« Les milliers d’années devant nous seront fabuleux si on sait préserver l’océan », assure David Sussmann, fondateur de Pure Ocean

ONG La jeune ONG veut grandir à la vitesse d'une start-up pour aider les scientifiques à mieux comprendre les océans

Laurent Bainier
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9 espèces sur 10 sont encore à découvrir dans les océans
9 espèces sur 10 sont encore à découvrir dans les océans — Pure Ocean

De Marseille, où il a grandi « face à la mer », à Terre-Neuve où ont été pêchés les premiers poissons qu’il a commercialisés avec Seafoodia, l’entreprise qu’il a créée, David Sussmann a sillonné tous les océans. A la veille de la Journée mondiale de l’océan, il nous présente l’action de Pure Ocean, l’ONG qu’il a fondée pour financer l’innovation et la recherche.

David Sussmann, fondateur de Pure Ocean.
David Sussmann, fondateur de Pure Ocean. - Pure Ocean

La mer est le terrain qui vous a permis de vous accomplir comme entrepreneur. Et depuis peu, c’est aussi le champ de bataille de l’ONG que vous avez fondée, Pure Ocean. D’où vous vient cette passion ?

J’ai toujours été fasciné par l’océan. J’ai grandi à Marseille, devant la mer. J’allais me baigner, je faisais de la voile, je ramassais des coquillages. Je trouvais ça fascinant mais je n’avais aucune idée de ce que j’allais faire plus tard. Aujourd’hui, j’ai 50 ans, 4 enfants et c’est pour eux que je me suis lancé dans Pure Ocean. Ma prise de conscience avait eu lieu il y a quelque temps déjà, quand j’étais avec un partenaire d’affaires inuit au Canada. Au cours d’une discussion, il m’avait raconté avec les larmes aux yeux qu’il voyait cette année-là de l’herbe pour la première fois à l’endroit où il vit. A ce moment-là, j’ai ouvert les yeux. Si on ne se bouge pas ça va être triste. L’océan est en danger…

Bouger, cela signifie quoi concrètement ?

Nous, Français, nous avons la deuxième surface maritime au monde. Nous avons une responsabilité énorme. Enfin, on a une ministre de la Mer. Enfin, on se tourne vers les océans. Mais il reste tout à faire. Notre avenir est sous l’eau. Les milliers d’années devant nous seront fabuleuses pour notre pays si on sait préserver l’océan et l’utiliser intelligemment.

L’utiliser intelligemment, c’est l’exploiter rationnellement ?

Je n’aime pas ce mot, « exploiter ». L’océan, on doit le préserver et on doit le découvrir. Il a déjà pris 1 °C. Ça a eu un impact colossal, notamment sur les pêches du monde. Les poissons ont migré, ils n’ont plus la même taille. L’océan, c’est une respiration sur deux. C’est le premier poumon de la planète avant l’Amazonie et les gens n’en sont pas conscients. Quand on le regarde, on tourne généralement nos yeux au-dessus, vers les oiseaux, le ciel… Mais on ne regarde pas en dessous. Or, c’est là que ça se passe. Sous l’eau, tout est encore à découvrir. Alors, OK, allons sur Mars… Merci Elon Musk de nous faire rêver. Mais on n’a mappé que 5 % de l’océan. Il en reste 95 % à découvrir, donc venez tous nous soutenir !

Vous parlez d’Elon Musk. Pour Pure Ocean, une des clés de la préservation des eaux, c’est l’engagement des entrepreneurs. Pourquoi eux ?

Les entrepreneurs ne sont pas tous nécessairement fascinés par le monde de l’océan mais on essaie de créer une ONG qui leur donne envie de venir engager leurs équipes à nos côtés. En proposant une multitude d’actions (des challenges sportifs, des talks, des ramassages…), nous essayons de trouver l’angle qui les décidera à donner. On a estimé qu’il y aura dans 3 ans, deux fois plus d’entreprises qui donneront. Nous disons donc aux entrepreneurs : « si vous ne vous engagez pas chez Pure Ocean, ce n’est pas grave mais engagez-vous ! Vous ne pouvez plus être simplement une entreprise qui a un but lucratif. » L’important, c’est de faire quelque chose, c’est de s’engager. On veut faire changer les choses de l’intérieur, en faisant évoluer les comités de direction des entreprises. La boule de neige est en route. Nous sommes en train de changer le monde…

« Nous » ce sont les ONG ?

Oui, toutes les ONG, je veux les voir réussir… Surtout si elles sont en lien avec l’environnement. La nôtre est gérée comme une start-up. Pure Ocean s’organise pour grandir très vite. Ce qui bloque les associations en général, c’est l’ambition. Elles entrent dans le monde du « Ca me suffit ». « J’ai ma petite asso, mon financement, ça va bien… » Ensuite, c’est très dur de grandir. Aujourd’hui, on voit arriver des ONG qui vont très vite devenir énormes. C’est un changement majeur.

Avec des résultats concrets ?

Notre axe principal, c’est de financer la recherche et l’innovation. L’océan, c’est 70 % de la planète, 93 % des espèces vivantes et l’on sait qu’il reste 9 espèces sur 10 à découvrir. C’est 9 livres sur 10 encore à écrire. Nous avons lancé notre deuxième appel à projets cette année et on a reçu plus de 160 projets, portés par 350 scientifiques de 40 pays. Ils sont venus nous voir parce qu’ils cherchent des financements…

Et vous les avez financés ?

On a sélectionné quatre projets, qu’on finance cette année. Et pour une multitude d’autres, on œuvre à les faire connaître. On travaille à rendre leurs problématiques, qui sont souvent extrêmement complexes, le plus simple possible pour le grand public. Un des projets qu’on a financés l’année dernière concerne les éponges de mer. Comment ces étoiles mangent les microplastiques ? C’est simple dit comme ça. Mais quand vous lisez le titre du programme de recherche de l’université de Barcelone, vous ne comprenez rien. Nous sommes là pour simplifier et rendre publics ces recherches auprès du grand public, sur des enjeux qui sont graves…

Quels projets financez-vous cette année ?

On a retenu un projet sur l’évolution du corail en mer Egée. Un autre sur l’impact d’une augmentation de la température de l’eau en Australie. On finance également une étude sur l’impact du microplastique sur la digestion d’oiseaux dans le Pacifique. Ces oiseaux sont en train de disparaître alors qu’ils vivent à des milliers de kilomètres de toute présence humaine… Enfin, on accompagne un projet de bouée d’amarrage pour les bateaux respectueuse des fonds marins et sur laquelle tout un écosystème va pouvoir se développer pour retrouver de la biodiversité proche du littoral. Parce que je suis convaincu que ce sera propre tôt ou tard, qu’on retrouvera la biodiversité…

Avec la Goutte Bleue, tout le monde est appelé à nettoyer la nature autour de son lieu de vie pendant le mois de juin.
Avec la Goutte Bleue, tout le monde est appelé à nettoyer la nature autour de son lieu de vie pendant le mois de juin. - Pure Ocean

Et si l’on n’est ni scientifique, ni entrepreneur, comment peut-on s’investir pour préserver les océans ?

Chacun peut jouer son rôle. Prenez par exemple La Goutte bleue, le projet que l’on lance en ce mois de juin. C’est du concret. Dans l’océan, 250 kg de plastique sont rejetés chaque seconde. Et 80 % de ces déchets viennent de la terre. Alors avec La Goutte bleue, on initie un mouvement qui vient directement réduire ces émissions. Jusqu’au 30 juin, vous pouvez acheter dans mille magasins un kit avec un sac recyclable de 40 litres. Ensuite, vous motivez vos amis, vos collègues, votre famille et vous allez ramasser les déchets dans la nature autour de vous, où qu’ils se trouvent, pour qu’ils ne finissent pas dans les océans. Et pour amplifier le mouvement, vous partagez le résultat de votre collecte sur les réseaux sociaux avec le hashtag #LaGoutteBleue. Et quand vous achetez ce sac à 5 euros, il y en a 4 qui seront versés à Pure Ocean, pour financer des projets de recherche. On commence par 100.000 kits cette année. L’année prochaine ce sera un million… Ça ne peut que grossir.

Le 7 juin, veille de la Journée Mondiale de l'Océan, 20 Minutes et Pure Ocean lancent un dossier spécial dans le quotidien papier et sur le web pour mettre en lumière la préservation des océans. 20% des recettes générées par ce dossier sont reversés au Pure Ocean Fund pour financer des projets de recherche liés à l'océan.