RECHERCHELe porc, futur réservoir d’organes pour la transplantation ?

Un rein de cochon greffé sur un homme… Le porc, futur réservoir d’organes pour la transplantation ?

RECHERCHELa toute première greffe d’un rein de porc a été réalisée avec succès chez l’homme aux Etats-Unis
Illustration d'une transplantation en bloc opératoire.
Illustration d'une transplantation en bloc opératoire. - DURAND FLORENCE/SIPA / SIPA
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • Des scientifiques américains ont greffé avec succès le rein d’un porc sur un humain.
  • Si les résultats de cette première mondiale se confirmaient, cela pourrait ouvrir la voie vers un nouveau réservoir d’organes pour combler les besoins des patients en attentes de greffe.
  • Mais cette découverte doit encore être examinée et validée par la communauté scientifique. Sans compter les questions éthiques que soulève cette possibilité.

EDIT (le 11 janvier 2022) : Le vendredi 7 janvier 2022, aux Etats-Unis, des chirurgiens ont réussi à greffer sur un patient un cœur issu d’un porc génétiquement modifié, une première mondiale. L’opération a permis de montrer pour la première fois qu’un cœur d’animal pouvait continuer à fonctionner à l’intérieur d’un humain. Nous vous proposons de relire notre article sur les greffes d’organes de porc, qui pourraient se généraliser dans le futur.

Une première mondiale porteuse d’espoir. Des scientifiques américains ont réussi à faire fonctionner sur un humain le rein d’un porc. L’opération a été menée à l’hôpital NYU Langone de New York le 25 septembre, à partir du rein d’un porc ayant subi une modification génétique, afin que l’organe ne soit pas rejeté par l’organisme humain.

Reins, poumons, cœurs… Cette expérimentation pourrait-elle signer la généralisation prochaine des greffes d’organes de porc chez l’homme ? Pourrait-on voir apparaître des fermes dans lesquelles des cochons génétiquement modifiés seraient élevés dans le seul but de fournir des organes aux humains en attente de greffe ? 20 Minutes fait le tour des (nombreuses) questions que pose cette opération.

La personne greffée vivra-t-elle avec le rein d’un porc ?

Ce rein n’a pas été à proprement parler implanté à l’intérieur d’un corps humain, mais connecté aux vaisseaux sanguins d’un patient en état de mort cérébrale, dont la famille avait autorisé l’expérimentation, au niveau du haut de sa jambe.

Le rein « a bien fonctionné » durant les 54 heures qu’aura duré l’expérience, a déclaré Robert Montgomery, directeur de l’Institut de transplantation de NYU Langone. « Il a fait ce qu’il était censé faire, (…) il a produit de l’urine ». « C’était mieux que ce à quoi nous nous attendions », a-t-il ajouté. « Cela ressemblait à n’importe quelle greffe que j’aie pu faire à partir d’un donneur vivant. Beaucoup de reins de personnes décédées ne fonctionnent pas tout de suite et mettent des jours ou des semaines à démarrer. Là, ça a fonctionné immédiatement ». Et « le fait que l’organe ait fonctionné à l’extérieur du corps est une forte indication qu’il fonctionnerait dans le corps », a-t-il estimé.

Pourquoi les scientifiques se tournent-ils vers les organes de porc ? Et pourquoi les porcs sont-ils génétiquement modifiés ?

Ce n’est pas nouveau, les chercheurs cherchent depuis longtemps à cultiver des organes porcins qui pourraient convenir à la transplantation chez l’homme. Le clonage et le génie génétique sont les pistes qui ont rendu cette hypothèse tangible ces dernières années. « Certains organes de porc ont une taille et une fonction similaires à ceux des humains », pointaient dès septembre 2017 des chercheurs de l’université de Harvard, dans une étude publiée dans la revue Science. « Face à la grave pénurie d’organes nécessaires aux greffes, la xénotransplantation – la transplantation d’organes non humains à l’homme - offre une source alternative », estimaient-ils. Ils avaient alors annoncé la possibilité de greffer des organes de porc à l’homme. A l’époque, le groupe de scientifique avait entrepris de modifier un fragment d’ADN pour inactiver des rétrovirus endogènes abrités par le génome du porc. Un essai couronné de succès et qui avait permis, dans le cadre de leur expérimentation, d’empêcher le rejet systématique de tissus porcins par le corps humain.

Mais ce n’est pas le seul obstacle. L’organisme humain contient de son côté des anticorps s’attaquant à un type de sucre présent normalement « sur toutes les cellules des porcs », ce qui provoque « un rejet immédiat » de l’organe, a expliqué Robert Montgomery. Pour contrer ce phénomène, l’animal a cette fois été génétiquement modifié pour ne plus produire ce sucre et il n’y a pas eu « de rejet rapide du rein » constaté.

La transplantation d’organes de porc chez l’homme peut-elle devenir une réalité à l’avenir ?

Si le succès se confirmait, les porcs génétiquement modifiés « pourraient potentiellement être une source d’organes durable et renouvelable », s’est réjoui le Dr Robert Montgomery. Cette première mondiale représente « un espoir majeur », a estimé sur Franceinfo le Pr Olivier Bastien, spécialiste de la transplantation et ancien directeur de l’activité de prélèvement et de greffes d’organes à l’Agence de biomédecine. Mais nombre d’experts appellent à la prudence, les résultats détaillés de l’étude menée n’ayant pas encore été publiés dans une revue scientifique de référence. Une étape importante pour évaluer si les résultats décrits par les chercheurs américains sont reproductibles. « C’est néanmoins un pas intéressant sur la route menant à l’utilisation de porcs génétiquement modifiés comme source d’organes pour les transplantations », a commenté Alan Archibald, spécialiste en génétique à l’université d’Edimbourg.

En outre, cette hypothèse soulève des questions d’ordre éthique. Alors que les questions liées au bien-être et à l’exploitation des animaux ont pris une place centrale dans le débat public, la perspective d’élever des porcs génétiquement modifiés dans le but d’en faire un réservoir à organes est loin de faire l’unanimité. « Les porcs ne sont pas des pièces de rechange et ne devraient jamais être utilisés comme tels simplement parce que les humains sont trop égocentriques pour donner leur corps à des patients désespérés pour des greffes d’organes », a déclaré dans un communiqué la branche américaine de la PETA.

Mais pour les patients en attente d’une greffe, cette expérimentation est porteuse d’espoir. Selon une enquête de l’association France Transplant sur les greffes rénales publiée début 2020, rien qu’en France, « 500 à 600 patients inscrits sur les listes d’attente meurent chaque année, faute d’avoir été greffés ».