HAINE EN LIGNELe clan Raoult s’en prend au passé d'une médecin très médiatisée

Le clan Raoult s’en prend au passé de la très médiatisée Amélie Boissier-Descombes

HAINE EN LIGNESur Twitter, le clan pro-Raoult a remis en cause le professionnalisme d’une opposante au microbiologiste en ressortant de nombreux éléments de son passé. Sauf qu’ils n’étaient pas toujours légitimes, voire exacts
Amélie Boissier-Descombes est considérée comme la présidente de l'Association des victimes d'essais cliniques non autorisés.
Amélie Boissier-Descombes est considérée comme la présidente de l'Association des victimes d'essais cliniques non autorisés. - ISA HARSIN / SIPA/Canva
Lina Fourneau

Lina Fourneau

L'essentiel

  • Le 28 mai dernier, dans les colonnes du Monde, des sociétés savantes ont signé une tribune remettant en cause le dernier essai thérapeutique du professeur Didier Raoult, qu’ils qualifiaient de « sauvage ».
  • La coordinatrice de la tribune, Amélie Boissier-Descombes, a ensuite été invitée par de nombreux médias et présentée comme une médecin généraliste et présidente de l’Association des victimes d’essais cliniques non autorisés.
  • Mais sur Twitter, les pro-Raoult fustigent de nombreux mensonges. La jeune femme ne serait ni docteur, ni médecin généraliste et l’association n’existerait pas. Des accusations allant même jusqu’au cyberharcèlement où des éléments de la vie privée d’Amélie Boissier-Descombes sont également repris.

Edit du 8 juin 2023 : Le titre court a été changé pour correspondre au mieux au contenu de l'article

On pourrait penser à une énième stratégie du « chat mort » ou comment faire diversion sur un sujet en avançant un autre dossier plus choc. Une stratégie théorisée jadis par Boris Johnson, alors maire de Londres. « Supposons que vous perdiez une dispute. Les faits sont massivement contre vous et les gens se concentrent sur la réalité, voire sur vous. Votre meilleur pari dans ces circonstances est d’effectuer une manœuvre qu’un grand militant décrit comme "jeter un chat mort sur la table, mon pote" », écrivait-il dans une tribune du Telegraph.

Pour comprendre l’utilité de cette théorie, il faut revenir à l’année 2023 et plus exactement à la date du 28 mai. Dans les colonnes du Monde, une tribune voit le jour avec comme signataires des noms désormais connus du grand public : le professeur Alain Fischer, président de l’Académie des sciences ou encore Dominique Costagliola, membre de l’Académie des sciences. Une dizaine de sociétés savantes y accuse l’ex-directeur de l’IHU de Marseille Didier Raoult d’avoir mené « le plus grand essai thérapeutique ''sauvage'' connu » en testant « son protocole » sur 30.000 personnes. Dans cette tribune, les signataires indiquent que « les normes éthiques et scientifiques construites depuis des décennies » ont été enfreintes.



Tirer sur le messager…

Après cette publication, Didier Raoult - désormais retraité - est revenu sur le devant de la scène médiatique, qualifiant le texte de « tribune d’imbéciles ». Face à lui, plusieurs opposants et professionnels de santé ont également parcouru les plateaux, studios et autres journaux. Parmi eux, Amélie Boissier-Descombes. Si elle n’est pas signataire, elle en est la coordinatrice, apprend-on sur le plateau de Bruce Toussaint. Elle serait également la présidente de l’Association des victimes d’essais cliniques non autorisés. En ce nom, elle témoigne sur France Info, BFM TV ou encore dans l’Express.

Très vite, le personnage agace et provoque la colère du clan pro-Raoult, déjà bien organisé sur la Twittosphère depuis le début de la crise sanitaire. En quelques heures, le passé de l’opposante ressurgit et tout n’est pas bon à prendre. Ni les critiques sur son physique, ni les photos de soirée médecine dignes des plus grands faluchars où Amélie Boissier-Descombes apparaît. Le but ? La décrédibiliser et lui dessiner un passé trouble et peu professionnel.

Mais qui est le messager ?

Dans son passé, Twitter remonte même jusqu’en 2011. Douze ans plus tôt, alors étudiante, Amélie Boissier-Descombes serait rentrée en troisième année de médecine après une formation d’ingénieur. A l’université de Brest, celle-ci aurait été exclue en quatrième année pour « tentative de fraude à l’examen », relaye la rumeur avancée par l’avocat Fabrice Di Vizio - fervent défenseur des antivax pendant la crise sanitaire.

Un document aux allures officielles circule même sur le réseau social notifiant la jeune femme d’une « exclusion de deux ans de l’Université de Bretagne occidentale assortie de l’annulation de la session d’examen ». Toutefois, un détail cloche, le document est destiné à « Madame X » et le nom d'Amélie Boissier-Descombes n'y apparaît pas. Contacté par 20 Minutes, l’Université de Brest explique le document est trop daté pour en avoir la moindre trace dans ses archives.

La confusion du titre

Saut dans le temps et nous revenons à l’année 2023. La situation présente d’Amélie Boissier-Descombes réveille également quelques passions sur la Twittosphère. Alors qu’elle est présentée comme « médecin généraliste » sur BFMTV, son statut ressort au grand jour. Sur l’annuaire des médecins, celle-ci apparaît comme « étudiante en médecine ». Parmi les documents, son entrée au troisième cycle - le célèbre internat de médecine - refait également surface. Elle aurait en réalité été inscrite aux Épreuves classantes nationales (ECN) en 2019 et aurait été classée parmi les 8000e au classement. Encore une façon de railler et décrédibiliser la jeune femme. Avec un manque de classe, sûrement.

En fouillant l’annuaire des internes, Amélie Boissier-Descombes figure bien comme interne en médecine du travail au CHU De Poitiers. Logique car l’internat s’effectue sur une période de trois à six ans, selon les spécialités. Quatre dans le cas de la médecine du travail. Le compte est bon, puisque Amélie Boissier-Descombes a présenté sa thèse le 11 avril dernier, nous confirme-t-elle. Elle n’est donc désormais plus interne, mais Docteur en médecine du travail et cheffe de service, toujours au CHU de Poitiers.

Une association officieuse

Une dernière ombre figure au tableau, celle de l’association dont Amélie Boissier-Descombes est présidente : l’Association des victimes d’essais cliniques non autorisés. Si un compte Twitter a bien été en mai 2023, aucune présence numérique ne s’affiche lorsque nous tapons le nom de l’association. Elle ne figure pas non plus au Journal officiel, où les associations sont généralement déclarées. « Nous ne trouvons pas à ce stade de trace d’association avec ce titre ni publié au Journal officiel des associations (JOAFE), ni même a priori dans le répertoire national des associations », confirme Direction de l’information légale et administrative (DILA), un des services du Premier ministre.

Du côté d’Amélie Boissier-Descombes, on explique qu’il est tout à fait possible d’être une association sans déposer les statuts. « Une association peut exister sans présence juridique, c’est légal ». « C’était essentiellement un outil marketing pour dire aux victimes « vous pouvez vous exprimer », explique l’entourage d’Amélie Boissier-Descombes.

Entre facilité des médias et violence des réseaux

Au-delà de la simple personne, cette affaire questionne le traitement médiatique de l’affaire Raoult. Les médias se sont-ils intéressés à l’existence même de cette association présidée par Amélie Boissier-Descombes ? Peut-être pas, en témoigne la qualification de « médecin généraliste » donnée sur le plateau de Bruce Toussaint. Il faut y voir sans doute ici un effet boule de neige des médias : puisqu’un invité est présent sur ce plateau, il faut l’avoir aussi. Mais parfois ce jeu est dangereux et provoque des dégâts.

Face à ce constat, se dessine également la solidité du clan Raoult, mais aussi sa violence. Le silence pendant des mois de nombreux professionnels de santé en est le parfait exemple, comme l’expliquait dans un précédent entretien la journaliste de « Complément d’enquête », Nathalie Sapena. « Les cyberharcèlements des pro-Raoult, c’est un étau dans lequel les gens sont pris. Didier Raoult ne cyberharcèle pas, mais il a des lieutenants qui le font pour lui », rappelait-elle à notre micro.

Une vague de cyberharcèlement plus tard, Amélie Boissier-Descombes a décidé de quitter les réseaux sociaux. « Peut-être pour quelque temps. Peut-être pour toujours », a-t-elle indiqué sur son compte Twitter. Des plaintes sont également envisagées par la suite.