tiges de fer métalliques fixées à l’horizontale. A chaque alerte, les services techniques étaient intervenus pour couper les tiges. Un sparadrap qui a contribué « à attiser le danger », selon la justice.



C’est pour cette raison que deux élus avaient été mis en examen pour blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence. En l’absence du maire, en vacances au moment des faits, c’est son premier adjoint et l’élue en charge de la jeunesse qui avaient été désignés comme potentiellement responsables, ce qui fait bondir leur avocat. « Le responsable de cet accident, on le connaît déjà. C’est la commune ! Nous pourrons toujours discuter de savoir si ce drame aurait pu être évité mais on ne va pas rejeter la faute sur untel ou untel. Mes clients sont très compatissants avec la famille de l’enfant. Ils ont été propulsés sur le devant de la scène pénale. Mais est-ce que ce sont les bonnes personnes qui seront jugées ? On pourrait aussi se demander s’il fallait maintenir une fête dans un lieu jugé dangereux. Les questions ne sont pas là », tacle Me Frédéric Birrien.

« Tout le monde savait mais personne n’a rien fait »

L’avocat demandera la relaxe du maire Christian Leprêtre, élu en 2014 à la tête de la commune et de l’ancienne adjointe à la jeunesse. Un choix que conteste évidemment l’avocate de l’enfant, qui entend obtenir la condamnation des deux prévenus. « Tout le monde savait mais personne n’a rien fait. A cet âge, les enfants n’ont aucune conscience du danger. Tout ça était évitable. La directrice avait fait une lettre qui alertait clairement du danger mais rien n’a bougé. C’est la responsabilité des élus qui est engagée », estime Me Michelet. L’audience se tiendra ce mardi devant le tribunal correctionnel de Rennes.