FAKE OFFSur les revenus des dealers, Darmanin pris en flagrant délit d'exagération

Cannabis : Sur les revenus des dealers, Gérald Darmanin pris en flagrant délit d'exagération

FAKE OFFLe ministre de l’Intérieur a affirmé que les trafiquants de cannabis gagnent 100.000 euros par jour, une affirmation bien éloignée des montants relevés par des chercheurs
Gérald Darmanin au ministère de l'Intérieur, le 12 mai.
Gérald Darmanin au ministère de l'Intérieur, le 12 mai. - Jacques Witt/SIPA / SIPA
Mathilde Cousin

Mathilde Cousin

L'essentiel

  • Justifiant son opposition à la légalisation du cannabis, Gérald Darmanin a avancé que les trafiquants de cannabis vivent avec 100.000 euros par jour.
  • Un montant éloigné des sommes que touchent la majorité des trafiquants.
  • « A l’exception de ceux qui sont à la tête des réseaux et peuvent développer des logiques d’enrichissement personnel et d’accumulation, voire d’investissement, la plupart des gens impliqués sont au mieux des "smicards du trafic", voire une sorte de "lumpen prolétariat" des réseaux », notait la sociologue Claire Duport en 2012.

Une estimation qui a surpris jusqu’aux députés LREM. Pour motiver son opposition à la légalisation du cannabis, qu’il considère comme une « insulte » et une « défaite morale », Gérald Darmanin a joué la carte financière au micro de France Info.

« Est-ce que vous pensez que des caïds, des voyous qui vivent avec 100.000 euros d’argent liquide par jour, vont monter une petite échoppe, déclarer à l’Urssaf et aux impôts, payer des cotisations, comme ça, pour vendre le cannabis au coin de la rue, sur le Vieux port de Marseille ? Ce n’est pas comme ça que ça se passe », a ironisé le ministre de l’Intérieur mardi.

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Le ministère de l’Intérieur n’a pas été en mesure de répondre aux sollicitations de 20 Minutes sur l’origine du chiffre cité par le ministre.

Cet ordre de grandeur est bien loin des estimations de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT) en 2016. La rémunération d’un guetteur était estimée, en moyenne, à 90 euros la journée. Celle d’un vendeur, à 150 euros, et d’un chef de vente, 535 euros. Un « bras droit » peut gagner 1.450 euros en moyenne à la tâche.

Les auteurs de ce tableau y apportent un bémol important : « Quasiment personne ne travaille à plein temps », ce qui signifie, comme l'expliquait l’OFDT à Libération, que ces chiffres « ne sauraient être multipliés par 30 pour obtenir un total mensuel car l’activité n’est pas continue et pas à taux plein ».

Ces petites mains du trafic, les plus nombreuses, avaient en 2007 un chiffre d’affaires – et non un revenu – estimé à 7.000 euros par an, moitié moins qu’un SMIC de l’époque, selon les travaux du chercheur Christian Ben Lakhdar. En haut de l’échelle, les « grossistes », que le spécialiste dénombre à environ 1.000, avaient un chiffre d’affaires moyen annuel de 400.000 euros par individu. Le mot « individu » peut être entendu « comme une famille ou un petit regroupement de personnes », précise le chercheur.

En 2015, un procès donne un éclairage sur les revenus du trafic

Le procès du réseau dit de La Castellane, à Marseille, en 2015, avait permis d’apporter un nouvel éclairage sur les revenus tirés du trafic de stupéfiants. Un guetteur gagnait entre 50 et 80 euros, selon des témoignages relayés par Le Parisien. Pour un vendeur, c’était 100 euros par jour. Une nourrice, chargée d’héberger chez elle de la drogue ou d’autres biens liés au trafic, assure avoir été payée 1.600 euros par mois.

Les revenus grimpent pour certains membres plus importants du réseau. Un « gérant de point de vente » a eu 30.660 euros de revenus en deux mois et demi, rapporte Mediapart. Un « logisticien de gérants de points de deal », 77.280 euros sur la même période.

Ce procès illustre ce que notait la sociologue Claire Duport en 2012 : « A l’exception de ceux qui sont à la tête des réseaux et peuvent développer des logiques d’enrichissement personnel et d’accumulation, voire d’investissement, la plupart des gens impliqués sont au mieux des "smicards du trafic", voire une sorte de "lumpen prolétariat" des réseaux ». Loin, donc, des 100.000 euros par jour annoncés par le ministre.

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