FAKE OFFUn usage disproportionné de la force lors de l’AG de TotalEnergies ?

AG de TotalEnergies : Y a-t-il eu un usage disproportionné de la force ?

FAKE OFFLes images ont suscité de l’indignation sur les réseaux sociaux : des militants écologistes sont dispersés après qu’une grenade lacrymogène a été lancée au milieu d’un groupe assis et pacifique
Manifestation de militants écologistes à l'entrée de l'assemblée générale de TotalEnergies, le 26 mai 2023 à Paris
Manifestation de militants écologistes à l'entrée de l'assemblée générale de TotalEnergies, le 26 mai 2023 à Paris - AFP / AFP
Emilie Jehanno

Emilie Jehanno

L'essentiel

  • Des militants écologistes ont mené ce vendredi 26 mai une action pour bloquer l’AG des actionnaires de la major pétrolière et gazière TotalEnergies.
  • « Une grenade lacrymogène a été déposée au milieu de manifestants assis, menottés et non violents », explique sur Twitter le journaliste freelance Clément Lanot.
  • Pour la préfecture de police de Paris, il n’y a pas eu d’usage disproportionné de la force, ce que contestent militants et l’avocat des affaires de violences policières, Arié Alimi.

Sous un épais nuage de gaz lacrymogène, des manifestants se lèvent et quittent un bout de rue, à Paris. La séquence est devenue très rapidement virale ce vendredi 26 mai, partagée plus de 3.500 fois. Lors de l’action de blocage de l’AG des actionnaires de TotalEnergies, menée par des militants écologistes, « une grenade lacrymogène a été déposée au milieu de manifestants assis, menottés et non violents », explique sur Twitter le journaliste freelance Clément Lanot, présent sur place et qui a l’habitude de suivre les manifestations.

Les images qu’il a filmées ont suscité de l’indignation et des questions sur la proportionnalité de la réponse des forces de l’ordre. Dans un communiqué, les Amis de la Terre ont dénoncé un dispositif policier « massif » une « violence particulièrement forte dès les premières minutes », avec gazage à bout portant, grenades lacrymogènes lancées dans la foule assise, vêtements brûlés aux grenades, matraquage arbitraire, interpellations, brutalisation des activistes et journalistes.


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Pour la préfecture de police de Paris, il n’y a pas eu d’usage disproportionné de la force dans la séquence filmée par Clément Lanot. Elle explique que plusieurs personnes ont tenté de pénétrer sur un chantier dans un commerce, que des sommations ont été faites, mais qu’elles sont restées « infructueuses ». « Les moyens lacrymogènes ont été employés pour disperser les individus et éviter que des infractions de dégradations ou d’intrusions soient perpétrées », complète la préfecture de police.

« Ils ont jeté une grenade lacrymo au milieu des gens »

Un déroulé qui ne correspond pas tout à fait à ce qu’a vu Clément Lanot. « Les militants n’étaient pas dans le chantier, ils étaient assis et calmes, attachés entre eux », raconte-t-il. Une personne a grimpé sur un conteneur de chantier, rapportent Clément Lanot et Quentin G., un militant écologiste qui a participé à l’action de blocage, rejoint ensuite par une autre, sans intention de dégrader. Plusieurs membres des forces de l’ordre ont tenté de l’extraire, de le menotter : « Leur supérieur a dit non, on le laisse et il a été libéré », relate Quentin G.



C’est alors qu’a lieu l’épisode de la grenade lacrymogène. Après trois sommations, « ils ont tous mis leur masque, ils ont jeté une grenade lacrymo au milieu des gens qui étaient assis », poursuit le militant. Clément Lanot indique aussi que la grenade a été « mise dans la foule » et n’a pas visé la personne sur le conteneur. Les activistes se lèvent, sont poussés « et matraqués », précise Quentin G., pour être évacués. Une autre vidéo que nous a envoyée un militant d’Alternatiba Paris, filmée peu avant les sommations, confirme ce déroulé.

« Ça me paraît un usage parfaitement disproportionné qui vise des militants pacifiques dans des conditions qui me paraissent inadmissibles au vu de la vidéo [de Clément Lanot], s’indigne aussi Patrick Baudouin, président de la Ligue des droits de l’Homme. C’est un usage de gaz lacrymogènes à des fins purement dissuasives », estime-t-il, rappelant que ces derniers peuvent être utilisés pour écarter et dissuader lorsque les forces de l’ordre se sentent menacés ou qu’il y a des risques d’atteinte aux biens et aux personnes.

« L’argumentaire de la préfecture, c’est du grand n’importe quoi »

« Le militant est resté sur le conteneur jusqu’en fin de matinée, il est descendu de son propre chef et est sorti du chantier sans jamais rien dégrader et il a ensuite été privé de sa liberté au moment où il est descendu », ajoute Quentin G. Pour Arié Alimi, avocat au barreau de Paris, familier des affaires de violences policières, « l’argumentaire de la préfecture, c’est du grand n’importe quoi, s’insurge-t-il. La proportionnalité ne peut s’apprécier qu’au moment où on pose la grenade et à l’endroit où on la pose, et en raison de l’objectif poursuivi. Là, concrètement, ils mettent la grenade au milieu du groupe pour le disperser, les autres raisons avancées n’ont aucun lien avec la grenade. »

Dans le schéma de maintien de l’ordre du ministère de l’Intérieur, le caractère nécessaire, gradué et proportionné de l’usage de la force doit être apprécié. Et c’est sur la proportionnalité qu’Arié Alimi estime qu’il y a « un vrai sujet ». En prenant en compte le caractère pacifique de l’attroupement, « il me semble qu’il y avait d’autres moyens de faire et notamment l’extraction manuelle », ajoutant que les forces de l’ordre « ont voulu faire une économie de moyens ». Quentin G. indique que quelques personnes ont été extraites manuellement pour « ceux qui avaient mis une combinaison et de la mélasse pour symboliser l’argent sale de Total, mais ils n’ont à aucun moment tenté d’utiliser la manière douce pour le reste du groupe ».

Pour Arié Alimi, cela crée en soi une violence et un trouble à l’ordre public. Il estime que si une plainte était déposée, un juge pourrait dire que « ce n’est pas un fait justificatif puisque l’obligation de proportionnalité n’a pas été respectée ».