TALENTQui est Julia Ducournau qui a conquis Spike Lee avec « Titane » ?

Festival de Cannes 2021: Qui est Julia Ducournau, qui a conquis Spike Lee avec « Titane » ?

TALENTLe jury de Spike Lee a créé la surprise en donnant la Palme d’or à « Titane » de Julia Ducournau, film féministe, radical et dérangeant
Julia Ducournau, la nouvelle Palme d'or.
Julia Ducournau, la nouvelle Palme d'or. - Brynn Anderson  / SIPA
Caroline Vié

Caroline Vié

L'essentiel

  • On ne s’y attendait pas mais c’est « Titane » de Julia Ducournau qui a remporté la Palme d’or.
  • Elle est la deuxième femme et la première Française à remporter le trophée.
  • Ce film de genre aussi clivant que virtuose révèle Agathe Rousselle et défend l’inclusion avec passion en racontant l’histoire d’une psychopathe et sa relation étrange avec un pompier vieillissant joué par Vincent Lindon.

Quelle bonne surprise de voir Julia Ducournau remporter la Palme d’or pour Titane ! « Je suis fière de moi » a-t-elle déclaré timidement à la presse. Elle peut l’être. La réalisatrice est la deuxième femme (après Jane Campion pour La Leçon de piano en 1993 qui l’avait reçue ex aequo avec Chen Kaige et Adieu ma concubine) et la première Française à remporter le précieux trophée. « On est heureux que la Palme soit remise à une femme, a ajouté Jessica Hausner, réalisatrice du film Little Joe et membre du jury, mais cela n’a jamais été pris en compte dans nos discussions. »

Une palme à une femme… et pas n’importe quelle femme ! Elle n’a que 37 ans. Et seulement deux longs-métrages à son actif. Découverte par la Semaine de la Critique pour le conte cannibale Grave en 2016, Julia Ducournau signe ici le portrait d’une psychopathe incarnée par Agathe Rousselle, révélation magnétique d’un film dérangeant.

L’amour du genre

Attirée depuis toujours par le cinéma de genre, Julia Ducournau se réclame de David Cronenberg qu’elle admire. « Dans ses films, on voit beaucoup de corps mutilés, blessés… ça peut paraître violent, mais il ne transige pas avec la mort. Il ne met pas de mots pour essayer de l’intellectualiser, de l’adoucir, mais des images. C’est très concret », expliquait Julia Ducournau à 20 Minutes au moment de la sortie de Grave. L’influence du maître canadien est indéniable dans Titane autant que dans Grave. « J’aime déranger sans répugner, nous confiait encore la réalisatrice. Plutôt que les films glauques, je préfère les films qui dégagent un souffle libérateur. »

Clivant même pour le jury

« Je suis ravie de voir Titane couronné car le cinéma de genre est trop souvent mésestimé », a précisé Mylène Farmer, membre du jury. Spike Lee et ses comparses ont visiblement eu du mal à se mettre d’accord comme ils l’ont révélé lors de la conférence de presse donnée juste après le palmarès. « On avait vingt-quatre films mais pas vingt-quatre prix, a déclaré Spike Lee. On savait qu’on devait arriver à un résultat. Alors on a discuté, avec passion, mais sans jamais crier. C’était très respectueux. » Pas enthousiaste monsieur le président qui a, tout de même avoué concernant le personnage que joue Agathe Rousselle dans Titane : « C’était la première fois que je voyais une femme se faire mettre enceinte par une Cadillac. »

Quelques minutes auparavant, la cinéaste, très émue entre son actrice et l’autre star du film Vincent Lindon, avait remercié le jury de « reconnaître le besoin viscéral qu’on a d’un monde plus inclusif et plus fluide et d’avoir laissé entrer les monstres ».

Une femme libre

Julia Ducournau, issue de la Fémis en section scénario, avait signé plusieurs courts-métrages avant Grave. Elle était d’ailleurs venue présenter l’un d’eux, Junior, à la Semaine de la Critique en 2011. Un beau parcours en seulement dix ans qu’elle n’a pas pu commenter à la conférence de presse tant elle était bouleversée. Elle regardait sa Palme, incrédule, « pour voir si elle va bien ».


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Si elle admet avoir pensé à Jane Campion en recevant son trophée, elle se sent un peu dépassée par le succès et le symbole qu’on veut la voir représenter. « J’espère que j’ai reçu mon prix pour mon film et pas pour mon genre parce que mon genre ne me définit pas », a-t-elle martelé en reconnaissant être enchantée de faire partie d’un mouvement qui va mener d’autres femmes à se faire entendre et récompenser.

« Mon film n’est pas parfait, disait Julia Decournau sur scène, on dit même qu’il est monstrueux », remerciant le jury d’avoir « laissé entrer les monstres ». Ce sont de bien beaux monstres qu’on peut déjà découvrir en salle.