ROI DU MONDELe bilan international, une carte à jouer pour un président en campagne ?

Présidentielle 2022 : Le bilan international, un atout pour un président en quête d’une réélection ?

ROI DU MONDEDepuis la rentrée, la diplomatie occupe largement l’agenda d’Emmanuel Macron, mais traditionnellement, les affaires étrangères comptent peu pour la présidentielle
Le président Emmanuel Macron lors d'un sommet européen. (archives)
Le président Emmanuel Macron lors d'un sommet européen. (archives) - ARIS OIKONOMOU / POOL / AFP / AFP
Rachel Garrat-Valcarcel

Rachel Garrat-Valcarcel

L'essentiel

  • De crises diplomatiques en rendez-vous internationaux, Emmanuel Macron occupe le devant de la scène internationale à un niveau inédit pour un président en fin de mandat.
  • Car traditionnellement, les affaires étrangères ne sont pas un sujet au cœur des priorités des électeurs et électrices au moment de voter à la présidentielle.
  • Au sein de la majorité, on ne voit pas d’instrumentalisation électorale à travers cet activisme, même si on espère en tirer quelques dividendes.

Un week-end à Rome (pour le G20), un lundi à Glasgow (pour la COP26) : Emmanuel Macron s’offre une grosse séquence internationale à l’occasion du week-end de la Toussaint. En réalité, c’est l'ensemble de la rentrée du chef de l’Etat qui a été dominée par les questions internationales. La crise des sous-marins avec l’Australie et les Etats-Unis, les tensions avec l’Algérie, le Royaume-Uni et le Mali… Pendant ce temps, à six mois de la présidentielle, Jean Castex est monté au front pour parler de la principale préoccupation des Françaises et des Français ces temps-ci : le pouvoir d’achat et la flambée des prix de l’énergie.

Emmanuel Macron et ses proches le savent pourtant sans aucun doute : les affaires étrangères, c’est rarement, pour ne pas dire jamais, un thème très payant dans les campagnes présidentielles. L’historien politique Jean Garrigues, interrogé par 20 Minutes, a beau chercher dans sa mémoire… « Non, ça n’a jamais été un sujet majeur. Même lors de la première élection au suffrage universel, en 1965 avec le général De Gaulle, alors que les questions de l’indépendance nationale et du non-alignement étaient des axes majeurs de sa politique ».

« Ça fait président »

Le président de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, le MoDem Jean-Louis Bourlanges, tempère ce constat. En faisant remarquer que les questions européennes peuvent être majeures : « Ça a été très important en 2017 dans la victoire d’Emmanuel Macron face à une Marine Le Pen dans l’incapacité d’assumer une sortie de l’euro, et donc de l’Europe », explique-t-il à 20 Minutes. Mais cela n’a-t-il pas été davantage perçu, à l’époque, comme une question économique ?

Aux yeux d’un président sortant en quête d’une réélection, les relations internationales présentent au moins un avantage important : « ça fait président » quand les autres ne sont « que candidats », reconnaît Jean Garrigues. « Cela vous place au-dessus de la mêlée, vous donne un élément de crédibilité, de légitimation ». En 1988, François Mitterrand, en quête d’un second septennat, avait joué ce couplet, notamment dans son mythique clip de campagne. Au bout d’une chronologie pop et rythmée de l’Histoire de France depuis la Révolution, le premier président socialiste de la Ve République apparaît au milieu de conférences internationales, aux côtés de Reagan, Thatcher. Et en point d’orgue, main dans la main avec Helmut Kohl, le chancelier allemand, près de Verdun.

Une instrumentalisation électorale des crises

Il y a, sur ce plan, la question du rayonnement de la France : « Cela rend fier les Français d’avoir un président qui pèse », analyse auprès de 20 Minutes la vice-présidente LREM de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Isabelle Rauch. Les récentes crises diplomatiques – qui ont chargé l’agenda élyséen à un point inédit pour une fin de mandat, croit Jean Garrigues – ont donné l’occasion à Emmanuel Macron de dessiner ce type de portrait présidentiel. Au point d’instrumentaliser ces crises pour en faire un argument de campagne ?

Jean-Louis Bourlanges parie sur la sincérité du président : « Je crois qu’Emmanuel Macron est fondamentalement soucieux de jouer un rôle international. Il veut que la France prenne la direction d’un certain nombre de combats : contre le réchauffement climatique, pour la montée en puissance de l’Europe unie… Je crois que ça n’est pas un calcul lié au calendrier électoral, même si ses initiatives contribuent à ciseler une image qui n’est pas sans incidence politique. »

Des milliards et des voix ?

Nous y voilà. Emmanuel Macron a fait de son activisme sur la scène internationale – à commencer par son discours « Make your planet great again », moins d’un mois après sa prise de fonction –, et tout particulièrement européenne, une marque de fabrique depuis le début. Et la députée de Moselle Isabelle Rauch estime que cela a eu des « traductions concrètes » pour les Françaises et les Français : « Par exemple, notre président est vraiment à l’initiative du plan de relance européen », qui va apporter plusieurs milliards d’euros à la France. Et pourquoi pas, aussi, des voix au chef de l’Etat.

D’autant que ce n’est pas terminé. Le 1er janvier 2022, à l’orée du sprint final de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron et la France assumeront la présidence tournante de l’Union européenne. Selon Isabelle Rauch, ce pourra être une arme pour lui, « car c’est un président européen depuis le début », juge-t-elle. Il aura en tout cas de la place pour le dire, puisque le CSA a récemment annoncé que lorsqu’Emmanuel Macron s’exprimera dans les médias pour parler de la présidence française de l’UE, ce temps de parole ne sera pas décompté.

« Une arme secondaire »

Cet avantage – si c’en est bien un – ne paraît néanmoins pas déterminant pour Jean Garrigues. Il admet certes que la présidence tournante de l’UE par la France peut être une arme, « mais une arme secondaire ». « Il ne faut pas se faire trop d’illusion. La présidence de l’UE vous donne plus de visibilité que de vrai pouvoir, juge quant à lui Jean-Louis Bourlanges. L’Etat qui préside n’est jamais vraiment maître de l’agenda. Un projet européen met deux ou trois ans pour aboutir. Donc, pendant vos six mois de présidence, vous êtes l’héritier des enfants des autres et vous n’avez pas le temps de voir grandir les vôtres. »

« Vous pouvez être un formidable éveilleur de conscience et lanceur d’initiatives », ajoute tout de même l’ancien député européen. Pour briller, on pariera donc plus sur des crises. En la matière, de précédentes présidences françaises ont été servies : au second semestre 1989, François Mitterrand a dû faire face à la chute du Mur de Berlin et du rideau de fer. Et en 2008, Nicolas Sarkozy a affronté la crise financière. Mais dans ces deux cas, les locataires de l’Elysée n’étaient pas en campagne. D’autan que de tels séismes mondiaux sont à double tranchant. En cas de succès, le président-candidat incarne le capitaine dans la tempête et peut espérer en tirer des bénéfices électoraux. Mais dans le cas contraire, les autres candidats et candidates ne le rateront pas.