#METOOLe handicap n’a pas son #MeToo

Handicap : Les femmes victimes d’abus restent invisibles

#METOOElles sont encore plus exposées à des violences, mais leur parole ne semble ni s’être libérée ces dernières années, ni avoir été entendue
Le mouvement #MeToo, désigné en France sous le hashtag #BalanceTonPorc, n'a pas permis de libérer la parole des femmes en situation de handicap victimes de violence.
Le mouvement #MeToo, désigné en France sous le hashtag #BalanceTonPorc, n'a pas permis de libérer la parole des femmes en situation de handicap victimes de violence. - M. Khromova / Getty Images / Getty
Maxime Bazile

Maxime Bazile

L'essentiel

  • La 25e édition de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH) se déroule du lundi 15 novembre au dimanche 21 novembre à l’initiative de l’Association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (Ladapt), sur le thème des jeunes en situation de handicap et de l’emploi.
  • Retrouvez notre supplément 20 Minutes Inclusion sur www.20minutes.fr/pdf/supplements.

# EllesAussi. Selon l’enquête CVS (Cadre de vie et de sécurité) publiée par l’Insee en 2020, les personnes handicapées sont plus souvent victimes de violences que le reste de la population. Plus exposée, cette population n’est pas pour autant plus écoutée. La libération de la parole, consécutive au mouvement #BalanceTonPorc ( #MeToo au niveau mondial), ne semble pas avoir touché les personnes en situation de handicap. La lumière des médias non plus.

Dans l’enquête de CVS, 7 % des personnes handicapées ont déclaré des violences physiques et/ou sexuelles, contre 5 % des personnes « valides » entre 2011 et 2018. Mais ces chiffres sont banalisés, déplore Isabelle Dumont, chargée de mission à l’association Femmes pour le dire, Femmes pour agir (FDFA) : « Ils sont banalisés comme tout ce qui concerne le handicap dans la société. La question des violences faites aux femmes handicapées est invisibilisée de la même façon que les femmes handicapées sont invisibilisées. Ce sont pourtant des violences que certaines subissent du berceau à la tombe. »

« Identifiées comme des proies faciles »

Camille* fait partie de celles qui ont connu ces violences. Elle avait 6 ans la première fois qu’elle a subi des attouchements de son beau-père. Elle voyait encore. Quand elle perd la vue, trois années plus tard, les agressions sont devenues plus courantes. Parmi les prédateurs, le fils de la voisine : « Il est venu le soir dans ma chambre. Il s’en prenait aussi à d’autres filles handicapées, identifiées comme des proies faciles car on pouvait moins se défendre. » Plus tard, la voilà scolarisée dans une école spécialisée à Paris. Dans cet internat mixte, bon nombre d’anciennes élèves nous disent avoir subi des agressions voire plus, de la part de camarades et même d’adultes. Camille va y subir les assauts répétés de son prof principal. Mais la direction ferme les yeux, explique-t-elle.

Autre lieu, même problème : « Un jour, raconte Cécilia*, en formation bien-être, pendant un cours sur le massage californien, une fille était en maillot de bain, et un camarade a carrément mis la main dans son entrejambe ! C’était tout le temps des trucs comme ça. Comme je gueulais un peu trop à leur goût, un élève s’est mis à me harceler moralement. J’ai pris des profs à part pour leur demander d’être un peu vigilants. À part une enseignante, tout le monde semblait trouver ça normal. » Les femmes que nous avons rencontrées dénoncent ces violences, mais aussi l’absence de prise en charge, comme un coup d’arrêt à leur épanouissement et à leur autonomie dans la société.

« « Ces femmes peuvent faire l’objet de ce qu’on appelle un état de stress aigu. » Diane Samana, psychiatre »

Ce sentiment d’insécurité sociale est corroboré par la psychiatre Diane Samama. Selon elle, de telles expériences isolent la victime encore plus de la société et lui font perdre confiance en elle : « Ces femmes peuvent faire l’objet de ce qu’on appelle un état de stress aigu. Cela peut se développer en un état de stress post-traumatique. Il devient donc plus chronique, avec de l’hypervigilance. C’est-à-dire que les gens seront toujours un peu sur le qui-vive et en alerte par rapport au danger. Il peut aussi y avoir des comportements d’évitement : comme des femmes qui se gardent de côtoyer des hommes quand l’agression a été commise par un homme, des personnes qui évitent de sortir de chez elles. » Or, « sortir de chez soi, demander de l’aide à des inconnus, hommes ou femmes, acquérir de l’autonomie, font partie de la socialisation d’une personne en situation de handicap », rappelle Sabine*, malvoyante et victime de violences sexuelles.

Des réseaux sociaux peu utilisés

Selon les informations que nous avons pu recueillir, aucune campagne de sensibilisation aux violences sexuelles n’a eu lieu dans les écoles et centres de formation spécialisés. Une différence de traitement par rapport aux établissements ordinaires, où ces interventions se développent. Pour Isabelle Dumont, le premier obstacle au #MeTooHandicap vient de ce manque d’éducation et de considération : « On voit d’abord un handicap avant de voir une personne, bonne ou mauvaise. Le deuxième obstacle vient du fait que, pour une grande partie des femmes handicapées, l’usage des réseaux sociaux n’est pas une habitude. Nous avons lancé, en mars, un #IncesteHandicap sur les réseaux sociaux. Ça n’a absolument pas pris. Le handicap n’intéresse pas les médias en dehors de la Semaine pour l’emploi des personnes handicapées. Tout ceci explique pourquoi il n’y a pas, et qu’il n’y aura sans doute pas, de #MeTooHandicap. » Douze millions de personnes souffrent d’un handicap en France, soit 18 % de la population.

* Seul le prénom est employé, pour des raisons d’anonymat.

Pour accompagner les victimes en situation de handicap, mais aussi les témoins potentiels, aidants ou professionnels qui souhaiteraient se renseigner ou connaître la marche à suivre, l’association FDFA a mis en place un site d’information ecoute-violencesfemmes-handicapees.fr et un numéro d’écoute 01 40 47 06 06.

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