Docteur C-3POSerons-nous tous, bientôt, opérés par des robots chirurgicaux ?

Serons-nous tous, bientôt, opérés par des robots chirurgicaux ?

Docteur C-3PO« 20 Minutes » a interrogé des entrepreneurs et un médecin du CHU de Montpellier sur le formidable essor que connaît la robotique chirurgicale
Le robot développé par l'entreprise montpelliéraine Acusurgical.
Le robot développé par l'entreprise montpelliéraine Acusurgical. - Pygmée / Pygmée
Nicolas Bonzom

Nicolas Bonzom

L'essentiel

  • Depuis une quinzaine d’années, la robotique médicale connaît un énorme essor.
  • « Ce mouvement, il est inéluctable, et il va s’accélérer, confie Bertin Nahum, qui a fondé deux entreprises dans ce domaine, Medtech et Quantum Surgical. Ces technologies-là sont des réponses aux challenges de la chirurgie moderne. »
  • Ces robots permettent de fiabiliser, encore un peu plus, les gestes des praticiens, mais aussi de réaliser des opérations qui étaient, jusqu’ici, particulièrement invasives ou difficiles à mener. Mais le chirurgien pilote, toujours, les opérations.

Dans les années 1970, la Nasa a une idée folle : opérer des astronautes, depuis la Terre, grâce à un robot chirurgien. A l’époque, le projet, trop en avance, échoue. Mais il ne fait aucun doute qu’il aura fait avancer la science. Cinquante ans plus tard, la robotique s’est frayée une place de choix dans les salles d’opération. On ne compte plus les interventions où les chirurgiens ne sont plus seuls à la manœuvre : Rosa, Epione, Da Vinci et un tas d’autres engins ultra-sophistiquées assistent désormais les chirurgiens.

En France, c’est à Montpellier (Hérault) que les entreprises sont les plus florissantes, dans ce domaine. C’est ici, en 2002, que Bertin Nahum a créé Medtech, devenu, avec les différentes déclinaisons de son robot Rosa, l’un des fleurons mondiaux de la robotique médicale. Depuis, la brillante start-up a été rachetée par le géant américain Zimmer Biomet, et l’entrepreneur montpelliérain a fondé Quantum Surgical. Son nouveau robot, Epione, est capable de traiter, à un stade précoce, des tumeurs inopérables, et particulièrement difficiles à atteindre. Pour Bertin Nahum, il ne fait aucun doute, dans les prochaines années, que le secteur de la robotique médicale va poursuivre son essor.

Epione, le robot mis au point par l'entreprise montpelliéraine Quantum Surgical.
Epione, le robot mis au point par l'entreprise montpelliéraine Quantum Surgical. - Quantum Surgical

« Les patients ne veulent pas être opérés, seulement, par une machine »

« Ce mouvement, il est inéluctable, et il va s’accélérer, confie l’entrepreneur à 20 Minutes. Ces technologies-là sont des réponses aux différents challenges de la chirurgie moderne. Dans les pays dits "riches", l’heureuse conséquence de l’allongement de la durée de vie, c’est que l’on a de plus en plus de patients à traiter. Mais il y a une pénurie de personnels soignants. Par ailleurs, ces patients, ils n’acceptent plus, aujourd’hui, les aléas médicaux, et ça se traduit par une explosion des procédures engagées contre des praticiens. La robotique est une réponse à tous ces challenges. Elle permet de fiabiliser l’acte. »

Car un robot ne se trompe jamais. Si on lui demande de piquer à un endroit précis, il ne piquera pas un demi-millimètre à côté. Leurs performances sont telles qu’elles pourraient même ouvrir à l’avenir certaines interventions, les plus simples, à des personnels moins qualifiés. « Un certain nombre d’actes pourraient être réalisés par une infirmière, par exemple, si tant est qu’elle soit assistée par la technologie », poursuit Bertin Nahum. Mais les robots ne font, aujourd’hui, qu’accompagner le geste du praticien. Il n’est pas question, pour l’heure, qu’une machine le remplace. « On ne peut jamais dire jamais, mais aujourd’hui, ce n’est absolument pas dans cette direction que l’on va, confie le fondateur de Quantum Surgical. Les patients eux-mêmes souhaitent qu’il y ait un praticien à leurs côtés. Ils ne veulent pas être opérés, seulement, par une machine. Vous savez, il existe des drones ultra-perfectionnés aujourd’hui, et l’on pourrait très bien imaginer un vol Paris/New York sans pilote dans l’avion. Mais personne ne monterait dedans ! »

« Le robot peut réaliser des gestes qui vont au-delà des capacités humaines »

Pierre-Antoine Forest est le directeur marketing d’Acusurgical. Cette entreprise montpelliéraine a développé un robot, qui pourrait bien révolutionner la chirurgie de la rétine : la technologie mise au point par les ingénieurs d’Acusurgical doit permettre aux praticiens d’accroître considérablement la précision de ces interventions, qui demandent une attention de tous les instants. Des essais cliniques doivent débuter prochainement.

« La rétine est un organe excessivement fin, et fragile, explique à 20 Minutes Pierre-Antoine Forest. Si l’on touche, par erreur, une zone de la rétine, elle peut être irrémédiablement détruite. L’autre difficulté, c’est que c’est un organe qui doit faire environ 500 microns d’épaisseur, avec beaucoup de couches. On a parfois besoin de réaliser des pelages de membrane, poussant sur la rétine, dans des ordres de grandeur de 15 à 20 microns. Or, le tremblement physiologique humain, c’est 100 microns. La chirurgie rétinienne est donc déjà réservée aux meilleurs chirurgiens ophtalmologistes. Le robot, lui, va permettre d’augmenter les capacités chirurgicales des médecins. Le robot ne tremble pas, et il va exactement là où on lui dit d’aller. » Demain, pour chaque intervention, il y aura un robot, poursuit Pierre-Antoine Forest. « Mais il y aura, toujours, un chirurgien. Nous ne sommes pas dans Star Wars… Enfin, peut-être, dans 100 ans. Mais je vous parle d’un futur proche, celui que l’on verra, nous. On ne peut pas se passer d’un chirurgien. Mais le robot, lui, peut réaliser des gestes qui vont au-delà des capacités humaines. »

Le professeur Lannelli utilise un robot Da Vinci, le 27 mars dernier, au CHU de Nice.
Le professeur Lannelli utilise un robot Da Vinci, le 27 mars dernier, au CHU de Nice. - SYSPEO/SIPA

« Demain, il y aura sans doute des dispositifs miniaturisés »

Au CHU de Montpellier, le professeur Renaud Garrel, chef de l’unité de cancérologie des voies aérodigestives supérieures/Laryngologie, opère avec le robot Da Vinci, construit par le mastodonte américain Intuitive Surgical. C’est la première machine du genre : elle a passé les portes des blocs opératoires dès l’an 2000. « C’est un robot qui présente plusieurs avantages, explique le médecin à 20 Minutes. D’abord, il permet de faire des interventions que l’on faisait déjà, mais de façon moins invasive pour le patient. » Da Vinci permet, aussi, de réaliser des opérations différemment. « Par exemple, enlever la thyroïde en passant sous le bras, ce qui permet de laisser au patient aucune cicatrice visible », confie Renaud Garrel. Le robot permet, aussi, « d’atteindre des endroits inaccessibles. Ce sont des opérations que l’on ne faisait pas. C’était trop lourd. Sur le larynx, par exemple. Avant, on était obligé de tout enlever. Désormais, on peut n’en enlever qu’une partie. »

Ces robots ont l’avantage, aussi, d’offrir aux médecins une foule d’informations, en temps réel, sur le patient. Mais attention, soulève le médecin, « lorsque l’on parle de "robots", on a l’impression que c’est une machine autonome. En réalité, ce sont des gestes télécommandés par les chirurgiens. C’est plutôt de la téléchirurgie, que de la robotique. » Mais ce domaine, poursuit Renaud Garrel, ne peut que connaître un formidable essor. « Aujourd’hui, on utilise la robotique pour des opérations de la prostate, du cancer du rein, de la thyroïde… Et demain, il y aura sans doute d’autres types de robots, en particulier des dispositifs miniaturisés, qui pourront entrer dans le corps humain, pour réaliser des tâches qui auront été prédéfinies. Ce sont des choses qui sont en cours de développement. Mais, dans un futur proche, le chirurgien sera toujours là. » Nous ne sommes pas au stade « du pilote automatique, avec un plan de vol », rassure le médecin du CHU de Montpellier. « On ne lâche pas le manche. On pilote, toujours, l’opération. »