mauvaise ambianceUn bar queer parisien se sent « visé » après sa fermeture par la police

« On a été ultrachoquées », raconte la gérante d’un bar queer après sa fermeture

mauvaise ambianceUne vingtaine de policiers et agents sont intervenus mercredi soir au Bonjour Madame et ont ordonné la fermeture immédiate pour une erreur sur la licence IV
La devanture du bar Bonjour Madame à Paris.
La devanture du bar Bonjour Madame à Paris. - Nelson Gedalof / Bonjour Madame
Cécile De Sèze

Cécile De Sèze

Il était environ 20 heures quand une vingtaine de policiers sont entrés au Bonjour Madame mercredi soir. Le bar parisien situé rue de Montreuil dans le 11e arrondissement est bien connu de la communauté LGBT+. Se revendiquant comme « culturel et militant », il est aussi un lieu où les personnes queer se sentent en sécurité. C’est pourquoi, quand la police a débarqué, armée et en nombre, mercredi soir, l’ambiance s’est figée.

« Je me suis retrouvée dans un film, une espèce de western », raconte à 20 Minutes Morgann qui a filmé la scène. C’était la première fois que la trentenaire se rendait au Bonjour Madame. Elle prenait un verre dans le cadre d’un rendez-vous professionnel mais la discussion a tourné court à la vue des forces de l’ordre, « certains avec des brassards Douane, d’autres en blouses blanches » qui « ont occupé les toilettes, le bar. Ils prenaient toute la place. »

Un défaut sur la licence IV

La police s’est rendue au Bonjour Madame dans le cadre d’une opération « CODAF », pour comités opérationnels départementaux antifraude, explique la préfecture à 20 Minutes. Des services des douanes, de la direction des transports et de la protection du public de la préfecture de police de Paris et de l’Urssaf étaient présents. « Les contrôles, ça arrive, mais tous les contrôles en même temps c’est assez étonnant », réagit auprès de 20 Minutes Hélène, l’une des gérantes de l’établissement. C’est la première fois depuis l’ouverture du lieu il y a quatre ans qu’il fait l’objet d’une telle intervention.

Après une vingtaine de minutes, les policiers ont relevé plusieurs infractions. « Défaut de licence IV, et consommation d’alcool sur la voie publique malgré un arrêté préfectoral l’interdisant », précise la préfecture. « La licence [qui autorise à vendre de l’alcool] est toujours au nom de l’ancien gérant et il faudrait le nom d’une de nous trois en plus de celui de la société », explique Hélène. Résultat, le bar est fermé immédiatement. Les clients sont priés de partir dans les trente prochaines minutes et des menaces de garde à vue sont proférées à l’encontre d’Hélène et ses collègues.

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« La police nous avait à l’œil »

Un sentiment de colère et d’injustice s’est emparé des clients du bar. Le manque d’explications, le silence des policiers, et la rapidité avec laquelle l’établissement a été fermé paraissent « arbitraires », pour Morgann. Elle note le décalage entre un tel contrôle et la présence d’une vingtaine d’agents en gilets par balles et armés. « C’était assez anxiogène de voir des hommes armés occuper un bar qui est à l’origine bienveillant », se désole Morgann. « Les gérantes étaient secouées, elles avaient les larmes aux yeux », se souvient la cliente. « On a été ultrachoquées, c’était très intimidant et ça se voulait comme ça », confirme Hélène. Le bar restera fermé pour trois semaines environ, le temps de remettre les papiers en règle.

Au-delà des problèmes financier qu'entraîne cette fermeture, il y a toute une symbolique. Morgann interprète cette intervention comme de « l’intimidation ». Pour elle, ce n’est pas un hasard si c’est ce bar qui a été visé par l’opération « CODAF. » En effet, fin mars, en marge d’une manifestation contre la réforme des retraites, une interpellation sur la terrasse du bar avait déjà été largement remarquée et racontée ici par 20 Minutes. La gérante de l’établissement parisien a aussi du mal à ne pas se sentir ciblée. Elle raconte que depuis plusieurs semaines, « la police tourne autour du bar. » Il y a une semaine, trois policiers sont venus lui « remonter les bretelles » car des clients attendaient leur taxi à l’intérieur après l’horaire de fermeture autorisée. « Il était 2h10 alors que je dois fermer à 2 heures », précise-t-elle. Samedi, c’est une amende pour un dépassement de périmètre de la terrasse qui lui a été infligée. « On dirait que la police nous a à l’œil », résume-t-elle. Sollicitée sur la question, la préfecture de police de Paris n’a pas répondu.

« C’est toute une communauté qui se sent visée »

Pourquoi viser ce bar en particulier ? « On est un espace militant avec des valeurs progressistes », avance Hélène qui précise bien qu’elle n’a « aucune preuve » de la motivation de ces différents contrôles. Toutefois, « c’est difficile de ne pas faire le lien, de ne pas y penser, de toute la rue on est les seules à avoir été contrôlées », souligne-t-elle. De plus, « ce n’est pas anodin à une semaine du mois des fiertés, j’ai du mal à y voir un simple contrôle de routine », insiste Morgann. Et même s’il s’avère que ce n’est pas un acharnement dû au militantisme du bar queer, « le fait qu’on puisse se poser la question, c’est déjà un gros problème », fait remarquer Hélène.

Ce n’est pas seulement le bar et ses trois gérantes qui souffrent de cette fermeture. C’est toute une clientèle, des habitués, des « amis », « ces personnes qui le fréquentent », mais surtout, « c’est tout une communauté qui se sent visée. » Preuve d’une large solidarité, plusieurs internautes ont proposé de participer à une cagnotte, qui sera donc lancée pour traverser ces trois semaines compliquées.