REPORTAGE« Il ne suffit pas d’éloigner la victime de violences intrafamiliales »

Violences conjugales : « Il ne suffit pas d’éloigner la victime et son auteur, il faut aussi réparer »

REPORTAGEEn 2020, les autorités ont dénombré plus de 100.000 victimes de violences intrafamiliales qui, en dehors du parcours pénal, sont accompagnées par les autorités et les associations
Derrière une vitre sans tain, avant l'audition d'un enfant victime de violence intra famililale
Derrière une vitre sans tain, avant l'audition d'un enfant victime de violence intra famililale - Alexandre Vella / 20 Minutes / 20 Minutes
Alexandre Vella

Alexandre Vella

L'essentiel

  • En France, 53 départements comptent des Maison de protections de la famille. En 2020, les autorités ont dénombré plus de 100.000 victimes de violences intra familiale.
  • En dehors du parcours pénal, victimes, enfants, mais aussi auteurs sont accompagnés par les autorités et les associations.
  • Reportage dans le Var, auprès de l’unité de gendarmerie spécialisée et de En Chemin, une association qui propose un accompagnement et un logement aux victimes comme aux auteurs de violences intra familiale.

Les enfants y accèdent par une porte dérobée. Le groupement de gendarmerie de La-Valette-du-Var, non loin de Marseille, abrite depuis mars dernier une Maison de protection de la famille (MPF), un dispositif initié à la suite du Grenelle des violences conjugales, fin 2019.

Dans un local peuplé de peluches et haut en couleur, la maréchale des logis-chef Elodie Reysset a laissé son uniforme de côté. « Je questionne toujours les enfants en civil », parce qu’ils peuvent avoir le souvenir des forces de l’ordre débarquant au domicile pour interpeller un des parents, explique cette mère de deux enfants. Derrière une vitre sans tain, un de ses quatre collègues – deux femmes et deux hommes – de la MPF, enregistre l’entretien. « Un CD part au parquet, une copie reste pour les enquêteurs ».

« Longtemps, on a mis les enfants de côté »

Depuis le début de l’année près de 200 enfants ou mineurs ont été auditionnés dans ces locaux, une hausse de 50 % par rapport à l’an dernier à pareille époque. Aujourd’hui, les enfants sont presque systématiquement entendus. « Longtemps on les a mis de côté, en ne les considérant forcément comme victimes lorsqu’ils ne sont pas directement l’objet des violences et en ne les écoutant pas », regrette Elodie Reysset.

Les gendarmes du Var, dont le secteur couvre la moitié de la population du département (1,2 million de personnes en hiver, 2 millions en été) mais 86 % de sa surface sont déjà intervenus « près de 1.200 fois cette année pour des affaires de violences intrafamiliales », détaille Sébastien Gibier, chef d’escadron. « Les dossiers sont souvent mixtes, reprend la maréchale des logis. On a des violences psychologiques avec des violences sexuelles. Dans la dernière commission rogatoire que j’ai traitée, il y avait dix infractions différentes. »

« Il ne suffit pas d’éloigner la victime et son auteur. Il faut aussi réparer »

A la suite des gendarmes, une intervenante sociale prend le relais auprès des familles, souvent des mères. « J’essaye de dresser le tableau et de comprendre les besoins immédiats de ces personnes », avance Laetitia Coulonier. « Il ne suffit pas d’éloigner la victime et son auteur. Il faut aussi réparer », poursuit-elle. Et pour aider, hormis la réponse pénale, les familles, généralement des femmes avec enfants, parfois seules, sont orientées vers des associations.

Dans le Var, En Chemin, association créée en 2004, met à disposition quelque 200 logements dont trois sont expressément adaptés aux situations d’urgences de violences conjugales. « La police a les clés et peut procéder à des mises à l’abri le week-end, s’ils l’estiment nécessaire. Ensuite, le lundi, nos travailleurs sociaux prennent le relais », indique Anne Bouthors, directrice générale de En chemin. Depuis le début de l’année ce sont un peu moins de 250 personnes, pas uniquement victimes de violences intrafamiliales, mais aussi quelques migrants et personnes en situations de précarité, qui ont été logées par cette association dont les hébergements peuvent aller jusqu’à 18 mois. « Le long de ce parcours, se pose aussi la question de l’accompagnement juridique mais aussi de l’insertion professionnelle », car souvent l’indépendance financière est la meilleure protection contre les violences conjugales.

« Ce n’est pas toujours aux victimes de s’en aller »

Ces derniers mois l’association a aussi développé un centre de prise en charge des auteurs de violences, qui souvent des problèmes d'addiction, voire de polyaddiction. « C’est important pour éviter la récidive », souligne Anne Bouthors dont l’association gère dix logements dédiés aux auteurs, « parce que ce n’est pas toujours aux victimes de s’en aller ».

En France, 53 départements comptent des Maison de protections de la famille. En 2020, les autorités ont dénombré plus de 100.000 victimes de violences conjugales.

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