INTERVIEWBègles, première sur la légalisation encadrée du cannabis ?

« Je ne fais pas l'apologie du cannabis », assure le maire de Bègles qui veut expérimenter une légalisation

INTERVIEWLe maire de Bègles, Clément Rossignol-Puech (EELV), veut que sa commune devienne le premier territoire d’expérimentation encadrée de vente et de consommation de cannabis
Clément Rossignol-Puech, maire EELV de Bègles (Gironde), veut expérimenter une légalisation encadrée du cannabis sur sa commune.
Clément Rossignol-Puech, maire EELV de Bègles (Gironde), veut expérimenter une légalisation encadrée du cannabis sur sa commune. - Mickaël Bosredon / 20 Minutes
Mickaël Bosredon

Mickaël Bosredon

L'essentiel

  • Le maire de Bègles, près de Bordeaux, a lancé un appel pour une légalisation encadrée du cannabis, notamment après un rapport du Conseil économique, social et environnemental paru en début d’année.
  • Clément Rossignol-Puech souhaite que sa commune accueille la première expérimentation de vente et de consommation de cannabis encadrée.
  • L’élu EELV précise ne pas faire « l’apologie du cannabis » pour autant, mais tenir « un discours pragmatique de maire. »

«Cannabis, vers une légalisation encadrée. » Le débat organisé jeudi par le maire de Bègles, Clément Rossignol-Puech, dans sa ville, risque de faire parler. Après une tribune parue sur le site du JDD le 4 juin dernier, rassemblant une cinquantaine de signataires, l’élu écologiste de cette commune près de Bordeaux, entend initier un mouvement en faveur d’une expérimentation locale et encadrée de la légalisation du cannabis.

Cette initiative fait suite notamment à un rapport du Cese (Conseil économique, social et environnemental) du 24 janvier 2023, qui souligne que « plusieurs pays ont légalisé le cannabis à usage dit « récréatif » (plusieurs Etats aux Etats-Unis, le Canada, l’Uruguay) » tandis qu’au sein de l’Union européenne, « Malte est le premier Etat à avoir franchi le pas, bientôt suivi par l’Allemagne qui, d’ici à 2024, doit enclencher un processus de légalisation. » « Malgré la mise en place d’un système de prohibition depuis plus de 50 ans, un des plus répressifs d’Europe, la France est le pays de l’Union européenne qui compte en proportion le plus de consommateurs et de consommatrices de stupéfiants, avec 45 % des 15-64 ans qui ont déjà̀ consommé du cannabis au moins une fois au cours de leur vie, contre 27 % dans l’ensemble de l’Union européenne », souligne également le rapport, qui n'hésite pas à parler d'un « échec des politiques publiques françaises. » Clément Rossignol-Puech a répondu aux questions de 20 Minutes.

Vous avez lancé un appel pour « expérimenter un modèle local de légalisation du cannabis », chez vous à Bègles, et organisez pour cela un colloque le 15 juin sur votre commune. Pourquoi, et quelle forme prendrait cette expérimentation ?

J’ai lancé cet appel, après le rapport national du Cese qui a conclu à une légalisation encadrée. Ce rapport faisait lui-même suite à un rapport de l’Assemblée nationale réalisé en mai 2021 par des députés LR et Renaissance, donc pas des affreux gauchistes, qui ont conclu aussi à une légalisation encadrée. Je ne suis donc pas isolé dans cette démarche. J’ai réagi à ce rapport du Cese en interpellant le gouvernement pour qu’il applique ses conclusions, et je me suis porté candidat à une expérimentation locale.


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Attention, il ne s’agit pas de proposer de la vente de cannabis en libre-service, ce serait réservé à un certain nombre de personnes choisies. Je ne veux pas que Bègles devienne le temple du cannabis où les touristes viennent fumer des joints, ce n’est pas du tout l’idée. Le projet est encore à construire, je n’ai pas la recette, mais ce serait évidemment très encadré, avec des médecins, des psychologues, et des professionnels de la vente et de la culture car il y a aussi une filière économique à mettre en place. Il y a d’ailleurs une tradition de la culture du chanvre en Nouvelle-Aquitaine, notamment en Creuse. L’idée, aujourd’hui, est de construire des propositions concrètes avec un cahier d’acteurs, auquel les habitants participeront aussi, comme les associations de consommateurs, cahier que nous remettrons au gouvernement d’ici à la fin de l’année. Et pour crédibiliser cette démarche nous organisons jeudi un colloque avec des experts nationaux.

Vous ne faites donc pas l’apologie du cannabis, qui reste une drogue ?

Pas du tout, j’ai un discours très mesuré. C’est un discours pragmatique de maire, et c’est le discours qu’ont à peu près tous les élus qui sont penchés de manière fine sur le sujet. Nous sommes dans un vrai échec de la consommation de cannabis en France, avec la politique la plus répressive d’Europe puisque 80 % des moyens alloués par l’Etat sont consacrés à la répression, et en face de cela nous avons le plus grand nombre de consommateurs au sein de l’Union. Et des consommateurs qui consomment des produits absolument pas contrôlés, et dont le THC augmente énormément. Mon souhait est de trouver le bon dispositif, qui permette d’accompagner les consommateurs, de réduire la consommation, notamment celle des plus jeunes chez qui le cannabis peut avoir des conséquences sur les fonctions cognitives. Je ne fais pas l’apologie du cannabis, je ne souhaite pas développer sa consommation, c’est le contraire !

Il y a aussi des problèmes de trafics dans certains quartiers…

Dans toutes les villes de France, il y a des trafics. A Bègles, j’ai des trafics. Mais quand ils sont démantelés, ils réapparaissent quelques mois après, car les consommateurs sont là. Il y a en France un million de consommateurs réguliers.

Il est donc utopique de croire que l’on va arrêter les trafics avec une politique répressive ?

Oui. La seule façon est d’encadrer et de réguler, pour réduire la consommation chez les jeunes, et préserver la santé de nos concitoyens. Il faut une politique de santé publique forte, à l’instar du tabac et de l’alcool, qui font de nombreux morts, mais cela ne viendrait à l’idée de personne d’interdire ces deux produits qui sont des drogues. En plus, l’image que l’on a du cannabis en France, c’est-à-dire celle du jeune de banlieue qui fume son joint, est totalement biaisée. C’est beaucoup plus transversal, et les plus grands consommateurs ont plutôt plus de 30 ans. Je connais aussi des gens qui achètent du cannabis pour leur grand-mère percluse de douleur, et grâce à cela elle finit sa vie tranquillement.

Il ne s’agit donc pas que d’une volonté de relancer ce débat de société, vous voulez que votre proposition aboutisse ?

Je souhaite réunir toutes les conditions pour que cela aboutisse. Quand on aura avancé sur le cahier d’acteurs, j’irai voir le préfet, qui est ouvert à la discussion. Et même si, traditionnellement, chez les écologistes et à gauche nous sommes plus ouverts et plus en avance sur ce sujet, c’est un débat qui parcourt toutes les forces politiques.





Bègles s’inscrit comme un territoire d’innovation sociétale comme avec le Mariage pour tous, vous souhaitez aussi avec cette démarche perpétuer cette tradition ?

J’ai été à bonne école pendant longtemps avec Noël Mamère, qui a été mon maître en politique. Les Béglais sont fiers du premier mariage homosexuel célébré ici, et dont nous fêterons les vingt ans l’année prochaine. Mais plus largement, je crois que c’est aussi le rôle des communes et des maires que de faire avancer les débats de société. Et si on arrive à convaincre le gouvernement, ce serait intéressant que plusieurs communes, avec des typologies différentes, participent à cette expérimentation.

Table ronde jeudi 15 juin ouverte à tous à partir de 18 heures. Centre de formation de la Croix-Rouge, 22-25, rue des Terres-Neuves, Bègles.