Croisons-lesUne fusion carte Vitale/carte d’identité, arme fatale contre la fraude ?

Fraude sociale : Que penser de l’idée de fusion de la carte Vitale avec la carte d’identité ?

Croisons-lesDonnées personnelles, expérimentation… La mesure phare du projet du gouvernement est-elle l’arme fatale contre la fraude sociale ?
Le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal.
Le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal. - ISA HARSIN/SIPA / Pixpalace
O.O et G.N avec AFP

O.O et G.N avec AFP

L'essentiel

  • Quelques semaines après son plan contre la fraude fiscale, le gouvernement a dévoilé mardi sa feuille de route contre la fraude sociale.
  • Une fusion carte d’identité/carte Vitale va être expérimentée en juillet par l’exécutif, après l’abandon de l’idée d’une carte Vitale biométrique.
  • Coût, efficacité, données personnelles ? Que penser de cette piste lancée par l’exécutif ?

C’est la mesure phare du nouveau plan contre la fraude sociale décidée par le gouvernement : la fusion de la carte Vitale avec la carte d’identité. Une réflexion menée au sommet de l’Etat qui pose plusieurs questions. 20 Minutes fait le point.

Une arme pour lutter contre la fraude sociale ?

Le but de la fusion carte d’identité et carte Vitale : contrer les fraudeurs, afin d’éviter les prêts ou les « locations » de cartes Vitale qui permettent à certains de profiter de soins gratuits. « C’est ce vers quoi on va aller. Maintenant, la question, c’est comment et quand », a indiqué Gabriel Attal.

Déjà adoptée par plusieurs pays européens (Suède, Portugal, Belgique), la fusion est accueillie avec retenue par la classe politique. Offensifs sur le sujet de la fraude sociale, Les Républicains auraient préféré une carte Vitale biométrique, projet qui semble écarté par l’exécutif en raison de son coût.

Selon Bercy, la fraude sociale est évaluée à 8 milliards d’euros de prélèvements sociaux « éludés au titre du travail informel », 2,8 milliards de prestations sociales versées par les caisses des allocations familiales, 200 millions par les caisses de retraite du régime général et « entre 3 et 7 % de certaines dépenses d’Assurance maladie ».

Un risque pour les données personnelles

« Ce n’est pas une question simple », concède Etienne Deshoulières, pourtant avocat spécialiste des données personnelles, quand on lui demande les difficultés que pourrait soulever la fusion du point de vue de la protection des données. L’utilisation de celles-ci est en effet régie par le fameux RGPD (ou Règlement général sur la protection des données) qui proscrit la fusion des fichiers. « Cela implique que les données traitées ne puissent pas servir à des finalités différentes », précise l’avocat. Or dans le cas de la fusion, on aurait des données collectées par l’Etat civil traitées par l’Assurance Maladie et inversement. « En principe, ce ne serait pas possible », ajoute Me Deshoulières.

Mais la magie du droit réside dans ses exceptions. « La question qui se pose est de savoir si une loi pourrait contourner cet interdit ? Ce n’est pas impossible. » Car le RGPD, texte européen, prévoit que certains traitements spécifiques peuvent être autorisés par la loi d’un Etat-Membre. Mais le gouvernement sera sur une ligne de crête particulièrement périlleuse, d’autant que les données de santé sont particulièrement sensibles et « nécessitent un traitement particulier ». De son côté, Gabriel Attal assure que « la CNIL [Commission nationale de l’informatique et des libertés] ne s’oppose pas » à cette fusion. En attendant d’avoir son avis officiel.

Une mise en œuvre techniquement difficile ?

Parmi les craintes soulevées, par ce projet, les délais administratifs. Pour bon nombre de Français, il est déjà difficile d’obtenir une pièce d’identité ou un passeport sans attendre de longs mois. Des « difficultés » dont le gouvernement a conscience.

Une mission de préfiguration commune aux ministères des Comptes publics, de la Santé et de l’Intérieur va débuter au début du mois de juillet « afin de travailler à la mise en œuvre technique et juridique » de cette mesure, ont indiqué ces derniers dans un communiqué commun. Les conclusions sont attendues avant la fin de l’année