ENVIRONNEMENTEn Camargue, la riziculture se prépare au réchauffement climatique

Camargue : Les riziculteurs alertent sur les conséquences du réchauffement climatique

ENVIRONNEMENTTandis qu’une nouvelle variété tolérante au sel doit bientôt voir le jour, la filière appelle l’Etat à s’emparer du sujet de la montée des eaux de mer dans le delta
Le centre français du riz travaille sur de nouvelles variétés de riz en Camargue
Le centre français du riz travaille sur de nouvelles variétés de riz en Camargue - Rémy Mulatier / Rémy Mulatier
Caroline Delabroy

Caroline Delabroy

L'essentiel

  • Installé à Arles, le centre français du riz a développé une nouvelle variété de riz résistance au sel pour anticiper l’évolution climatique.
  • « On a sauvé le Mont Saint-Michel, on peut essayer de sauver la Camargue ! », lance de son côté Bertrand Mazel, président du syndicat des riziculteurs de France.

«Le réchauffement climatique est en train de bouleverser la donne ». Dans les locaux qu’il partage à Arles avec le centre français du riz, Bertrand Mazel, président du syndicat des riziculteurs de France, ne cache pas son inquiétude pour la Camargue : « Il y a des risques de submersion marine sur une partie du territoire, il faut que les pouvoirs publics agissent rapidement avant la catastrophe. »

« On pourrait imaginer de refaire la digue à la mer, lance-t-il. Depuis Napoléon III, à qui on doit cet aménagement, on n’a pas vraiment réfléchi à l’évolution du territoire. On a sauvé le Mont Saint-Michel, on peut essayer de sauver la Camargue ! Il faut une vision à moyen et plus long terme sur l’activité du delta. » L’IGP « riz de Camargue » fait vivre près de 170 agriculteurs. « La riziculture envoie beaucoup d’eau douce au delta, cet apport permet une biodiversité », avance Bertrand Mazel.

La Camargue est entourée par deux bras du Rhône, qui se divisent au niveau d’Arles avant d’aller se jeter dans la Méditerranée. L’étang du Vaccarès a longtemps joué le rôle de zone humide tampon, entre l’activité des salins aux sud, et le riz plus au nord. « L’évolution climatique fait que le débit moyen du Rhône va avoir tendance à diminuer, avance aussi Arnaud Boisnard, ingénieur et responsable de l’évaluation et la création variétale au centre français du riz. Dans les deux bras du Rhône, l’eau salée de la mer va avoir tendance à remonter. Le riz est un pivot, qui permet d’apporter énormément d’eau douce au milieu. »

« Une nouvelle variété ne peut pas tout »

La Camargue n’est pas le seul delta à être exposé aux enjeux climatiques et à la forte salinité des sols. Les deltas du Pô en Italie et de l’Ebre en Espagne, respectivement premier et deuxième pays européen producteur de riz, connaissent des problématiques similaires. C’est ainsi dans le cadre d’un projet européen que le centre français du riz a développé une nouvelle variété de riz résistante au sel. « On a apporté un facteur de tolérance au sel, qui permet que la plante puisse pousser », explique Arnaud Boisnard, qui espère qu’elle pourra être commercialisée d’ici à deux ans.

« Il ne faut pas croire qu’une variété va tout faire, nuance-t-il. C’est un atout en plus, qui doit être intégré à une politique territoriale et à des pratiques d’agriculture avec l’irrigation par submersion, comme savent le faire les agriculteurs qui contrôlent l’eau qu’ils pompent dans le Rhône. » En parallèle, le centre travaille sur d’autres variétés susceptibles d’intéresser et de développer la filière, très demandeuse en riz parfumé par exemple. Avec toujours ce souci de s’adapter aux contraintes du milieu.

« Cette nouvelle variété nous intéresse car c’est le sujet d’avenir, on anticipe, par rapport aux montées marines à trouver des semences qui soient adaptables au sel », affirme de son côté Bertrand Mazel, qui relève « que 25 % des zones rizicoles dans le monde sont des deltas ». Et qui au passage lance un appel en responsabilité : « En France, on ne fait pas d’OGM, on reste sur une méthode traditionnelle d’une hybridation naturelle, il faut que le consommateur le sache et soit prêt à payer plus du riz européen. »