JOURNAL D'UN NFT (2/6)Comment la maison de ventes « badass » Piasa a débarqué dans l'aventure NFT

Comment la maison de ventes « badass » Piasa a débarqué dans l'aventure NFT

JOURNAL D'UN NFT (2/6)Dans cette série d’articles, nous vous racontons l’aventure un peu folle qui a conduit « 20 Minutes » à transformer un exemplaire numérique en NFT et à le mettre aux enchères avec la maison de vente Piasa
Illustration de la maison de ventes PIASA
Illustration de la maison de ventes PIASA - PIASA / HPE
Laure Beaudonnet

Laure Beaudonnet

L'essentiel

  • «20 Minutes » se lance dans le monde des cryptos avec la maison de ventes Piasa et vous raconte, sous la forme d’un journal en plusieurs épisodes, toutes les étapes du projet.
  • Chaque semaine jusqu'au mois d'octobre, on vous raconte comment on a organisé la première vente d'un NFT de journal en France avec la maison Piasa.
  • Dans ce deuxième épisode, 20 Minutes vous raconte comment l’audacieuse maison de ventes Piasa a été associée à ce projet. Bienvenue dans l’odyssée virtuelle des crypto-arts.

Dans le premier épisode, je vous racontais comment 20 Minutes a décidé de se lancer dans une épopée virtuelle hors du commun : transformer le supplément « Les folles années 2020 », un numéro numérique de six pages, en non-fungible token ( NFT). Au moment de générer le jeton sur la plateforme Rarible, j’ai eu envie de m’associer à une maison de ventes pour copier Beeple ou Tim Berners-Lee (le créateur du World Wide Web qui a vendu des millions de dollars le code source du Web en NFT) et mettre aux enchères ce numéro collector dans une vente publique.

Quelques-unes des plus grosses ventes de NFT américaines ont été organisées par une maison de ventes. Christies pour Beeple, Sothebys pour le World Wide Web et l’artiste Pak, et même la maison de ventes française Millon pour un lot de 13 NFT. La vente s’est expatriée en Belgique pour des raisons légales. Avec la naïveté du profane, je contacte la célèbre maison de ventes anglo-saxonne Sotheby’s pour lui proposer mon projet : vendre aux enchères un numéro de 20 Minutes qui n’a jamais été imprimé pour en faire un numéro unique en son genre. Une sorte de collector et une première en France pour un journal. Comment refuser une idée pareille ? Et pourtant…

Piasa, l’agence badass

La réponse de Sotheby’s est sans appel : « Les biens NFTs entrent dans le cadre de biens immatériels et ne sont pas autorisés à être vendus en France à l’heure actuelle ». Première nouvelle ! Je ne me décourage pas pour autant. Je prends rendez-vous avec le Conseil des ventes, l’autorité de régulation du marché des ventes aux enchères publiques en France, pour en savoir plus à ce sujet et essayer de trouver une façon de surmonter cet obstacle (le premier d’une longue série).

Pierre Taugourdeau, directeur délégué aux affaires juridiques au Conseil des ventes, m’explique que « les biens incorporels, comme le sont les œuvres numériques, les NFT et les droits d’auteur, par exemple, n’entrent pas dans le champ des ventes aux enchères publiques volontaires », mais « si l’on joint un bien corporel à la vente de NFT, c’est possible de mettre les deux ensemble aux enchères. » Il suffirait d’accompagner notre NFT d’un poster de la une du journal numérique ou d’une plaque d’impression offset (une plaque métallique généralement utilisée par les imprimeurs pour sortir à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires notre journal) pour que la vente aux enchères puisse avoir lieu. Cette dernière idée est d’autant plus percutante qu’il s’agirait d’une plaque d’impression d’un numéro qui n’a jamais été imprimé. La rencontre du Web et du print.

Mais ce sera sans Sotheby’s qui ne préfère pas prendre de risque. « Sans une législation clairement définie, Sotheby’s dans le respect de la législation en vigueur n’organise pas de vente NFT en France », m’écrit la maison. Pas mieux du côté d’Artcurial. Millon, qui semblait mordre à l’hameçon, ne répond plus à mes sollicitations. Dommage… Je ne me décourage pas pour autant. Si toutes les maisons de ventes refusent de s’associer à ce projet, ce sera une bonne anecdote à raconter dans ce journal de bord.

« 20 Minutes » entre dans l’histoire

Je suis à deux doigts de lâcher l’affaire en repensant au New York Times qui n’a pas eu besoin d’une maison de ventes pour faire parler de lui. L’article du journaliste spécialisé dans les nouvelles technologies Kevin Roose, a été vendu en mars dernier plus de 500.000 dollars sur la plateforme Foundation. Je m’apprête à reprendre ma ruée vers l’ether là où je l’avais laissée, quand je reçois une réponse de Piasa, une maison de ventes réputée pour son inventivité et son audace. Ça sent bon. La réunion a lieu dès le lendemain et le directeur général Frédéric Chambre s’avère plus enthousiaste que jamais. Il propose d’organiser une vente aux enchères physique -avec marteau- et caritative au moment de la Fiac, en octobre prochain. J’ai un sourire figé sur le visage : 20 Minutes s’apprête à entrer dans l’histoire des crypto-arts grâce à Piasa !

Mais l’excitation ne tarde pas à être perturbée par un sentiment diffus d’angoisse. Je comprends vite que la vente est en train de se transformer en casse-tête. Il va falloir résoudre des questions qui ne se seraient pas posées si j’avais vendu mon NFT tranquillou dans mon coin sur OpenSea, NiftyGateway, SuperRare ou Foundation. A-t-on le droit de vendre le NFT d’un journal numérique, produit grâce à l’intervention de plusieurs journalistes et agences de photos, sans l’accord des auteurs en question ? Faut-il élaborer un smart contract et le déployer sur la blockchain ? Si c’est le cas, on va avoir besoin du soutien d’un avocat, d’un développeur spécialisé blockchain. On passe un cap dans la prise de risque. Faut-il paniquer tout de suite ou attendre demain ?


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Tout aurait été tellement plus simple si j’avais fait ce que j’avais prévu : bidouiller un petit NFT et raconter tout ça dans un article. Mais ça nous aurait fait passer pour des copieurs. Numerama a déjà fait son propre tuto NFT en avril. En réalité, cette idée me trotte dans la tête depuis le mois de mars mais je ne pourrai pas le prouver. Et je ne vais quand même pas me laisser impressionner par un petit jeton virtuel de rien du tout !

Dans le prochain épisode, on vous parle de l’épineuse question des droits d’auteur, l’un des principaux casse-tête de cette odyssée virtuelle. A la semaine prochaine chers crypto-addicts.

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