POST MORTEMLe Pentagone reconnaît avoir « surestimé » l’armée afghane

Etats-Unis : Le Pentagone reconnaît un « échec stratégique » et avoir « surestimé » l’armée afghane

POST MORTEMLes généraux américains se sont justifiés devant le Sénat américain, mardi,
Le chef d'état major de l'armée américaine, le général Mark Milley (gauche) et le secrétaire à la Défense, Lloyd Austin, se sont expliqués sur le retrait raté d'Afghanistan devant une commission du Sénat, le 28 septembre 2021.
Le chef d'état major de l'armée américaine, le général Mark Milley (gauche) et le secrétaire à la Défense, Lloyd Austin, se sont expliqués sur le retrait raté d'Afghanistan devant une commission du Sénat, le 28 septembre 2021. - Jack Gruber-USA TODAY/Sipa USA/S / Pixpalace
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Ils n’y sont pas allés par quatre chemins, et tout le monde en prend pour son grade. Les chefs du Pentagone ont admis mardi des erreurs de jugement ayant conduit à un « échec stratégique » en Afghanistan, avec la victoire sans coup férir des talibans à l’issue de 20 ans de guerre. Ils ont notamment expliqué avoir « surestimé » l’armée afghane, sous-estimant la corruption et l’impact de l’accord négocié par Donald Trump. Et ils ont contredit Joe Biden, en affirmant qu’ils lui avaient conseillé de maintenir 2.500 soldats sur place pour éviter un effondrement.

Le chef d’état-major, le général Mark Milley, et le chef du commandement central américain (Centcom), le général Kenneth McKenzie, se sont justifiés devant le Sénat. Selon eux, Joe Biden a choisi de ne pas suivre leur conseil, que le locataire de la Maison Blanche affirmait ne pas avoir reçu. « Personne ne m’a dit ça à ma connaissance », affirmait Biden le 19 août sur ABC.

« Pris par surprise »

« Le fait que l’armée afghane, que nous avons formée avec nos partenaires, se soit effondrée -- souvent sans tirer une balle – nous a tous pris par surprise », a admis le ministre américain de la Défense Lloyd Austin. « Nous n’avons pas réalisé le niveau de corruption et l’incompétence de leurs officiers de haut rang, nous n’avons pas mesuré les dommages causés par les changements fréquents et inexpliqués décidés par le président Ashraf Ghani au sein du commandement, nous n’avons pas prévu l’effet boule de neige des accords passés par les talibans avec quatre commandants locaux après l’accord de Doha, ni le fait que l’accord de Doha avait démoralisé l’armée afghane », a-t-il énuméré.

L’administration de Donald Trump a signé le 29 février 2020 à Doha un accord historique avec les talibans qui prévoyait le retrait de tous les soldats étrangers avant le 1er mai 2021, en échange de garanties sécuritaires et de l’ouverture de négociations directes inédites entre les insurgés et les autorités de Kaboul.

Crédibilité « endommagée »

« C’est un échec stratégique », a commenté le général Mark Milley. « L’ennemi est au pouvoir à Kaboul. Il n’y a pas d’autre façon de décrire les choses ». Il a aussi prévenu que le risque d’une reconstitution en Afghanistan d’Al-Qaïda ou du groupe Etat islamique était « une possibilité très réelle ».

Au moment où le Pentagone affirme pouvoir poursuivre à distance ses frappes de drone contre Al-Qaïda et l’EI, le général McKenzie a été questionné sur les chances d’éviter une attaque contre des intérêts américains lancée depuis l’Afghanistan par des groupes djihadistes. « Cela reste à voir », a-t-il répondu.

Le général Mark Milley a noté que la décision de retirer d’Afghanistan les conseillers militaires déployés au sein des unités afghanes, il y a trois ans, a contribué à surestimer les capacités de l’armée afghane. « Nous n’avons pas pu évaluer complètement le moral et la volonté du commandement », a-t-il expliqué. « On peut compter les avions, les camions, les véhicules, les voitures (…) mais on ne peut pas mesurer le coeur humain avec une machine. (…) Il faut être là. »

Des divergences sont apparues entre le chef d’état-major et le ministre, lorsqu’un élu leur a demandé si la réputation des Etats-Unis avait été « endommagée » par le retrait. « Je pense que notre crédibilité auprès de nos alliés et partenaires dans le monde, ainsi qu’auprès de nos adversaires, est réexaminée avec beaucoup d’attention », a déclaré le chef d’état-major. « Endommagée est un mot qui peut être employé, oui. » « Je pense que notre crédibilité reste solide », a au contraire jugé Austin.