FAKE OFFNon, les oxymètres ne prouvent pas le danger des masques pour la santé

Coronavirus : Non, les oxymètres ne prouvent pas le danger des masques pour la santé

FAKE OFFSur les réseaux sociaux, des parents partagent le taux de saturation en oxygène du sang de leur enfant après une journée d'école pour prouver la prétendue dangerosité des masques
Un oxymètre (illustration).
Un oxymètre (illustration). - Pexels / Pexels
Alexis Orsini

Alexis Orsini

L'essentiel

  • Depuis que leur usage s'est répandu au quotidien, en pleine pandémie de Covid-19, les masques sont accusés de provoquer un manque d'oxygène, ou hypoxie.
  • Si nombre de médecins ont répété, ces derniers mois, que les masques ne pouvaient provoquer de tels effets, certains parents d'élèves mesurent aujourd'hui le taux de saturation en oxygène du sang de leur enfant après l'école pour prouver ce prétendu impact néfaste sur la santé.
  • Cette mesure, réalisée à l'aide d'un oxymètre, est-elle probante ? 20 Minutes fait le point.

Et si le prétendu danger pour la santé des masques de protection contre le Covid-19 pouvait être prouvé en mesurant le taux de saturation en oxygène du sang grâce à un simple oxymètre, un appareil en vente libre ?

Telle est, en tout cas, la mission entreprise depuis quelques semaines par de nombreux parents pour dénoncer sur Facebook l’hypoxie – un manque d’apport en oxygène – dont souffrirait leur progéniture à cause du protocole sanitaire en vigueur dans les établissements scolaires.

« Aujourd’hui, en pharmacie, j’achète mon oxymètre pour mesurer le taux d’oxygène des enfants par le port illégal du masque : moyen médical simple qui me permet de prouver la dangerosité du port du masque pour nos enfants […] afin de dire NON ! », « Test avec oxymètre avant et après l’école, 3 heures de masque catégorie 1, résultat : 90. L’hypoxie [commence] en dessous de 95 », affirment ainsi deux témoignages parmi d’autres.

L’initiative, loin d’être isolée, est encouragée par l’association Réaction 19, dont le président, Carlo Alberto Brusa, a récemment adressé un courrier aux sénateurs et députés dans lequel il s’inquiète de « mesures obtenues [qui sont] extrêmement choquantes » : « Les enfants quittent tous leur domicile avec un taux d’oxygénation compris entre 97 et 100 % et se retrouvent, à la sortie de l’école, avec un taux souvent inférieur à 95 %, et parfois même inférieur à 90 % ! Pour rappel, il est avéré que l’état d’hypoxie est déclaré lorsque le taux d’oxygénation dans le sang est inférieur à 95. »

Inquiétudes justifiées ou messages résolument alarmistes ? 20 Minutes fait le point.

FAKE OFF

« On parle d’hypoxie dès lors que l’organisme est privé d’oxygène et qu’il en manque. Les raisons peuvent être variées : l’altitude, quand on se trouve à 1.000 mètres ou plus, le fait d’avoir la tête sous l’eau… Mais aussi dans le cas de certaines maladies respiratoires empêchant les poumons d’absorber de l’oxygène », explique à 20 Minutes Samuel Vergès, directeur de recherche à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) au sein du laboratoire Hypoxie et physiopathologies de l’université Grenoble-Alpes.

Dès les premiers mois de la pandémie de Covid-19, les masques de protection ont été accusés de provoquer une hypoxie… à tort, comme l’ont détaillé nombre de médecins interrogés sur le sujet. « Un masque chirurgical ou en tissu laisse passer l’oxygène. Les équipes soignantes, qui portent des FFP2 durant plusieurs heures, s’en seraient rendu compte, s’il y avait un souci à ce niveau-là », expliquait notamment à 20 Minutes le pneumologue Jean-Philippe Santoni en mai dernier.

Un constat scientifique corroboré par l’OMS sur son site : « L’utilisation prolongée de masques médicaux peut être inconfortable, mais elle n’entraîne ni intoxication au CO2 ni manque d’oxygène. »

« Quand on a du mal à respirer, notre corps nous alerte »

Si les masques peuvent effectivement s’avérer pénibles à porter, surtout de manière prolongée, « ils sont faits pour qu’on puisse respirer à travers et être portés sur la longueur sans souci de santé », rappelle Samuel Vergès. « En revanche, si vous vous mettez un sac plastique sur la tête, qui vous empêche d’échanger de l’air frais avec l’extérieur, là, oui, vous allez provoquer une hypoxie. Quand on a du mal respirer, on en éprouve les sensations très vite car notre corps nous alerte : mal de tête, suffocation… », ajoute le directeur de recherche à l’Inserm.

« La valeur normale de saturation du sang en oxygène est d’environ 98 %, et pas 100 %. Lorsque l’on monte à 1.500 ou 2.000 mètres d’altitude, on va être à 95 %, et à 2.600 ou 3.000 mètres, on est encore en dessous de ce pourcentage. On est donc en condition d’hypoxie mais on ne tombe pas malade pour autant », poursuit le spécialiste.

Une mesure sensible à un double biais

Comment, dès lors, expliquer que des enfants sortant de l’école après une journée à porter le masque puissent se retrouver avec des taux inférieurs à 95 %, selon l’oxymètre placé au bout d’un de leurs doigts ? La mesure du taux de saturation « est très sensible à un double biais : des conditions de test et d’appareil », explique Samuel Vergès. « Il faut notamment s’assurer de la faire sur une main suffisamment chaude, pour que la circulation sanguine ait bien lieu au bout des doigts : s’ils sont froids, la valeur baisse forcément. Vous pouvez faire des mesures sur un enfant sans masque à la sortie de l’école et trouver un résultat inférieur à 95 %, il est difficile d’en tirer des conclusions ».

« Cette mesure doit être faite dans des conditions standardisées et par un professionnel de santé. Pour les meilleurs modèles d’oxymètre, on est sur une précision à 2 % près environ. Mais sur les autres, ça peut tourner entre 3 et 4 % donc on est dans une zone grise », conclut le directeur de recherche à l’Inserm.

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Sujets liés