FOOTBALLLa génération couche tard des Bleus, un problème insoluble pour DD ?

France - Suisse : « Les ordis, c’est open bar jour et nuit »… La génération couche-tard des Bleus, un problème insoluble pour DD ?

FOOTBALLDidier Deschamps n'a pas caché qu'il devait parfois batailler avec ses joueurs pour leur faire lâcher les ordis et les jeux vidéo la nuit
Nicolas et Pimprenelles dormaient plus vite que nos Bleus.
Nicolas et Pimprenelles dormaient plus vite que nos Bleus.  - Montage/20 minutes / Montage/20 minutes
Aymeric Le Gall

Aymeric Le Gall

L'essentiel

  • Alors que l’équipe de France affronte la Suisse en 8es de finale, les Bleus n’ont pas été dans les meilleures conditions pour bien récupérer depuis le début de la compète.
  • Entre des hôtels pas toujours adaptés à la préparation d’un Euro et une génération de joueurs qui veille jusqu’à pas d’heure, DD et son staff doivent être hyper vigilants.

De notre envoyé spécial à Bucarest,

On a checké le planning de l’Hilton Athénée Palace où siègent les Bleus, dans le centre-ville de Bucarest. Aucune soirée étudiante ou autre enterrement de vie de garçon n’était prévu dimanche soir dans le hall de l’hôtel, à la veille du 8e de finale contre la Suisse. On dit ça parce que vendredi, jour de leur arrivée dans la capitale roumaine, c’était une tout autre musique. YMCA très exactement. En effet, sur les coups de 18 heures, dans le hall central ouvert au tout-venant, une soixantaine de jeunes fêtards avaient booké les lieux pour célébrer la fin de leur année et s’enjailler au son des Village People.

Vous admettrez qu’on a connu contexte plus peinard pour une sélection engagée dans un championnat d’Europe. Si on ajoute à cela les conditions parfois précaires qu’ils ont connues à Budapest, avec des problèmes de clim dans la fournaise hongroise et une literie pas toujours top niveau, on comprend que la question de la récupération soit devenue centrale autour de l’équipe de France ces derniers jours. D’autant qu’à en croire Didier Deschamps, les joueurs n’ont pas besoin de ça pour avoir du mal à trouver le sommeil. « C’est un peu la bagarre avec cette génération-là », confiait-il en conférence de presse avant la Hongrie. On sait que c’est une génération qui se couche un peu tard. Or les heures de sommeil c’est important pour pouvoir récupérer. »

« Si t’as pas le sommeil derrière, t’es mort »

On n’est pas tombés de l’armoire non plus, certes, mais le sujet n’en reste pas moins crucial, surtout dans un groupe France qui a dû souffrir de chaleurs à la limite du soutenable depuis le début de la compète et qui voit ses joueurs tomber comme des mouches à l’entraînement. Or, comme nous l’expliquait le docteur François Duforez, médecin du sport et du sommeil à l’Hôpital Dieu à Paris, dans un papier sorti tout droit du placard à archives, « si vous êtes en déficit de sommeil, vous augmentez de 1,7 % le risque d’avoir une blessure musculaire. » Dit comme ça, on pourrait se dire qu’on pinaille un peu, mais allez donc en parler au staff médical des Bleus qui se demande si on va réussir à finir la compétition avec autre chose qu’une équipe de five…

« S’il y a une seule chose à garder pour la récupération, c’est le sommeil, toutes les études le prouvent. Aujourd’hui, avec les joueurs, on fait 40.000 trucs pour récupérer, mais si on dessine une pyramide, le socle c’est ça. Si la base de la pyramide n’est pas solide, tout ce qu’on peut faire derrière, les massages, les étirements, les bains de glace, la cryo, tout ça c’est zéro. Si t’as pas le sommeil derrière, t’es mort », tranche, sans appel, le préparateur physique Xavier Frezza, qui collabore avec bon nombre de footballeurs de haut niveau tout au long de l’année. « C’est en dormant la nuit que notre corps sécrète tout une série d’hormones qui vont nous permettre de bien récupérer, qu’on refait notre stock d’énergie, qu’on régénère nos cellules du corps et du cerveau. Forcément, si on n’a pas ça, on va être moins performant, on a plus de chance de se blesser, on a des défenses immunitaires plus faibles », détaille-t-il.

RIP le temps du standard téléphonique à l’hôtel

On comprend alors mieux pourquoi N’Golo Kanté, réputé pour être l’un des meilleurs élèves du groupe (pour changer !) pour tout ce qui touche à l’hygiène de vie et à la récupération, semble pouvoir déposer tous ses potes sur le terrain des efforts et des courses à haute intensité depuis le début de l’Euro. « Il fait attention à ce qu’il mange, à l’hydratation et il dort beaucoup », expliquait l’ancien préparateur physique Grégory Dupont dans L’Equipe samedi dernier. Ça voudrait dire que les autres sont tous des oiseaux de nuit capable d’engloutir une demi-saison de football manager à l’heure ou Deschamps roupille à poings fermés ?

Au bout du fil, l’ancien chef de presse des Bleus en Russie, Philippe Tournon, n’a pas voulu jouer le poucave de service. Mais il valide la problématique.

« « Les mecs jouent en réseau, il n’y a plus aucun contrôle possible, tu ne peux pas faire toutes les chambres en permanence pour voir si la lumière est allumée ! Ça fait partie des révolutions que l’équipe de France a dû encaisser. Avant, on n’avait qu’à dire au standard de l’hôtel " à 22h vous ne leur passez plus de communication " et on était à peu près sûr que les joueurs dormaient. Mais maintenant, qu’est-ce que tu veux faire ? Ils ont chacun un ou deux téléphones, la tablette, l’ordi, c’est open bar jour et nuit, on n’y peut rien. » »

Un vrai casse-tête pour les entraîneurs

Sans aller jusqu’à jouer les matons, l’œil sur le judas et la matraque en main, le nouvel entraîneur du TFC, Philippe Montanier, avait un temps obligé ses joueurs à déposer leurs portables dans une boîte avant les entraînements. Comme à l’école, oui, oui. Mais le soir, lors des mises au vert ou quand les joueurs sont chez eux à la maison, les entraîneurs admettent leurs limites. « Quand ils sont dans leur chambre, ils font ce qu’ils veulent, on ne peut pas non plus les fliquer 24h/24, même si on aimerait bien !, rigole l’ancien coach lensois. A une époque j’avais appris que mes joueurs veillaient encore à trois heures du matin à regarder des séries ou à jouer à la console, c’est quand même très problématique. Autant au niveau de la diététique, les joueurs commencent à être extrêmement vigilants, autant dans le sommeil on n’a pas encore trouvé la solution. »


Retrouvez le calendrier de l'Euro

Reste alors ce que Philippe Tournon appelle « les piqûres de rappel que le staff doit faire régulièrement dans une phase finale d’une Coupe du monde ou d’un Euro. » Le problème, c’est que même la meilleure volonté du monde ne peut rien contre le poids des habitudes. Xavier Frezza : « C’est impossible de corriger des habitudes de sommeil en quelques jours lors d’un stage ou d’un rassemblement. Une personne qui est habituée à se coucher à 2 ou 3 heures du matin tous les soirs ne peut pas se dire « bon allez, extinction des feux à minuit, merci, au revoir ». C’est un mécanisme qui prend beaucoup de temps, ça met des mois et des mois pour retrouver un bon rythme de sommeil. C’est pour ça que c’est important de leur inculquer ça dès le plus jeune âge. » Si cela n’a pas empêché d’être champions du monde en 2018, ça ne coûte de rien de se noter ça sur un post-it pour les générations futures.