STRATegieMélenchon, ou l’art du conflit sur Twitter

LFI : Jean-Luc Mélenchon, ou l'art du conflit sur Twitter

STRATegiePlus discret dans les médias, le chef de file insoumis multiplie les tweets polémiques ces derniers mois
Jean-Luc Mélenchon, illustration.
Jean-Luc Mélenchon, illustration. - J.E.E/SIPA / SIPA
Thibaut Le Gal

Thibaut Le Gal

L'essentiel

  • Jean-Luc Mélenchon se montre plus discret depuis son (relatif) retrait de la vie politique française, il y a environ un an.
  • Le leader insoumis utilise régulièrement Twitter pour distiller sa parole et rester au centre du jeu politique.
  • Et sur le réseau social, l’ancien candidat à la présidentielle n’hésite pas à « conflictualiser » les sujets politiques, provoquant souvent des controverses.

Des gazouillis qui dézinguent. Jean-Luc Mélenchon a répliqué mardi aux attaques de l’exécutif et du RN, lesquels l’accusaient - à tort - de n’avoir pas eu de mot de « compassion » pour les policiers décédés dans un accident de la route, dimanche dernier, à Roubaix. « Le mensonge du gouvernement et de l’extrême droite à mon sujet à propos des policiers morts dans le Nord est odieux. Ces gens ont perdu tout sens humain ». Pas étonnant de voir cette riposte publiée sur Twitter. Moins présent dans les médias depuis son « retrait » de la vie politique, il y a environ un an, le tribun insoumis utilise en effet très régulièrement ce réseau social pour distiller sa parole et rester au centre du jeu politique. Non sans multiplier les controverses.

« Il passe pour le méchant, mais les gens s’interrogent »

Ce fut le cas en juin dernier : Jean-Luc Mélenchon assure alors que « la police tue », dans un tweet qui suscite aussitôt la polémique, et le malaise au sein même de son camp. C’est par Twitter, aussi, que l’ancien député de Marseille soutient en septembre son poulain Adrien Quatennens, accusé de violences conjugales. « Je pèse mes mots tout le temps », se défendra l’ancien candidat à la présidentielle, après des remous internes. En octobre, un nouveau tweet comparant la « marche contre la vie chère » organisée par LFI à un épisode de la Révolution française enflamme de nouveau la classe politique. Plus récemment, son message de « soutien » au « chocolatier Trogneux » fait l’objet de multiples critiques à droite et dans la majorité.


Capture d'écran du compte Twitter de Jean-Luc Mélenchon.
Capture d'écran du compte Twitter de Jean-Luc Mélenchon.  - Twitter

Capture d'écran du compte Twitter de Jean-Luc Mélenchon.
Capture d'écran du compte Twitter de Jean-Luc Mélenchon.  - Twitter

Sur son compte Twitter, authentifié par le fameux badge bleu, une mention précise depuis plus de dix ans : « JLM ne tweete pas en personne ». Mais c’est bien l’ancien candidat LFI à la présidentielle qui rédige le contenu des saillies envoyées en son nom sur le réseau. « Le compte est alimenté avec des reprises de ses interviews, d’extraits vidéo..., indique Antoine Léaument, ex-responsable de la communication numérique de Jean-Luc Mélenchon, aujourd’hui député de l’Essonne. Mais parfois, il a envie de dire un truc spontané, qui n’est pas rattaché à une prise de parole. Il ne publie pas lui-même, mais envoie sur une petite boucle interne le message à publier. Ne serait-ce que pour vérifier une info, un chiffre, parfois demander ce qu’on en pense ».

Ce style acéré des messages de l’ancien élu de Marseille n’est pas nouveau. En 2013, déjà, il n’hésite pas à comparer le président François Hollande à un « dindon » sur Twitter, ou à écrire que « Margaret Tchatcher va découvrir en enfer ce qu’elle a fait aux mineurs », le jour-même de son décès. « Ce genre de tweets provocateurs, ça crée une forme de questionnement. Il passe pour le grand méchant quand il tweete comme ça. Mais derrière, les gens s’interrogent. '' Pourquoi il dit ça ?'' Ca choque, ça interpelle, ça fait réfléchir », défend Antoine Léaument.

« Il a la même stratégie Twitter que Trump »

Jean-Luc Mélenchon n’a jamais caché sa volonté de « tout conflictualiser » pour éveiller les esprits. Une stratégie théorisée et défendue à multiples reprises, comme en 2013 dans une note sur son blog :

« « La conflictualisation que nous voulons provoquer pour créer de la conscience, le parlé ''cru et dru'' qui en est le moyen ordinaire, s’ancrent dans le choc intérieur que reçoit celui qui voit son préjugé percuté de plein fouet. Travail quotidien. La clarté des objectifs, le parlé clair, débarrassent le message des ambiguïtés déprimantes qui le diluerait et le viderait de sa charge détonante. Ici la forme et le fond sont une seule et même réalité, un seul message ». »

Une stratégie du conflit qui trouve parfaitement sa place sur Twitter, réseau social de polémiques et d’affrontements par excellence. « En décidant de ne pas être candidat aux législatives, Mélenchon s’est positionné à distance du débat politique. Il reste le patron incontesté de LFI, mais a perdu un peu d’influence au quotidien, avance Philippe Moreau-Chevrolet, professeur de communication politique à Sciences-Po et président de MCBG Conseil. En se faisant plus rare, sa parole a plus d’impact et crée l’événement instantanément. C’est une stratégie à la Trump, qui utilisait Twitter comme un sniper pour désigner des amis, des ennemis, polémiquer, exister. Et être au centre du jeu. », ajoute-t-il.


Capture d'écran du compte Twitter de Jean-Luc Mélenchon.
Capture d'écran du compte Twitter de Jean-Luc Mélenchon.  - Twitter

Preuve s’il en faut de l’influence dont jouit encore l’ex-sénateur socialiste, le 16 février dernier, en plein débat sur la réforme des retraites, l’Assemblée nationale s’est écharpée sur… un tweet de Jean-Luc Mélenchon, qui critiquait le choix de certains élus Nupes de ne plus vouloir faire d’obstruction parlementaire.


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« C’était un coup de pouce pour desserrer l’étau sur les députés LFI, alors qu’il y avait une pression énorme pour débattre de l’article 7 [sur les 64 ans]. Il pourrait rester à distance, mais il a décidé de faire pour nous le paratonnerre, de prendre sur lui la charge médiatico-politique », explique Antoine Léaument. « On est parfois surpris. Il fait un tweet qui est repris sur les chaînes d’info et en dix minutes, les macronistes nous en parlent dans l’Hémicycle », s’amuse l’élu. Dans la majorité, on s’agace de cette stratégie. « Sa seule occupation, c’est de s’asseoir dans un fauteuil et tweeter. Mais Mélenchon abîme nos institutions quand il attaque la ''mauvaise république'' ou la police », souffle Prisca Thevenot, députée des Hauts-de-Seine et porte-parole Renaissance.

« Il commande ses troupes via Twitter et on se demande parfois si les députés LFI ne regardent pas son profil avant de voter », grince Erwan Balanant, député MoDem du Finistère. « Il a la même stratégie Twitter que Trump. Tenir des propos choquants et clivants pour faire le buzz et exister », ajoute-t-il. Si le style de l’insoumis est souvent cinglant, ses adversaires ne prennent généralement pas plus de gants pour attaquer leur adversaire. En 2017, Jean-Luc Mélenchon avait d’ailleurs surpris son monde, en assurant, dans un entretien à Marianne, qu’il faisait une petite pause sur Twitter. La raison ? « J’ai décidé de ne plus regarder le fil Twitter. C’est devenu trop violent pour moi. Toutes ces choses me touchent trop durement ». Il s'en est visiblement remis depuis.