INTERVIEW« Il faut parler du handicap », répète Sophie Cluzel

Handicap : « Plus que jamais une priorité du quinquennat », selon Sophie Cluzel

INTERVIEWPour la secrétaire d’Etat Sophie Cluzel, préserver l’emploi des personnes en situation de handicap est plus que jamais d’actualité
Sophie Cluzel est la secrétaire d'Etat auprès du premier ministre, chargée des Personnes en situation de handicap.
Sophie Cluzel est la secrétaire d'Etat auprès du premier ministre, chargée des Personnes en situation de handicap. - NICOLAS MESSYASZ/SIPA / bizdev
Marie De Fournas

Marie De Fournas

L'essentiel

  • 20 Minutes publie ce lundi 16 novembre un dossier spécial consacré à l'Inclusion et à l'insertion des personnes en situation de handicap dans l'entreprise
  • Du 16 au 22 novembre se tient la semaine européenne pour l’emploi des personnes en situation de handicap (SEEPH)
  • Les personnes handicapées pourraient figurer parmi les premières victimes de la crise économique que certains redoutent au sortir de l'épidémie de Covid-19

Dans un contexte de crise sanitaire et économique, le chantier est considérable. Les difficultés des personnes en situation de handicap pour accéder à l’emploi risquent de s’aggraver avec la hausse attendue du chômage. Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat chargée des Personnes handicapées, fait le tour des solutions à mettre en œuvre (cette interview a été réalisée en octobre 2020, avant le reconfinement, dans le cadre du supplément Inclusion de 20 Minutes, paru le 16 novembre 2020).

Le handicap est-il toujours une priorité du quinquennat aujourd’hui ?

Plus que jamais ! J’étais en déplacement avec le président de la République début octobre pour réaffirmer haut et fort que les personnes en situation de handicap et leurs aidants sont au cœur de nos politiques publiques. Notre feuille de route est d’autant plus d’actualité au vu de la crise sanitaire économique et sociale.

Selon le baromètre 2019 de l’Ifop pour France Handicap, 92 % des répondants affirment ne pas avoir confiance dans le gouvernement pour lutter contre la pauvreté des personnes handicapées. Comment inverser cette tendance ?

Durant le confinement, à sa sortie et actuellement, le lien avec les associations est continu. Depuis le 14 mars, je les réunis tous les quinze jours en visio pour être le plus réactive possible aux besoins des personnes en situation de handicap. Mon action s’est traduite par une série de mesures importantes, notamment pendant le confinement avec les dérogations de sortie, ou l’accompagnement financier des Esat [Etablissement et service d’aide par le travail], qui a permis un maintien de revenus pour les personnes et les structures. Aussi, j’ai veillé à protéger les personnes et les familles, pour que la crise sanitaire ne se double pas de nouvelles difficultés : tous les droits au sein des maisons départementales des personnes handicapées ont été prorogés, sur tout le territoire. Même si j’ai conscience que ça reste une période difficile pour tous.

Le taux de chômage chez les personnes en situation de handicap reste deux fois plus élevé que pour le reste de la population. Quelles sont les mesures pour y remédier ?

Nous avons déjà déployé différentes solutions qui portaient des résultats encourageants, puisqu’en décembre nous étions passés sous la barre des 500.000 chômeurs en situation de handicap. Mais il y a eu la crise. J’ai donc remobilisé les organisations syndicales et patronales, ainsi que tous les institutionnels qui accompagnent les employeurs. Nous avons recontacté les entreprises qui avaient signé le « manifeste inclusion » pour leur rappeler leurs engagements.

Nous avons consacré 100 millions d’euros à l’aide au recrutement d’une personne en situation de handicap, soit 4 000 € à l’employeur s’il signe un CDD de plus de trois mois, ou un CDI entre maintenant et fin février 2021, avec une qualification jusqu’à deux fois le Smic. Sur cette aide et celle à l’apprentissage qui va jusqu’à 8 000 €, j’ai fait supprimer la limite d’âge. Ces personnes pourront également bénéficier du dispositif d’emploi accompagné, c’est-à-dire des services de job coachs qui accompagnent dans le temps les entreprises employant des personnes avec une déficience mentale, notamment. C’est un appui gratuit pour les entreprises. Le handicap, il faut en parler, car les leviers existent pour réussir.

Dans ce même esprit il y a l’événement Duoday qui était prévu en mai mais qui a été décalé ?

Il se déroulera le 19 novembre prochain. Il permettra de favoriser la rencontre entre les entreprises et les personnes handicapées et débouche ensuite, dans de nombreux cas, sur des stages, des CDD et même des CDI. Pour l’édition 2020, qui se déroule dans un contexte sanitaire particulier, le Duoday se tiendra uniquement à distance [par ordinateurs interposés]. C’est un évènement qui a pour vertu de faire tomber les préjugés sur l’embauche en entreprise et qui permet également de lever l’autocensure des personnes handicapées à aller vers l’emploi.

La loi handicap oblige les entreprises à compter dans leurs effectifs 6 % de personnes handicapées. Comment y parvenir ?

Ça avance, pas assez vite bien sûr, mais ça avance. L’Agefiph [Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées] frappe à la porte de certaines entreprises pour évaluer la meilleure façon de les accompagner, et pour leur expliquer que c’est simple.