socialComment trouver des logements pour les saisonniers ?

Emploi : Comment trouver des logements pour les saisonniers ? Patrons et gouvernement planchent sur la question

socialOlivier Dussopt, ministre du Travail et Olivia Grégoire, ministre chargée du Tourisme, présenteront un plan dédié aux saisonniers mercredi
Parfois, on renonce à un job l'été faute de logement.
Parfois, on renonce à un job l'été faute de logement.  - Canva / Canva
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • En 2022, près de 70.000 postes de saisonniers n’ont pas pu être pourvus, faute de candidats. Notamment parce que certains candidats ont dû renoncer à un job en raison de leur difficulté à se loger.
  • Olivier Dussopt, ministre du Travail et d’Olivia Grégoire, ministre chargée du Tourisme, vont présenter ce mercredi un plan pour les trois années à venir, afin de permettre une plus grande facilité de recrutement et de fidélisation des salariés saisonniers.
  • Le gouvernement a dans sa besace plusieurs mesures pour développer ou réserver des appartements aux saisonniers.

«Pas de toit, pas d’emploi ». Cette phrase que répète Laurent Barthelemy, le président de la branche saisonniers de l’Umih (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie) fait écho à une réalité : avant chaque été, des Français renoncent à un job saisonnier, faute de logement. « En 2022, les recrutements de saisonniers ont baissé de 30 % et ce, parce que sur 150.000 postes proposés, seuls la moitié a été pourvue », explique l’entourage d’Olivier Dussopt, ministre du Travail et d’Olivia Grégoire, ministre chargée du Tourisme.

Une situation qui n’est certes pas due qu’au manque de logements, mais qui est aggravée par ce problème. Elle a bien évidemment des conséquences pour les entreprises vivant du tourisme, puisque faute de bras, elles doivent réduire leur volume d’activité. Et ce manque à gagner touche aussi l’Etat, qui engrange de ce fait, moins de recettes fiscales. Pour changer la donne, Olivier Dussopt, et d’Olivia Grégoire, présenteront ce mercredi, un plan saisonniers, qui prévoit une feuille de route sur la période 2023-2025.

Le système D des employeurs

Certes, le problème n’est pas nouveau, mais il s’est encore exacerbé ces dernières années avec la flambée des loyers dans certaines zones touristiques dues à la prolifération des locations Airbnb qui a contribué à raréfier les logements disponibles à la location. Certaines régions comme la Côte d’Azur, la Nouvelle Aquitaine, les Pays-de-la-Loire et la Bretagne subissent cette situation de plein fouet et peinent à attirer des saisonniers. « Même dans les stations de ski, on assiste à la transhumance inverse, des gens qui quittent la montagne pour la plaine, car les loyers sont trop chers », constate Antoine Fatiga responsable CGT des saisonniers des Alpes.

Sur les offres d’emploi relatives à la saison estivale, la mention « logement possible » est désormais fréquente. Et les vocations pour les jobs saisonniers étant moins nombreuses depuis la crise du Covid-19, les candidats peuvent aussi faire jouer la concurrence et n’opter que pour les employeurs offrant un toit avec l’emploi. Pour séduire les candidats, certains patrons utilisent plusieurs filons : « Ils prennent des locations pour leurs saisonniers dans des campings où ils achètent des appartements pour les y installer. Cela représente une perte financière pour eux, mais ils n’ont pas le choix s’ils veulent assurer la saison », explique Laurent Barthelemy. De leur côté, certaines municipalités prennent des initiatives pour contribuer au logement des travailleurs. À l’été 2022, la ville de Lège-Cap-Ferret a expérimenté une aire pour les travailleurs saisonniers sur le site de l’ancien camping des Sables d’Or. Elle a permis d’accueillir plus de 70 personnes. Autre exemple : la Ville de La Baule-Escoublac, a mis en place le dispositif « Un saisonnier baulois, je l’accueille chez moi », pour encourager les propriétaires à louer une chambre à un travailleur.

Une exonération fiscale pour les proprios

Des initiatives intéressantes, mais trop disparates, d’où l’idée des deux ministres de taper tous azimuts. « Il s’agit de créer une dynamique », déclare leur entourage. Par conséquent, dès le mois de juin une plateforme numérique rassemblant les offres de location disponibles pour les saisonniers dans les parcs publics, associatifs et sociaux sera créée. L’Etat ouvrira aussi à la location cet été, 1.300 chambres universitaires et d’internat, avec l’objectif d’en proposer 6.000 d’ici à 2025.

Une disposition fiscale existant déjà sera prorogée et encouragée : ainsi, les propriétaires privés louant leur logement à des saisonniers, sont exonérés de l’impôt sur le revenu pour les produits de cette location. Ce dispositif sera assuré au moins jusqu’en juillet 2024. Enfin, des logements sociaux seront réservés prioritairement à des jeunes salariés de moins de 30 ans. Actuellement, 2.090 logements sont déjà agréés, mais le gouvernement voudrait en créer 1.000 nouveaux d’ici 2025.

Aller plus loin

Des mesures considérées comme insuffisantes pour Laurent Barthelemy : « Les logements étudiants et lycéens, il y en a parfois très peu dans certains territoires. Et les exonérations fiscales pour les locations à des saisonniers, ce sont des mesurettes, car un propriétaire préférera toujours louer plus cher à un touriste et payer des impôts sur cette somme, que de proposer son logement à bas prix à des saisonniers ». Même scepticisme chez Antoine Fatiga : « Sur ce dossier, des annonces ont été faites par de nombreux ministres, mais on n’en n’a jamais vu la couleur sur le terrain ».

Ils plaident pour d’autres dispositifs : « L’Etat devrait autoriser plus largement le montage de villages éphémères avec des mobil-homes. Car pour l’heure, la loi Littoral est un frein à cela, en raison de contraintes réglementaires », indique Laurent Barthelemy. L’expérimentation a cependant déjà eu lieu en région Nouvelle-Aquitaine où des logements modulaires déplaçables ont été mis en place. De son côté, Antoine Fatiga se prononce en faveur de quotas de logements sociaux réservés systématiquement aux saisonniers. « Et il faudrait encore réduire la durée de location annuelle pour les Airbnb », estime-t-il. Car aujourd’hui, il est interdit de louer sa résidence principale plus de 120 jours par an (soit 4 mois). Et toutes les communes n’ont pas mis en place de restrictions concernant les possibilités de location touristique des résidences secondaires…