VOTRE VIE, VOTRE AVISLe projet de réaménagement du périph' à Paris congestionne nos lecteurs

Réaménagement du périph' à Paris : Un projet « égoïste au bénéfice des habitants intra-muros », dénoncent nos lecteurs

VOTRE VIE, VOTRE AVISMardi soir, le Conseil de Paris a entériné le projet de réserver à l'horizon 2024 une voie du périphérique aux mobilités douces
Le projet de la mairie de Paris va sensiblement modifier le visage du périph'.
Le projet de la mairie de Paris va sensiblement modifier le visage du périph'. - HOUPLINE RENARD/SIPA / SIPA
Guillaume Novello

Propos recueillis par Guillaume Novello

L'essentiel

  • A partir de 2024, une voie du boulevard périphérique sera réservée « au covoiturage et autres modes vertueux », a confirmé mardi soir le Conseil de Paris.
  • Un projet qui n’a pas manqué de faire réagir de (nombreux) lecteurs.
  • Pour la plupart, ils s’opposent à ce réaménagement accusé d’augmenter les embouteillages et de couper Paris des Franciliens.

L’occasion fait le larron. Pour les JO Paris 2024, sera créé sur le périphérique (excepté la partie sud) une voie olympique réservée aux athlètes, médias, officiels, secours et forces de l’ordre. Financée par la Solideo (Société de livraison des ouvrages olympiques), elle sera équipée de caméras de forme, capteurs, signalétique, etc. Et mardi soir, le Conseil de Paris a confirmé que la ville récupérerait les équipements en place « afin de permettre la création d’une voie réservée au covoiturage et autres modes vertueux ».

De plus, le conseil municipal a adopté un vœu du groupe écologiste demandant de « compléter l’héritage » en intégrant dans la future voie de covoiturage le tronçon sud, entre les portes de Versailles et de Bercy. « Nous avons voté le principe de faire tout le périphérique », a résumé l’adjoint (EELV) à la transformation de l’espace public, David Belliard. La liste de ces « autres modes vertueux » est « en cours d’élaboration dans le cadre des ateliers du Périphérique », rappelle la mairie. Mercredi, le premier adjoint (PS) Emmanuel Grégoire avait évoqué les « transports en commun » et les « véhicules électriques ».

Des lecteurs majoritairement opposés au projet

Sur cette question de réserver une voie du périphérique aux bus et au covoiturage, nos lecteurs ont massivement répondu à notre appel à témoignages. En tout 135 contributions, pour la grande majorité (84,4 %) opposées au projet de la mairie. Seules 9,6 % des réponses soutiennent ce réaménagement tandis 5,8 % que des répondants sont partagés. Voici donc un échantillon, partiel et forcément partial, des réponses reçues en commençant par celles favorables au projet.

Parmi les soutiens au réaménagement, on trouve ainsi de nombreux riverains du périphérique, comme Michel qui espère ainsi « moins de bruit, de pollution ». Pour Nolan, voisin de cette « autoroute urbaine », le « périphérique est aujourd’hui une infrastructure utilisée très en deçà de sa capacité. La raison à cela ? Le nombre de personnes déplacées par chaque voiture, qui ne dépasse pas 1,1. Passer ce taux à 2, ce serait presque doubler le nombre de personnes transportées. À la clef ? Moins de voitures, moins de bouchons, moins de stress, et surtout de bruit et de pollution pour les centaines de milliers de Franciliens qui vivent à côté ». De même Hervé se prononce en faveur du covoiturage pour « décourager les gens seuls dans des voitures d’une tonne ». Pour lui, « c’est une bonne manière d’alléger cette couronne de pollution autour de Paris ». Christian approuve et signale que « ce système fonctionne très bien à Los Angeles, la circulation y est dense et fluide. »

« D’années en années, le périphérique est davantage engorgé et la situation ne s’améliore pas, constate Paul. Il devrait être réservé aux mobilités douces et aux transports en commun. » Jonas, qui habite en proche banlieue est radical. « Je n’en peux plus de cette séparation artificielle avec Paris, assène-t-il. Cela crée des zones sales, déclassées, dangereuses. Il faut transformer ce périphérique en simple boulevard et en finir avec les trajets du quotidien en voiture individuelle. »

« Est-ce délibérément par idéologie anti-voiture ? »

Parmi les opposants, certains économisent leurs mots, comme Philippe qui nous crie un « Surtout pas ! » ou Aude qui se prononce « contre », quand d’autres développent leur propos. Et l’argument qui revient souvent est résumé par Ingrid : « Le périphérique est déjà très engorgé et cela accentuerait les embouteillages. » « Je mets déjà en moyenne 1h30 pour faire 19 km le matin, témoigne Christelle. Lorsque l’on a des enfants, on ne peut pas partir en décalé pour éviter les bouchons, et tout le monde ne peut pas prendre les transports/vélos/trottinettes. » Routier, Vincent dit vivre « un vrai calvaire » : « Si notre voie de droite s’encombre encore plus, ce ne sera plus la peine de venir livrer. Pour ma part si ça se concrétise, alors j’abandonnerai le métier. »

Certains opposants soupçonnent chez la municipalité actuelle une posture anti-voiture. Ainsi Etienne s’interroge : « Serait ce vraiment efficace ? Ou bien est-ce délibérément par idéologie anti-voiture ? ». Tandis que Samuel affirme que « cette obsession anti-automobile de Mme Hidalgo a un caractère pathologique. » Enfin pour Christophe, « la vie économique et notre confort souffrent de toutes ces entraves purement idéologiques à la libre circulation ».

Un axe banlieue/banlieue crucial

Plusieurs lecteurs mettent en avant l’importance du périphérique dans les schémas de déplacement des banlieusards, comme Claire, pour qui il est « une plaque tournante pour l’Île-de-France, un immense rond-point ». Frédéric précise que « la majorité des véhicules qui utilisent le périphérique font un passage forcé par ce trajet pour pouvoir communiquer de banlieues à Paris et de banlieues à banlieues, là où il n’y a pas de transport en commun capable de couvrir ces trajets, mais aussi pour transporter des marchandises. » Jean abonde : « Le périphérique sert à tous en Ile-de-France car on a toujours un schéma de déplacements en étoile dans la région. Limiter la circulation sur le périphérique revient à limiter la circulation entre et vers les banlieues. » Et Patrick de dénoncer une mesure « égoïste au bénéfice des Parisiens intra-muros aux dépens des autres Parisiens ».

C’est pourquoi plusieurs contributeurs réclament le transfert de la gestion du périphérique à la Région Ile-de-France, comme le demande depuis longtemps sa présidente, Valérie Pécresse. « Il semble que le périphérique est très peu utilisé par les Parisiens. Il serait donc logique d’en laisser la gestion à la Région », argumente Grégory.

Sortir les camions du périphérique

Mais les lecteurs proposent aussi des solutions pour fluidifier le trafic. Claude suggère qu’un « agrandissement serait presque préférable ». Laurent envisage carrément de « faire un périphérique au-dessus de l’autre pour servir les grands axes de sortie de Paris ». Plusieurs contributeurs, comme Llya, veulent « faire en sorte que les véhicules qui ne sont pas censés s’y trouver ne s’y retrouvent pas ». Dans le viseur de Thierry « TOUS les camions d’Europe qui ne l’empruntent qu’en transit. Pratiquement ils prennent presque deux files en permanence et ce sont les camions qui polluent le plus ». Opposant à la mesure, Jean-Pierre souhaite d’abord « améliorer les transports en commun en termes de fréquence et de confort ». Il propose également de « réserver une voie aux taxis sous réserve de leur faire payer le service ».

Enfin, on s’interroge sur l’application pratique du projet. « Quelle voie ? La gauche ? Et donc un bus qui doit sortir devra traverser deux files surchargées par le fait, questionne Eric. La voie de droite ? Et donc, un poids lourd qui doit sortir vers l’A4 devra couper la file des trottinettes ? Sacrément bien réfléchi. » Mathieu prédit quant à lui « une explosion des ventes de poupées gonflables pour leurrer les caméras ». Mais, selon Catherine, cette mesure pourrait faire des heureux parmi les automobilistes, à savoir « les inconditionnels de la voie de gauche auront ainsi un prétexte pour y rester ».