TIC TAC« Un défaut sur la dette américaine secouerait la planète financière »

Dette américaine : Pourquoi la date exacte et les conséquences d’un défaut sont difficiles à prévoir

TIC TACSi Joe Biden et les républicains ne parviennent pas à trouver un accord pour relever le plafond de la dette, l’Etat américain va vite se retrouver à court d’argent et devoir faire des choix impossibles entre ses factures
Le Speaker de la Chambre, Kevin McCarthy, négocie avec Joe Biden pour tenter de trouver un compromis pour relever le plafond de la dette américaine.
Le Speaker de la Chambre, Kevin McCarthy, négocie avec Joe Biden pour tenter de trouver un compromis pour relever le plafond de la dette américaine. - J. Scott Applewhite/AP/SIPA / SIPA
Philippe Berry

Philippe Berry

L'essentiel

  • Une course contre la montre est engagée au Congrès américain pour relever le plafond de la dette et éviter un défaut de paiement.
  • La patronne du Trésor, Janet Yellen, a averti que la date fatidique pourrait arriver dès le 1er juin.
  • Si les négociations échouent, les Etats-Unis devront sans doute donner la priorité au remboursement de leur dette et couper toutes les autres dépenses.

De notre correspondant aux Etats-Unis,

L’Amérique joue une nouvelle fois à se faire peur. Alors que les tractations continuent entre Joe Biden et le Speaker de la Chambre Kevin McCarthy pour relever le plafond de la dette et éviter un défaut de paiement historique, plusieurs républicains ont mis en doute l’échéance du 1er juin avancée par la patronne du Trésor, Janet Yellen.

Prévoir avec exactitude ce qu’on appelle dans le jargon la « X-date », le jour où l’Etat américain ne sera plus en mesure d’honorer toutes ses factures, est une science complexe. En pratique, « il y a sans doute assez de recettes entrantes pour payer le principal et les intérêts sur la dette à condition que (le Trésor) en fasse sa priorité », estime David Wessel, directeur du centre Hutchins sur la politique monétaire et fiscale à la Brookings Institution. Mais les Américains les plus précaires risqueraient d’en faire les frais.

C’est quoi, la « date X » ?

Lundi, la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, a écrit à Kevin McCarthy pour répéter qu’en l’absence d’un accord au Congrès, l’Etat « ne sera plus en mesure d’honorer toutes les obligations du gouvernement début juin, potentiellement dès le 1er juin ». Cette échéance redoutée est connue sous le nom de la « date X ».

Il s’agit d’une estimation complexe. Dans un premier temps, l’horizon semblait fixé à la fin de l’été. Mais plusieurs Etats, dont la Californie, la Géorgie et l’Alabama, ont accordé une extension de six mois aux contribuables impactés par les catastrophes climatiques pour payer leurs impôts. Les recettes fiscales sont donc moins importantes que prévu.

1er ou 8 juin, début août… La date fait débat

Si Janet Yellen a marqué le 1er juin dans le calendrier, la banque Golden Sachs estime, elle, qu’un défaut n’aurait sans doute pas lieu avant le 8 ou le 9 juin. D’autres comme le Bipartisan Policy Center, tablent sur une période allant de début juin à début août. Techniquement, le plafond d’endettement de 31.400 milliards de dollars a été atteint en janvier dernier. Depuis, le Trésor multiple les « mesures extraordinaires » d’économies pour éviter la catastrophe.

Avec moins de 100 milliards de dollars restants dans les caisses, l’heure presse. L’Etat a de grosses factures qui arrivent le 1er juin, avec 101 milliards de dépenses sociales (dont la moitié pour Medicare, l’assurance santé publique des seniors). L’heure de vérité sur la dette sera le 15 juin, avec le paiement prévu de 2 milliards de dollars d’intérêts. Si un défaut est évité d’ici là, des recettes fiscales trimestrielles pourraient donner de l’oxygène au Trésor jusqu’à août.

L’heure des priorités

Salaires et retraites des fonctionnaires et des militaires, santé des seniors et des plus pauvres, prestations sociales liées à l’enfance, remboursement de la dette (principal et intérêts)… Tout manquement à une obligation de l’Etat américain constituerait un défaut de paiement historique et une plongée vers l’inconnu.

« Est-ce que cela serait catastrophique ? La vérité, c’est que personne ne le sait vraiment, car cela ne s’est jamais produit », admet David Wessel. Selon un plan ébauché en 2011, il est probable que le Trésor choisirait de donner la priorité à ses obligations sur la dette, afin d’éviter un défaut souverain. Les autres paiements risqueraient d’être suspendus, pénalisant les dizaines de millions d’Américains qui en bénéficient.

Quelles conséquences un défaut souverain pourrait-il avoir ?

Perte de confiance dans le dollar et dans les bons du Trésor, hausse des taux d’intérêt pour les ménages, plongeon de Wall Street, récession globale… « Un défaut sur la dette du Trésor, l’actif le plus sûr du monde, secouerait la planète financière », spécule Wessel. Le coût, difficile à estimer, est jugé tellement important que le consensus table toujours sur un accord de dernière minute, ou sur un défaut éclair.

« S’il ne durait qu’un jour ou deux, ça serait grave mais pas catastrophique. Mais si l’impasse durait plusieurs jours ou des semaines, cela endommagerait gravement l’économie », assure l’expert. Avec des conséquences bien plus vastes, selon lui : « Cela remettrait en question la capacité de notre démocratie à fonctionner, et éroderait un peu plus une confiance dans le gouvernement déjà au plus bas. »