PORTRAITQui est Otoniel le plus puissant trafiquant de drogue arrêté en Colombie ?

Colombie : Qui est Otoniel, le paysan devenu le plus puissant trafiquant de drogue du pays ?

PORTRAITSeptième de neuf enfants, un paysan sans idéologie particulière, ne dormait jamais deux nuits consécutives au même endroit pour échapper aux autorités
'Otoniel'-, le baron de la drogue le plus recherché de Colombie et chef du clan du Golfe, le 24 octobre 2021, après sa capture à Bogota.
'Otoniel'-, le baron de la drogue le plus recherché de Colombie et chef du clan du Golfe, le 24 octobre 2021, après sa capture à Bogota. - Colombian Police / AFP / AFP
M.F avec AFP

M.F avec AFP

Samedi, l’un des hommes les plus recherchés de Colombie a été arrêté. « Cela faisait sept ans que nous étions derrière lui », a précisé samedi le général Fernando Navarro, le chef de l’armée colombienne. Dairo Antonio Usuga, alias « Otoniel », le plus puissant trafiquant de drogue du pays était également recherché par les autorités américaines qui offraient cinq millions pour toute information permettant sa localisation ou sa capture. ​L’homme de 50 ans, était fiché par le Département d’Etat américain comme chef d’une organisation « fortement armée, extrêmement violente » et utilisant « violence et intimidation » pour contrôler les routes du trafic de drogue et des laboratoires de fabrication de cocaïne.

Le président colombien Ivan Duque a comparé l’arrestation de ce chef du Clan del Golfo, principal gang du pays d’Amérique du Sud, à la chute de Pablo Escobar, chef du cartel de Medellin (nord-ouest), abattu par la police en 1993. Mais comment un paysan « sans idéologie particulière », devenu transfuge de guérilla de gauche en milice paramilitaire d’extrême-droite est finalement devenu le plus gros narcotrafiquant de Colombie ?

Un réseau criminel présent dans près de 300 municipalités

Né le 15 septembre 1971 à Neclocli, située sur le golfe d’Urabá, dans le nord-ouest de la Colombie et stratégiquement placée à la frontière du Panama, de l’océan Pacifique et de la mer des Caraïbes, il avait pris la tête du Clan del Golfo après la mort de son frère, Juan de Dios, alias « Giovanni », lors d’un affrontement avec la police en 2012. Les deux hommes avaient monté un réseau criminel présent dans près de 300 des 1.102 municipalités de Colombie, principalement sur la côte Pacifique, d’où partent la plupart des cargaisons de drogue, en majeure partie vers les Etats-Unis.

Dairo Antonio Usuga avait « un important portefeuille d’activités criminelles, dont l’exploitation de mines illégales et le passage de migrants vers le Panama », selon l’expert en sécurité, Ariel Avila. D’après le centre d’investigation sur le crime organisé InSight Crime, le Clan del Golfo travaille aussi avec de petits gangs de rue qui se chargent pour lui du micro-trafic de drogue, d’extorsions et de meurtres par des tueurs à gage.

« Ce n’était pas un révolutionnaire »

« Otoniel », septième de neuf enfants nés d’Ana Celsa David et Juan de Dios Usuga, un couple qui vivait de la vente de bétail, porcs et volailles dans le département d’Antioquia (nord-ouest), utilisait des techniques guérilleras pour semer ceux qui le poursuivaient. Il ne voyageait qu’à pied ou à dos de mule, ne dormait jamais deux nuits consécutives au même endroit, selon les autorités colombiennes qui ont déployé jusqu’à un millier d’hommes pour tenter de le capturer.

A 18 ans, il avait rejoint l’Armée de libération populaire (EPL), une guérilla marxiste démobilisée en 1991 au bout de 26 ans de rébellion. « Ce n’était pas un révolutionnaire. Mais il n’y avait que ça et il est parti avec eux », avait raconté sa mère en 2015 dans un entretien au quotidien El Tiempo en 2015. Mais Dairo Antonio Usuga ne s’est pas démobilisé en même temps que l’EPL.

De 1993 à 1994, il rejoint les milices d’Autodefense paysanne de Cordoba y Uraba (ACCU), un groupe paramilitaire d’extrême-droite créé pour combattre les guérillas, et lié au trafic de drogue. L’ACCU faisait partie des milices d’Autodéfense unies de Colombie (AUC), démobilisées en 2006 sous l’ex-président de droite Alvaro Uribe (2002-2010). Otoniel « était un paysan sans idéologie particulière », selon Ariel Avila, mais qui s’est senti « trahi » par le processus de démobilisation et a décidé de rester dans la clandestinité.