INTERVIEWLes réponses à cinq questions que se posent les amateurs de bière

« Une bonne bière ? Equilibrée et buvable en grande quantité ! », pour la zythologue Marie-Emmanuelle Berdah

INTERVIEWInvitée du festival « Nantes sous pression » ce week-end, la spécialiste de la bière Marie-Emmanuelle Berdah délivre ses secrets
La Nantaise Marie-Emmanuelle Berdah est spécialiste de la bière
La Nantaise Marie-Emmanuelle Berdah est spécialiste de la bière  - J. Urbach/ 20 Minutes / 20 Minutes
Julie Urbach

Propos recueillis par Julie Urbach

L'essentiel

  • La Nantaise Marie-Emmanuelle Berdah exerce le métier de zythologue.
  • Comment bien déguster sa bière ? Comment ne pas se planter au bar ?
  • 20 Minutes a bu un coup avec elle et lui a posé ses questions.

A 30 ans, Marie-Emmanuelle Berdah exerce le métier de zythologue dans une cave de Bouguenais, près de Nantes. Cette passionnée de bières, diplômée, mi-sommelière mi-œnologue si l’on doit faire la comparaison avec le vin, anime plusieurs ateliers ce week-end à l’occasion du festival « Nantes sous pression », grand rendez-vous dédié à la bière artisanale. 20 Minutes a bu un coup avec elle et lui a posé quelques questions.

Boire à la bouteille ou dans un verre, c’est pareil ou pas ?

Pas du tout ! Pour bien déguster sa bière, je recommande de boire dans un verre, et pas n’importe lequel. Le mieux c’est le Teku, que l’on voit de plus en plus, ou en tout cas un verre à pied, qui permet aux aromatiques de se développer. Approchez votre nez avant de goûter : sentez-vous plutôt du végétal, de la céréale, des notes fruitées ? A la bouteille, le goulot est beaucoup trop fin pour ça. Avec un verre « classique », que l’on tient dans la main, il y a aussi un gros risque que la bière se réchauffe. Quant aux canettes, on verse aussi dans le verre. Je sais qu’elles ont mauvaise réputation mais il faut savoir que la bière déteste l’oxygène et la lumière. La canette répond très bien à ces deux problèmes, même si ce n’est pas le meilleur pour l’environnement !

Blonde, blanche, brune… C’est vraiment important la couleur ?

Ce qui donne la couleur d’une bière, c’est le malt [l’un des quatre ingrédients de la bière avec l’eau, le houblon et la levure] et son niveau de torréfaction. Dans la blanche, il y a du blé qui donne ce côté trouble. Pour faire un petit peu d’histoire, ce sont les industriels qui, dans les années 1980, ont racheté le peu de brasseries qui restaient et ont décidé de donner des couleurs aux bières pour simplifier le cahier des charges et uniformiser tout ça. Mais derrière, il y a surtout les goûts, avec 130 styles différents ! Après, c’est vrai qu’une blanche sera plus souvent peu amère avec des notes d’agrumes, alors qu'une brune, plus torréfiée, aura des notes de café ou chocolat.

Du coup, comment ne pas se planter quand on commande au bar ?

L’important quand on demande « une blonde » serait plutôt de savoir la saveur que l’on recherche : sucré, salé, acide, amer ? Quel degré d’alcool ? Avec ces éléments, c’est déjà plus facile de conseiller les clients. J’aime bien aussi leur parler de la consistance, avec des bières rondes et d’autres sèches. Un peu comme pour le vin blanc, il y a le moelleux et le sec. Pour moi, une bonne bière, c’est une bière équilibrée, qu’on a plaisir à boire en grande quantité, c’est-à-dire au moins un demi ! La mousse aussi est hyper importante car elle va jouer un rôle de protection. Grâce à elle, j’arrive aussi à voir si mon verre est bien propre (rires).

C’est uniquement à l’apéro ou ça marche aussi à table ?

Les deux ! Pour l’apéro, si tu as très soif, je te conseille une « lager ». Ce terme désigne toutes les bières à fermentation basse, c’est-à-dire à une température de 8-9 °C, et qui ne dépassent en général pas 5 °C d’alcool [par opposition aux « ales », à fermentation haute]. J’adore les « dark lagers », torréfiées mais désaltérantes, par exemple. Malgré ce qu’on entend, ce type de bière ne fait pas plus grossir qu’un verre de vin : ce sont plutôt les frites ou le saucisson que l’on mange à côté les responsables ! Quant aux accords mets et bières, c’est très intéressant car on a on a une palette aromatique plus grande que celle du vin. Le plus simple pour commencer, c’est avec le fromage. C’est aussi possible sur tout un repas, même une choucroute, notamment grâce la pétillance qui vient nettoyer le palais et alléger l’estomac.

Pourquoi la bière est-elle parfois vue comme une boisson d’hommes ?

Dès les premières traces en Mésopotamie, la bière a été une affaire de femmes ! En Angleterre, il y a eu les Ale wifes souvent comparées à des sorcières. En France, c’étaient les mères de famille qui brassaient la bière de table… avant que les hommes ne s’aperçoivent qu’on pouvait en produire à grande échelle et faire de l’argent ! Les femmes ont alors été petit à petit évincées puis est apparu le marketing qui faisait passer la bière, et son amertume, pour une boisson virile. Souvenez-vous de cette pub « J’aime la Kro, j’aime ma femme, ma femme achète de la Kro, c’est fou ce que j’aime ma femme »… Aujourd’hui, j’entends encore cette expression de « bière de femmes » pour les bières très sucrées. C’est dommage car les papilles ne sont pas genrées ! Donc, oui, c’est un combat, mais ça évolue et tant mieux !

«Nantes sous pression», c'est ce week-end

Une quarantaine de brasseries participeront ce week-end au final de la 2e édition de «Nantes sous pression», au Solilab sur l’île de Nantes. De nombreux ateliers et dégustations sont au programme.