HOPITALPourquoi les urgences bordelaises débordent depuis la rentrée ?

Bordeaux : Pourquoi les services des urgences sont encore plus débordés que d’habitude ?

HOPITALLa grève en cours chez SOS médecins explique en partie une hausse de l’activité dans les urgences du CHU de Bordeaux à Pellegrin et à Saint-André
Une hausse de 10 % du nombre de passages par jour est observé depuis cette rentrée, aux urgences du CHU de Bordeaux.
Une hausse de 10 % du nombre de passages par jour est observé depuis cette rentrée, aux urgences du CHU de Bordeaux.  - NICOLAS TUCAT / AFP / AFP
Elsa Provenzano

Elsa Provenzano

L'essentiel

  • Le nombre de passages par jour au CHU de Bordeaux a augmenté de 10 % depuis le début de la rentrée, alors que les personnels sont déjà épuisés par la crise sanitaire.
  • Plusieurs explications peuvent être avancées pour lire cette situation, en particulier le manque de lits d’aval et les problèmes de recrutement de personnels.
  • Le CHU espère relancer son attractivité avec un plan d’action pour recruter infirmiers et aides-soignants en CDI. L’ARS œuvre pour développer le maintien à domicile des personnes âgées et la télémédecine pour tous.

Depuis la fin de l’été, le nombre de passages par jour aux urgences du CHU de Bordeaux (à Pellegrin et Saint-André) a augmenté de 10 %, passant de 200 à 220.
« Malheureusement certains patients sont dans des brancards installés dans les couloirs, mais ce ne sont pas ceux qui restent plusieurs jours », rapporte Eric Tellier, chef du service des urgences adultes de l'hôpital Pellegrin, dont le nombre d’admissions oscille entre 150 à 170 passages ces temps-ci, après des pics à 200 voire 220 pendant les vacances de la Toussaint.

Tous les services d’urgence de la métropole sont en difficulté actuellement mais celui de l’hôpital Pellegrin, étant celui avec la plus grosse capacité d’accueil, a la particularité d’être une solution de report pour les autres services, publics et privés, eux aussi engorgés. Les services de régulation du Samu et du Smur traite 1.200 dossiers par jour, contre 1.000 en temps normal.

Des personnes âgées sans solution

« Les flux de patients sont bien plus élevés qu’avant le Covid-19, estime le docteur Eric Tellier. On accueille davantage de patients âgés polypathologiques, qui requièrent beaucoup de soins et prennent du temps médical et paramédical. » Si tout allait bien, ils ne devraient jamais se retrouver aux urgences mais ils arrivent pour « maintien à domicile difficile », explique-t-il, quand les médecins généralistes qui les suivent « sont arrivés au bout de ce qu’ils peuvent faire ». Ces patients restent parfois cinq à six jours aux urgences par défaut de place dans les autres services. « La direction de l’hôpital est très informée et fait tout ce qu’elle peut avec l’agence régionale de santé [ARS] pour débloquer ces lits-là et admettre les patients là où ils doivent aller, estime le chef de service des urgences de Pellegrin. Mais, c’est tout un système qui est mis à mal par les politiques des vingt dernières années ».

Après plus de 18 mois d’une crise sanitaire qui a mis à rude épreuve des personnels soignants en sous-effectifs, des indicateurs d’épuisement sont bien visibles. Parmi eux, une augmentation « des accidents d’expositions au sang » aux urgences, pointe le docteur Eric Tellier. Et globalement, le CHU a vu le taux d’absentéisme de ses équipes passer de 8 à 9 %.

Plusieurs explications

« Depuis le 27 septembre, il y a une grève chez SOS médecins qui assurait 50 visites par jour rien que sur Bordeaux, avance Yann Bubien. Et, 9 fois sur 10, cela permettait un maintien à domicile des patients. » Autre paramètre, il y a un report des prises en charge qui avaient été décalées pendant la crise sanitaire. « On combine une augmentation de l’activité due en partie à la grève et un rattrapage de soins, assez sensible, depuis septembre de cette année », résume le directeur général du CHU de Bordeaux. D’autant plus qu’entre les vacances d’été et celles de Noël, c’est toujours une forte période d’activité pour les services hospitaliers.

« Il y a un manque de lits, dû à un manque de personnels, qui s’est accru ces dernières années et un déficit de recrutement, observe le docteur Eric Tellier. Cela fait des années que les lits de soins de suite et de réadaptation [SSR] ne sont pas ouverts alors qu’il y a un vieillissement de la population, et les offres en Ehpad sont très limitées ». Actuellement 9 % des lits du CHU sont fermés par manque de personnels, soit 2.333 lits ouverts sur une capacité de 2580.

« Historiquement, la Gironde a pris du retard sur les créations de lits de SSR, commente Bénédicte Motte, directrice de la délégation départementale de la Gironde à l’ARS Nouvelle-Aquitaine. On essaye d’inverser la tendance et on a beaucoup de projets en cours d’instruction. »

Quels leviers d’actions ?

Le CHU essaye d’ajuster au mieux ces moyens à la situation, en constante évolution. La protection civile a été appelée en renfort pour accueillir et orienter les personnes qui se présentent aux urgences, par exemple. « On a lancé un plan d’attractivité médicale et paramédicale pour recruter davantage, en particulier des infirmiers et des aides soignants, détaille le directeur du CHU. On propose des embauches directes en CDI et un accès au statut de fonctionnaires qui peut être plus rapide ou même immédiat. »

L’ARS promeut un meilleur filtrage des patients avant les admissions aux urgences, en s’adressant en première intention au 15 ou à leur médecin traitant. « Il y a toute une batterie de mesures, dont la télémédecine, pour que les personnes, âgées ou pas, ne se rendent pas aux urgences », explique Bénédicte Motte. Pour les personnes âgées, le mot d’ordre est le maintien à domicile le plus possible et des admissions ciblées dans les services correspondant à leurs besoins, en cas d’hospitalisation. Une ligne d’assistance dédiée à la gériatrie a été mise en place pour améliorer l’orientation des patients depuis les Ehpad. L’expérimentation d’un service d’accès aux soins (SAS) doit aussi permettre via un numéro unique d’orienter les patients vers des créneaux non programmés, chez des généralistes.

L’ouverture des urgences de la clinique du Tondu à Floirac, annoncée pour le premier semestre 2022, et de celles de Bahia (qui réunit Robert-Picqué et Bagatelle) devraient donner un peu d’oxygène aux autres services d’urgence de la métropole.