PAR BELENOSLes découvertes archéologiques gauloises méritent-elles d'être exposées ?

Journées de l'archéologie : Pourquoi les Romains écrasent-ils encore les Gaulois dans les musées ?

PAR BELENOSDepuis 30 ans, la science archéologique a révolutionné nos connaissances sur la civilisation gauloise. Et pourtant les musées français continuent de préférer Rome
Fouille Inrap de Lavau 2015
Fouille Inrap de Lavau 2015 - Denis Gliksman/Inrap
Benjamin Chapon

Benjamin Chapon

L'essentiel

  • Lors des Journées de l’archéologie, jusqu’au 20 juin, les visiteurs pourront constater que la civilisation gauloise fait l’objet de nombreuses études et découvertes.
  • Pourtant, les musées d’archéologie montrent peu les objets gaulois.
  • Avec un peu d’imagination, il y aurait matière à créer un « grand musée gaulois », selon Dominique Garcia.

Et mon torque en or ? C’est du toc mon torque en or ? On entend d’ici Vercingétorix vitupérer si le glorieux chef gaulois savait le sort réservé, dans les musées français, aux artefacts des peuples qu’il avait réussi à fédérer. Une situation particulièrement absurde…

Alors que se tiennent les Journées de l'archéologie, des centaines de chantiers de fouilles accueilleront les visiteurs pour des visites et des animations. Et qu’y découvriront les curieux ? Du protohistorique gaulois, essentiellement.

« C’est une réalité. Depuis, l’époque gauloise est celle à propos de laquelle nous avons accumulé le plus de nouvelles connaissances et sur laquelle nous faisons les plus belles découvertes », commente Dominique Garcia, président de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) et auteur de Les Gaulois à l'oeil nu. Mais alors, une fois sorties de terre, où voir ces merveilles ? Faisons un tour (de Gaule) des musées archéologiques.

La prime à l’Antique esthétique

A Nîmes, le flambant neuf musée archéologique, geste architecturale en face de l’amphithéâtre (romain, bien entendu), a pris le nom de Musée de la Romanité. Tout est dit… Dans une ville marquée par la splendeur des bâtiments d’époque gallo-romaine, c’est bien normal. La passionnante exposition actuelle célèbre même L’empereur romain, un mortel parmi les dieux. « Nîmes est la ville idéale pour accueillir cette exposition, plaide Manuela Lambert conservatrice du musée. La ville conserve des vestiges uniques de cette époque impériale. »

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Plus à l’ouest, le musée antique d’Arles fait aussi la part belle aux envahisseurs en toge (et pire, à César, star du musée avec son buste déniché dans le Rhône). Et à l’Est, à Narbonne, le nouveau musée Narbo Via commence son parcours après la conquête de César. Exit, purement et simplement nos fiers gaulois. Alors même qu’un oppidum gaulois préfigurait la Narbo romaine.

« Pendant longtemps les musées ont recueilli des objets sans contexte, raconte Dominique Garcia. L’art grec et romain était plus côtés. Les grands musées nationaux présentaient les grandes civilisations classiques, de Grèce ou de Rome, ou même d’Egypte, du Moyen-Orient… Tout sauf la civilisation gauloise en fait ! »

C’est dans les vieux tonneaux…

Pourquoi autant de dédain ? L’art gaulois serait-il trop laid. « Pas du tout, s’insurge Michel Rouger, directeur du MuséoParc d’Alésia. Il y a des pièces magnifiques, des bijoux en or, des objets en fer, en verre… » Son musée, qui propose, à partir du 3 juillet, un nouveau parcours permanent montre par exemple que les Gaulois formaient une civilisation avancée dans de nombreux domaines, dont l’art de la guerre (même si l’issue de la bataille d’Alésia ne plaide pas trop pour cette théorie…).

Ainsi, il serait tout à fait possible, pour les musées, de mettre en valeur l’histoire gauloise. Avec un peu d’imagination. « Il y avait beaucoup d’objets en bois qui n’ont pas été conservés, ou des céramiques cassées, concède Michel Rouger. C’est plus difficile avec les Gaulois qu’avec les Romains, c’est vrai, surtout avec du gaulois 100 % pur jus, qui est plus ancien forcément. » Au MuséoParc d’Alésia, l’accent a ainsi été mis sur la scénographie et les dispositifs numériques, mais aussi sur l’archéologie expérimentale, pour redonner vie aux Gaulois. « Dans l’exposition permanente, on plongeait les visiteurs dans le siège d’Alésia et on ne parlait pas du tout de la vie des Gaulois avant le siège, explique Michel Rouger. On a changé ça, on a fait notre révolution. Aujourd’hui on a les connaissances pour raconter la vie des Mandubiens, les Gaulois d’avant la bataille. »

Des Gaulois flambant neufs

« Il y a une histoire à raconter, s’enthousiasme Dominique Garcia. Longtemps, on n’a connu les Gaulois que par les sites comme Alésia et Gergovie, les lieux de bataille. C’est comme si on voulait raconter le XXe siècle avec les vestiges des plages du Débarquement. Mais les fouilles archéologiques de ces dernières années ont révélé la Gaule qui n’était pas connue : les fermes, les champs, les nécropoles, les sanctuaires, les sites d’exploitation du fer et de l’or… »

Michel Rouger confirme qu’il y a un gros travail à effectuer auprès du public. « A Alésia, les visiteurs arrivent avec beaucoup de clichés sur les Gaulois. Sur l’armée romaine, ils savent des choses, mais les Gaulois sont perçus comme des sauvages. Astérix reste la source principale : on nous parle de sangliers et de casque à cornes ou à ailes, de chefs sur les boucliers… Notre travail est de démontrer que ce n’est pas ça, que les Gaulois formaient une civilisation très avancée. »

Un grand musée gaulois

Mais on en revient au problème des musées qui montrent peu les objets gaulois. « Outre Alésia, Gergovie et Bibracte, il y a de belles collections à Toulouse, au musée Saint-Raymond – des torques splendides notamment – et à Bordeaux, au musée d’Aquitaine, détaille Dominique Garcia. Mais il manque un grand musée de la civilisation gauloise. »

Les Gaulois seuls intéresseraient-ils le grand public ? Michel Rouger s’interroge : « Sur un public plus large, ce qui intéresse les gens, c’est l’opposition entre Gaulois et Romains, comme les cow-boys et les Indiens, ce sont des univers sur lesquels on fantasme et qui suscitent la curiosité. »

Dominique Gracia, lui, veut y croire : « César, puis Napoléon 3, ont construit l’image du Gaulois barbare par propagande : de leur nécessaire disparition naîtrait la civilisation. Mais dans le contexte actuel, il y a un regain d’intérêt pour nos identités et notre histoire ancienne. Et les Gaulois y ont une place à part. Raconter les Gaulois, c’est raconter comment se construit une culture, comment naît un peuple, comment une civilisation se développe. Les Français sont prêts à accepter leur passé gaulois ! »